Ce paragraphe là est bon aussi, il explique le mécanisme de la publicité:
" …C’est à partir du début du XXème siècle que se sont développés scientifiquement des procédés dont l’objet est de contrôler la superposition dans l’esprit humain, d’idées opposées qui concernent une même question. L’usage de ces techniques s’est généralisé depuis partout dans le monde.
La méthode la plus simple pour faire admettre à un individu des pensées contraires est la technique de manipulation du langage. Il s’agit d’une technique qui consiste, à partir d’une phrase qui décrit la réalité, et que je nommerais phrase vraie, à effacer ou à substituer certains mots de cette phrase par d’autres, qui y apportent un sens différent, afin de construire une phrase contrefaite qui suscitera au sein de l’esprit humain l’association de deux idées incompatibles. Prenons un exemple simple afin d’éclairer notre propos.
Il existe des agences chargées par les pouvoirs publics de faire l’analyse de l’air des villes, qui est devenu irrespirable. Ces agences donnent régulièrement des informations sur la « qualité de l’air ». Si l’on avait à écrire la phrase vraie, on écrirait « l’empoisonnement de l’air ». C’est la seule notion réelle, la seule notion vraie qui décrit ce qui est. Or, on a substitué dans la phrase vraie le mot « empoisonnement » par le mot « qualité », pour former la phrase contrefaite « qualité de l’air ».
Ainsi, on a par cette substitution engendré une association entre deux idées incompatibles dans l’esprit humain, qui conduit les gens à supposer en même temps que l’air est pollué, et que l’air qu’ils respirent a une qualité (…)
...On est parvenu à provoquer une anomalie très grave dans l’esprit des gens, qui consiste à penser des choses contradictoires en même temps, sans s’en apercevoir.
On pourrait sans difficulté multiplier les exemples de cette nature, car il est possible d’utiliser à l’infini cette sorte de montage lexicologique. Ces deux exemples sont des cas particuliers d’un mécanisme plus général, que je nommerai le mécanisme des associations d’idées.
En occident, l’usage massif de ce mécanisme réside dans la publicité. La publicité est une technique de manipulation mentale qui consiste à superposer dans l’esprit humain deux ou plusieurs concepts strictement différents, que rien ne peut relier, en un seul. Il s’agit d’une généralisation du procédé que j’ai pris en exemple, c’est une technique qui engendre non plus seulement la fusion des idées à partir des mots, que l’on arrange dans des phrases, mais aussi à partir d’images, de musiques, etc. que l’on combine dans des associations plus complexes. Dans ce processus, en supposant que l’on utilise deux concepts, certaines caractéristiques de l’un des concepts se détachent de lui-même pour venir s’attribuer à l’autre.
On peut utiliser cette technique pour vendre des objets sans valeur, comme le sont la plupart des biens de consommation, en leur attribuant des qualités fictives par une association d’idées. Par exemple on peut, dans le but de vendre de l’eau de table, fusionner dans l’esprit des gens l’idée de l’eau de boisson avec l’idée des montagnes ou bien, dans le but de vendre du savon, fusionner l’idée du savon avec celle des îles tropicales. Il s’agit d’absurdités, d’associations de deux idées qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre, qui sont disjointes complètement, mais que le peuple, parce qu’il est insensé, va associer sous le travail des médias et de la propagande.
Dans le premier cas, l’association d’idées est la suivante: il y a une idée de solidité qui est suggérée par l’image des montagnes, et qui est calquée sur l’idée de boire de l’eau, ce qui conduit à comprendre qu’en buvant de l’eau, on acquiert la solidité, ou plus précisément, que le moyen d’acquérir la solidité, c’est-à-dire une bonne santé, c’est de boire de l’eau.
Dans le deuxième cas, l’association d’idées se fait entre l’image de nous-mêmes, qui doit nous destiner au paradis ou à l’enfer, et la notion de propreté qui est suggérée par le savon. L’idée de propreté que confère le savon est transférée pour s’attribuer à nous-mêmes, ce qui conduit à comprendre que lorsque l’on se lave, on arrive dans une île paradisiaque, ou disons, au paradis, comme si l’homme pouvait se laver de ses erreurs avec du savon.
En principe, ce sont les meilleures caractéristiques de l’un des deux objets qui vont se généraliser à l’autre, parce que, entre les deux objets, me semble t-il, le cerveau humain se tourne naturellement vers celui qui lui parait être le plus profitable. Le but est de transférer des qualités illusoires à l’objet que l’on désire vendre, qui sont toujours absentes de lui-même, pour convaincre les gens de l’acheter.
Il s’agit d’une méthode qui fonctionne fort bien, au regard de ce que l’on remarque en voyant la satisfaction des gens qui font leurs achats. Il ne s’agit plus d’achats normaux, au contraire, chaque achat devient une petite communion du bonheur, parce que, je pense, lorsqu’ils se voient acheter tel produit, les gens ressentent telle impression qui provient d’autre chose. Le besoin d’accumulation qu’ils éprouvent est finalement une manière d’atteindre le bonheur, auquel ils ne peuvent pas parvenir autrement que par une association d’idées..."
Je n'ai pas encore tout lu j'ai survolé certains chapitres, et le chapitre 2 sur les banques parait explosif!
A télécharger librement ici:
http://www.manuscritdepot.com/a.david-millet.1.htm