Petit anthropocentrisme vulgarisé.
Publié : 28 déc. 2006, 11:49
Salut,
Sur ce forum, je critiquais un jour Yves Coppens : en effet, plusieurs fois dans des livres de lui que j'ai pu lire, où dans des articles dans lesquels il était interviewé, je notais de sa part une curieuse tendance régulière à faire preuve d'anthropocentrisme.
Vu son domaine d'activité, c'est assez irritant : il devrait au contraire sans cesse nous mettre en garde contre cette erreur de raisonnement, au lieu de la commettre lui-même.
Bon, peu importe, j'en avais vite conclu que son raisonnement doit être malgré lui un peu biaisé soit par une religion quelconque, soit par des "résidus reflexes" d'une croyance similaire (l'âme, peut-être ?). J'en sais rien.
Je disais surtout :
Et là, Coppens commence à broder son histoire en racontant que certainement les néandertaliens étaient éblouis par la beauté de la femme sapiens, par ses formes gracieuses, par ses "cheveux d'or", etc.
Et d'enchaîner grosso-modo que les sapiens, au contraire, avaient du trouver au premier abord effrayant le physique ingrat de néandertal. Il suggère même qu'il devait sembler si primaire à sapiens que celui-ci aurait pu le prendre pour un anthropophage ! Alors même qu'il est dit quelques instants plut tôt dans le film que sapiens n'avait pas encore developpé d'avantage technique particulier.
Certes, c'est une fiction, n'empêche que c'est franchement mal vu. A l'inverse de ce qui est insinué dans ce film, il semblerait bien naturel que néandertal trouvait sa femelle (néandertale) beaucoup plus belle et attirante qu'une quelconque femelle sapiens. Avec ses critères de jugement néandertalien, et si une telle rencontre se produisait, on devrait supposer qu'au lieu d'être fasciné par notre beauté, néandertal nous aurait jugés affreux et difformes... bref il nous jugerait tout simplement aussi différent de lui que nous le jugeons différent de nous. Et repoussant, d'instinct.
Notre espèce n'est pas objectivement belle dans la nature, elle n'est belle que parceque nous la jugeons ainsi. Et néandertal, probablement, se trouvait beau lui-même.
Quelle prétention... quel orgueil peut donc mener à avancer l'idée d'une supériorité objective naturelle d'homo sapiens, en dehors même de ses propres critères, références et valeurs ? En tout cas, la religion le fait systématiquement, c'est même son fond de commerce : mais la démarche est irréaliste, mensongère... fausse, tout simplement.
Coppens a été le conseiller scientifique du film, donc on peut lui attribuer directement cette bourde, à l'origine tout de même d'une majeure partie de l'intrigue ! Et même si juste après il se rattrape aux branches en expliquant que néandertal avait des rites funéraires sophistiqués, qu'il n'était pas si sauvage et primaire que çà... je trouve que les propos et jugements proposés dans ce passage du film sont typiquement anthropocentriques, donc inutiles du point de vue historique et même franchement déplacés au sein d'un travail de vulgarisation scientifique (par ailleurs, d'excellente qualité globale).
Au début du film, l'homme de néandertal viole brutalement une femelle de son groupe. Et un peu après, il s'empare de la prisonnière sapiens, dont il tombe amoureux et qu'il respecte avec un tact et une tendresse incroyables. Le but téléphoné de cette idylle impossible, c'est bien sûr d'évoquer l'incompatibilité supposée entre les deux espèces (non inter-fécondité).
Mais le héros est vraiment farfelu dans ses attitudes. Il aurait été beaucoup plus crédible, pour ce personnage, d'inverser les rôles féminins. Qu'il soit d'abord amoureux d'une femme de son clan. Puis qu'il fasse une prisonnière, la femme sapiens, et qu'il la viole pour se défouler. Le scénario aurait été débarassé de ce regrettable anthropocentrisme, il aurait donc été plus élégant mais surtout plus vraisemblable.
Elargissons un peu ce travers du film. Lorsqu'un gorille mâle rencontre une femelle chimpanzé, est-ce qu'il la trouve plus attirante, jolie et gracieuse qu'une femelle gorille ? S'il était lucide, il devrait, car le chimpanzé est le singe le plus proche possible du seul être naturellement et objectivement parfait : moi, sapiens.
Ah, nombrilisme, quand tu nous tiens !
Hallucigenia
Sur ce forum, je critiquais un jour Yves Coppens : en effet, plusieurs fois dans des livres de lui que j'ai pu lire, où dans des articles dans lesquels il était interviewé, je notais de sa part une curieuse tendance régulière à faire preuve d'anthropocentrisme.
Vu son domaine d'activité, c'est assez irritant : il devrait au contraire sans cesse nous mettre en garde contre cette erreur de raisonnement, au lieu de la commettre lui-même.
Bon, peu importe, j'en avais vite conclu que son raisonnement doit être malgré lui un peu biaisé soit par une religion quelconque, soit par des "résidus reflexes" d'une croyance similaire (l'âme, peut-être ?). J'en sais rien.
Je disais surtout :
Ben... je viens de revoir l'épisode relatant une possible rencontre entre cro magnon et néandertal. Les néandertaliens fascinés par la beauté d'une femme sapiens la 'kidnappent' et l'amènent dans leur grotte.Hallucigenia a écrit :Par contre, il a travaillé il y a peu sur le documentaire TV "L'odyssée de l'espèce". Et de mon point de vue, c'était un excellent travail de vulgarisation.
Et là, Coppens commence à broder son histoire en racontant que certainement les néandertaliens étaient éblouis par la beauté de la femme sapiens, par ses formes gracieuses, par ses "cheveux d'or", etc.
Et d'enchaîner grosso-modo que les sapiens, au contraire, avaient du trouver au premier abord effrayant le physique ingrat de néandertal. Il suggère même qu'il devait sembler si primaire à sapiens que celui-ci aurait pu le prendre pour un anthropophage ! Alors même qu'il est dit quelques instants plut tôt dans le film que sapiens n'avait pas encore developpé d'avantage technique particulier.
Certes, c'est une fiction, n'empêche que c'est franchement mal vu. A l'inverse de ce qui est insinué dans ce film, il semblerait bien naturel que néandertal trouvait sa femelle (néandertale) beaucoup plus belle et attirante qu'une quelconque femelle sapiens. Avec ses critères de jugement néandertalien, et si une telle rencontre se produisait, on devrait supposer qu'au lieu d'être fasciné par notre beauté, néandertal nous aurait jugés affreux et difformes... bref il nous jugerait tout simplement aussi différent de lui que nous le jugeons différent de nous. Et repoussant, d'instinct.
Notre espèce n'est pas objectivement belle dans la nature, elle n'est belle que parceque nous la jugeons ainsi. Et néandertal, probablement, se trouvait beau lui-même.
Quelle prétention... quel orgueil peut donc mener à avancer l'idée d'une supériorité objective naturelle d'homo sapiens, en dehors même de ses propres critères, références et valeurs ? En tout cas, la religion le fait systématiquement, c'est même son fond de commerce : mais la démarche est irréaliste, mensongère... fausse, tout simplement.
Coppens a été le conseiller scientifique du film, donc on peut lui attribuer directement cette bourde, à l'origine tout de même d'une majeure partie de l'intrigue ! Et même si juste après il se rattrape aux branches en expliquant que néandertal avait des rites funéraires sophistiqués, qu'il n'était pas si sauvage et primaire que çà... je trouve que les propos et jugements proposés dans ce passage du film sont typiquement anthropocentriques, donc inutiles du point de vue historique et même franchement déplacés au sein d'un travail de vulgarisation scientifique (par ailleurs, d'excellente qualité globale).
Au début du film, l'homme de néandertal viole brutalement une femelle de son groupe. Et un peu après, il s'empare de la prisonnière sapiens, dont il tombe amoureux et qu'il respecte avec un tact et une tendresse incroyables. Le but téléphoné de cette idylle impossible, c'est bien sûr d'évoquer l'incompatibilité supposée entre les deux espèces (non inter-fécondité).
Mais le héros est vraiment farfelu dans ses attitudes. Il aurait été beaucoup plus crédible, pour ce personnage, d'inverser les rôles féminins. Qu'il soit d'abord amoureux d'une femme de son clan. Puis qu'il fasse une prisonnière, la femme sapiens, et qu'il la viole pour se défouler. Le scénario aurait été débarassé de ce regrettable anthropocentrisme, il aurait donc été plus élégant mais surtout plus vraisemblable.
Elargissons un peu ce travers du film. Lorsqu'un gorille mâle rencontre une femelle chimpanzé, est-ce qu'il la trouve plus attirante, jolie et gracieuse qu'une femelle gorille ? S'il était lucide, il devrait, car le chimpanzé est le singe le plus proche possible du seul être naturellement et objectivement parfait : moi, sapiens.
Ah, nombrilisme, quand tu nous tiens !
Hallucigenia