Jeanne d'Arc et les voix qu'elle affirmait entendre :
Publié : 10 nov. 2007, 16:44
* * * * * * * JEANNE D'ARC ET LES VOIX PARANORMALES :
JEAN BEAUPÈRE. - Entendez-vous souvent cette voix ?
JEANNE : " II n'est jour que je ne l'entende, et même j'en ai bien besoin."
JEANNE : " Je voudrais que chacun l'entendît aussi bien comme moi. "
JEANNE : "J'ai une plus grande peur de faillir, en disant quelque chose qui déplaise à ces
voix que je n'en ai de vous répondre. "
JEAN BEAUPÈRE. - Avez-vous vu saint Michel et les anges corporellement et réellement ?
JEANNE : " Je les vis de mes yeux corporels, aussi bien que je vous vois. Et quand ils se
partaient de moi, je pleurais ; et j'eusse bien voulu qu'ils m'emportassent avec eux. "
L'ÉVÊQUE. - Croyez-vous que saint Michel et saint Gabriel ont des têtes naturelles ?
JEANNE : "Je les ai vus de mes yeux, et crois que ce sont eux, aussi fermement que Dieu est."
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* * * * * * * PROCES DE JEANNE D'ARC : en 1431 :
Tous les extrait présentés ici concernant le procès et le témoignage de Jeanne d'Arc ont
été édités par Jules Quicherat ; le Procès de condamnation a été réédité de la manière la
plus remarquable par Pierre Champion.
Ce ne sont que quelques dizaines de réponses de Jeanne d'Arc à propos des voix qu'elle
AFFIRMAIT entendre, mais dans son procès, il y eut beaucoup plus de questions-réponses
à propos de ces voix, car ici ne figure qu'une toute petite partie seulement.
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Jeudi 22 février 1431, dans la chapelle royale du château de Rouen :
JEAN BEAUPÈRE. - Quand avez-vous commencé à ouïr ce que vous nommez vos voix ?
JEANNE. - Quand j'eus l'âge de treize ans, j'eus une voix de Dieu pour m'aider à me
gouverner. Et la première fois, j'eus grand'peur. Et vint cette voix environ l'heure de midi,
au temps de l'été, dans le jardin de mon père. Je n'avais pas jeûné la veille. J'ouïs la voix
du côté droit vers l'église, et rarement je l'ouïs sans clarté. En vérité il y a clarté du côté où
la voix est ouïe, il y a là communément une grande clarté. Quand je vins en France, souvent
j'entendais cette voix.
JEAN BEAUPÈRE. - Comment voyez-vous la clarté que vous dites quand cette clarté est
sur le côté ?
JEANNE - Si j'étais dans un bois, j'entendrais bien la voix venant à moi.
UN ASSESSEUR. - Sous quelle forme cette voix vous est-elle apparue ?
JEANNE. - Vous n'aurez pas cela de moi, cette fois. Cette voix me disait, deux ou trois fois
la semaine, qu'il fallait que je partisse et que je vinsse en France, et que mon père ne sût rien
de mon départ. La voix me disait de venir en France, et je ne pouvais plus durer où j'étais.
Cette voix me disait encore que je lèverais le siège mis devant la cité d'Orléans. Elle me dit
en outre d'aller à Robert de Baudricourt, dans la ville de Vaucouleurs, et qu'il me baillerait
des gens pour aller avec moi. Et alors je répondis que j'étais une pauvre fille qui ne savait
monter à cheval ni mener la guerre. J'allai chez un mien oncle, et lui dis que je voulais
demeurer quelque menu temps chez lui. Et j'y demeurai environ huit jours. Et je dis alors à
mon oncle qu'il fallait que j'allasse en ladite ville de Vaucouleurs. Et mon oncle lui-même m'y
mena. Quand je fus venue en ladite ville de Vaucouleurs, je reconnus Robert de Baudricourt
encore que je ne l'eusse jamais vu auparavant. Je reconnus par cette voix ledit Robert, car la
voix m'avait dit que c'était lui. Et je dis à Robert qu'il fallait que je vinsse en France. Robert
par deux fois me repoussa et me refusa, et la tierce, il me reçut et me bailla des hommes.
La voix m'avait dit ce qui arriverait.
JEAN BEAUPÈRE. - Comment était cette voix ?
JEANNE. - II me semblait que c'était une digne voix, et je crois que cette voix était envoyée
de par de Dieu. Lorsque j'eus ouï par trois fois cette voix, je connus que c'était la voix d'un
ange. Cette voix m'a toujours bien gardée, et je comprenais bien cette voix.
JEAN BEAUPÈRE. - Quel enseignement vous donnait cette voix pour le salut de votre âme ?
JEANNE. - Elle m'enseigna à me bien conduire, à fréquenter l'église. Elle me dit qu'il était
nécessaire que je vinsse en France.
JEAN BEAUPÈRE. - Votre Roi eut-il des révélations ?
JEANNE. - Avant que mon Roi me mît à l'œuvre, il eut plusieurs apparitions et belles révélations.
JEAN BEAUPÈRE. - Quelles apparitions et révélations eut votre Roi ?
JEANNE. - Je ne vous le dirai point. Vous n'aurez pas encore réponse. Mais envoyez vers
le Roi, et il vous le dira.
JEAN BEAUPÈRE. - Pourquoi votre Roi vous a-t-il reçue ?
JEANNE. - La voix m'avait promis que mon Roi me recevrait assez tôt après que je serais
venue vers lui. Mon Roi et plusieurs autres ouïrent et virent les voix qui venaient à moi.
Il y avait présents Charles de Bourbon, et deux ou trois autres.
JEAN BEAUPÈRE. - Entendez-vous souvent cette voix ?
JEANNE. - II n'est jour que je ne l'entende, et même j'en ai bien besoin.
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Samedi 24 février 1431 :
JEAN BEAUPÈRE. - Depuis quelle heure avez-vous entendu la voix qui vient à vous ?
JEANNE. - Je l'ai ouïe hier et aujourd'hui.
JEAN BEAUPÈRE. - À quelle heure, hier, avez-vous ouï cette voix ?
JEANNE. - Je l'aie ouïe trois fois, ce jour-là : une fois au matin, une fois à vêpres, et la
troisième fois comme on sonnait pour l'Ave Maria du soir. Et je l'ouïs plus souvent que je
ne le dis.
JEAN BEAUPÈRE. - La voix vient-elle de Dieu ?
JEANNE. - Je crois fermement, aussi fermement que je crois en la foi chrétienne et que
Dieu nous racheta des peines d'enfer, que cette voix vient de Dieu et par son ordre.
JEAN BEAUPÈRE. - Cette voix, que vous dites vous apparaître, est-elle un ange, ou
vient-elle de Dieu immédiatement ? ou est-ce la voix d'un saint ou d'une sainte ?
JEANNE. - Cette voix vient de par Dieu. Et je crois que je ne vous dit pas pleinement ce
que je sais. J'ai une plus grande peur de faillir, en disant quelque chose qui déplaise à ces
voix que je n'en ai de vous répondre. Et quant à cette question, je vous prie de me donner
un délai.
L'ÉVÊQUË. - Croyez-vous qu'il déplaise à Dieu qu'on dise vérité ?
JEANNE. - Les voix m'ont dit de dire certaines choses au Roi et non à vous. Cette nuit même,
la voix m'a dit moult de choses pour le bien de mon Roi, que je voudrais qu'il sût dès maintenant,
dussé-je ne pas boire de vin jusqu'à Pâques. Car il en serait plus aise à dîner.
JEAN BEAUPÈRE. - Ne pouvez-vous tant faire auprès de cette voix qu'elle veuille obéir et
porter cette nouvelle à votre Roi ?
JEANNE. - Je ne sais si la voix voudrait obéir, fors si c'était la volonté de Dieu et si Dieu y
consentait. Mais s'il plaisait à Dieu, il pourrait bien faire révéler à mon Roi. Et de cela, je serais
bien contente.
JEAN BEAUPÈRE. - Pourquoi cette voix ne parle-t-elle pas avec votre Roi comme elle faisait
quand vous étiez en sa présence ?
JEANNE. - Je ne sais si c'est la volonté de Dieu. N'était la grâce de Dieu, je ne saurais rien faire.
JEAN BEAUPÈRE. - En ces deux derniers jours où vous avez entendu les voix, est-il venu
quelque clarté ?
JEANNE. - Au nom de la voix vient la clarté.
JEAN BEAUPÈRE. - Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu?
JEANNE. - Si je n'y suis, Dieu m'y mette ; et si j'y suis, Dieu m'y tienne. Je serais la plus
dolente du monde si je savais n'être pas en la grâce de Dieu. Et, si j'étais en péché, je crois que
la voix ne viendrait pas à moi. Et je voudrais que chacun l'entendît aussi bien comme moi.
JEAN BEAUPÈRE. - Quel âge aviez-vous quand vous l'entendîtes pour la première fois ?
JEANNE. - Je tiens que j'étais en l'âge de treize ans quand la voix me vint la première fois
JEAN BEAUPÈRE. - Hier au matin, que faisiez-vous, quand cette voix est venue à vous ?
JEANNE. - Je dormais, et la voix m'a réveillée.
JEAN BEAUPÈRE. - Vous a-t-elle éveillée en vous touchant les bras ?
JEANNE. - J'ai été éveillée par la voix, sans toucher.
JEAN BEAUPÈRE. - La voix était-elle dans votre chambre ?
JEANNE. - Non, que je sache, mais elle était dans le château.
JEAN BEAUPÈRE. - Avez-vous remercié cette voix ! et avez-vous fléchi les genoux ?
JEANNE. - Je l'ai remerciée, mais en m'asseyant en mon lit, et j'ai joint les mains. Et ce fut
après l'avoir requise de prêter conseil. Sur quoi elle me dit de répondre hardiment.
JEAN BEAUPÈRE. - Que vous dit la voix quand vous fûtes éveillée ?
JEANNE. - Je lui demandai conseil sur ce que je devais répondre, lui disant de demander
conseil sur cela à Notre-Seigneur. Et la voix me dit que je réponde hardiment et que Dieu me
conforterait.
JEAN BEAUPÈRE. - La voix vous a-t-elle dit quelques paroles avant d'être requise par vous ?
JEANNE. - La voix me dit quelques paroles, mais je ne les compris toutes. Toutefois, quand
je fus éveillée du sommeil, la voix me dit de répondre hardiment. (À l'évêque) Vous dites que
vous êtes mon juge. Avisez-vous de ce que vous faites, car, en vérité, je suis envoyée de par
Dieu, et vous vous mettez en grand danger.
JEAN BEAUPÈRE. - Cette voix a-t-elle quelquefois varié ses conseils ?
JEANNE. - Oncques ne l'ai trouvée en deux langages contraires. Cette nuit, je l'ai entendue
me dire de répondre hardiment.
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Mardi 27 février 1461 :
JEAN BEAUPÈRE. - Depuis samedi, avez-vous ouï la voix qui vient à vous ?
JEANNE. - Oui, vraiment, je l'ai ouïe beaucoup de fois.
JEAN BEAUPÈRE. - Était-ce voix d'ange qui vous parlait, voix de saint, de sainte, ou de
Dieu sans intermédiaire ?
JEANNE. - C'est la voix de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Et leurs figures sont
couronnées de belles couronnes moult richement et moult précieusement.
JEAN BEAUPÈRE. - Comment savez-vous que ce sont ces deux saintes ? Les connaissez-vous
l'une d'avec l'autre ?
JEANNE. - Je sais bien que ce sont elles, et je les connais bien l'une de l'autre.
JEAN BEAUPÈRE. - Comment les connaissez vous l'une de l'autre ?
JEANNE. - Je les connais par le salut qu'elles me font. Il y a sept ans passés qu'elles m'ont
prise pour me gouverner. Je les connais parce qu'elles se nomment à moi.
JEAN BEAUPÈRE. - Quelle fut la première voix qui vint à vous, quand vous étiez en l'âge de
treize ans ou environ ?
JEANNE. - Ce fut saint Michel que je vis devant mes yeux, et il n'était pas seul, mais était
bien accompagné d'anges du ciel. Je ne vins en France que du commandement de Dieu.
JEAN BEAUPÈRE. - Avez-vous vu saint Michel et les anges corporellement et réellement ?
JEANNE. - Je les vis de mes yeux corporels, aussi bien que je vous vois. Et quand ils se
partaient de moi, je pleurais ; et j'eusse bien voulu qu'ils m'emportassent avec eux.
JEAN BEAUPÈRE. - Quand vous avez vu la voix qui venait à vous, y avait-il de la lumière ?
JEANNE. - II y avait moult de lumière de toute part, et cela est convenable.
JEAN BEAUPÈRE. - Y avait-il un ange sur la tête de votre Roi quand vous le vites pour la
première fois ?
JEANNE. - Par la Bienheureuse Marie ! s'il y était, je ne sais, et je ne l'ai point vu.
JEAN BEAUPÈRE. - II y avait donc de la lumière ?
JEANNE. - II y avait plus de trois cents chevaliers, et cinquante torches, sans compter la lumière
spirituelle. Et rarement j'ai eu révélations sans qu'il y ait lumière.
JEAN BEAUPÈRE. - De quelle façon votre Roi a-t-il ajouté foi à vos dires ?
JEANNE. - II avait de bons intersignes, et par les clercs.
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Le samedi 3 mars 1431 :
L'ÉVÊQUE. - Nous requérons Jeanne de jurer simplement et absolument de dire vérité sur
tout ce qui lui sera demandé.
JEANNE. - Ainsi que autrefois j'ai fait, je suis prête à jurer. (Elle jure, les mains sur l'Évangile)
L'ÉVÊQUE. - Vous ne nous avez pas parlé des corps et des membres de sainte Catherine et
sainte Marguerite ?
JEANNE. - Je vous en ai dit ce que je sais, et ne vous en répondrai autre chose. J'ai vu
saint Michel et les saintes aussi bien que je sais qu'ils sont saint et saintes en paradis.
L'ÉVÊQUE. - Croyez-vous que saint Michel et saint Gabriel ont des têtes naturelles ?
JEANNE. - Je les ai vus de mes yeux, et crois que ce sont eux, aussi fermement que Dieu est.
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Le lundi 12 mars 1431 : dans la prison de Jeanne :
L'ÉVÊQUE. - Nous requérons Jeanne de dire vérité sur ce qu'on lui demandera.
JEANNE. - De ce qui touchera votre procès, comme autrefois vous ai dit, je dirai volontiers vérité.
Je le jure.
LA FONTAINE. - L'ange qui apporta au Roi le signe dont il a été fait mention parla-t-il point ?
JEANNE. - Oui. Il dit à mon Roi qu'on me mît vite en besogne, et que le pays serait bientôt allégé.
LA FONTAINE. - L'ange qui apporta ledit signe fut-il l'ange qui vous apparut premièrement, ou un
autre ?
JEANNE. - C'est toujours tout un, et oncques ne me faillit.
LA FONTAINE. - Vos voix vous ont-elles point appelée fille de Dieu, fille de l'Église, la fille au grand
cœur ?
JEANNE. - Avant le siège d'Orléans levé, et depuis, tous les jours, quand elles me parlent, elles
m'ont plusieurs fois appelée Jeanne la Pucelle, fille de Dieu.
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Mercredi 14 mars 1431 :
LA FONTAINE. - Vos voix vous demandent-elles délai pour répondre ?
JEANNE. - Sainte Catherine me répond quelquefois, et aucunes fois je manque à la comprendre,
à cause du trouble des prisons et par les noises de mes gardes. Quand je fais requête à sainte
Catherine, alors elle et sainte Marguerite font requête à Notre-Seigneur, et puis du commandement
de Notre-Seigneur elles me donnent réponse.
LA FONTAINE. - Quand elles viennent, y a-t-il lumière avec elles ? Avez-vous point vu de lumière,
la fois où vous ouïtes la voix dans ce château et où vous ne saviez si elle était dans votre chambre ?
JEANNE. - II n'est jour qu'elles ne viennent en ce château, et elles ne viennent point sans lumière.
LA FONTAINE. - Qu'avez-vous demandé à vos voix ?
JEANNE. - J'ai demandé à mes voix trois choses : l'une, mon expédition ; l'autre, que Dieu aide aux
Français, et garde bien les villes de leur obéissance ; et l'autre, le salut de mon âme...
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Le samedi 17 mars 1431 :
L'ÉVÊQUE. - Nous requérons Jeanne de prêter serment.
JEANNE. - Je jure.
LA FONTAINE. - En quelle forme et espèce, grandeur et habit vient saint Michel ?
JEANNE. - II était en la forme d'un très vrai prud'homme. De l'habit et d'autres choses, je n'en dirai
plus autre chose. Quant aux anges, je les ai vus, de mes yeux. Je crois aussi fermement les dits et
les faits de saint Michel qui m'est apparu, comme je crois que Notre-Seigneur Jésus-Christ souffrit
mort et passion pour nous.
LA FONTAINE. - Dieu hait-il les Anglais ?
JEANNE. - De l'amour ou haine que Dieu a pour les Anglais, ou de ce que Dieu fera à leurs âmes,
je ne sais rien. Mais je sais qu'ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront ; et
que Dieu enverra victoire aux Français, et contre les Anglais.
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Mardi 29 mai 1431 :
JEANNE. - Saint Michel ! saint Michel !
Le feu fut allumé. Inquiète pour les deux frères : prêcheurs, elle leur dit de s'écarter.
JEANNE. - Descendez, et levez haut la croix du Seigneur, que je puisse la voir.
De l'eau bénite ! Jésus ! Dans les flammes, on l'entendait répéter " au moins six fois " le nom
de Jésus.
JEANNE. - Jésus ! Jésus ! Jésus ! Jésus ! Jésus ! Jésus !
Puis Ladvenu l'entendit qui disait :
JEANNE. - Les voix que j'aie eues étaient de Dieu. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait par le commandement
de Dieu ! Non, mes voix ne m'ont pas déçues. Les révélations que j'ai eues étaient de Dieu. Enfin, au
moment de mourir, elle cria, d'une voix très forte : JEANNE. - Jésus !
On sait que le bourreau ne put arriver à réduire en cendres le cœur de Jeanne, et que celui-ci fut jeté
à la Seine avec le reste. Le peuple murmurait qu'on avait fait une grande injustice, et Jean Tressart,
secrétaire du roi d'Angleterre, résumait l'opinion de tous en revenant du lieu du supplice :
JEAN TRESSART - Nous sommes tous perdus ! Nous avons brûlé une sainte !
Et maître Jean Alespée, chanoine de Rouen et un des juges, avouait le jour même :
JEAN ALESPÉE. - Je voudrais que mon âme fût où qu'est l'âme de cette femme.
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CHRONOLOGIE : SOMMAIRE CONCERNANT JEANNE D'ARC :
1412 : Jeanne, fille de laboureur, naît à Domremy, sur la Meuse, un village français du Barrois mouvant.
1420, 20-21 mai : Le honteux traité de Troyes dénie la légitimité du dauphin Charles et prétend le priver
de ses droits monarchiques au profit de Henri V d'Angleterre.
1425 (environ) : Jeanne entend pour la première fois des voix mystérieuses.
1429 Janvier : Jeanne se rend à Vaucouleurs, auprès de Robert de Baudricourt, capitaine de cette place
pour le Roi.
22 février : Jeanne quitte Vaucouleurs, ayant conquis à sa cause Baudricourt.
6 mars : Elle rencontre Charles VII à Chinon.
22 mars : Lettre (ultimatum au nom du Ciel) de Jeanne aux Anglais.
29 avril : Jeanne entre dans Orléans assiégé.
4-7 mai : Prise des bastilles anglaises encerclant Orléans.
8 mai : Les Anglais lèvent le siège.
18 juin : Victoire de Patay.
17 juillet : Charles VII est sacré à Reims.
Décembre : Échec de Jeanne d'Arc à La Charité sur Loire. Lettres patentes de Charles VII anoblissant
le père de Jeanne et toute sa descendance.
1430, 23 mai : Tentant de secourir Compiègne, Jeanne tombe aux mains de Jean de Luxembourg, du
parti bourguignon.
Entre la mi-juillet et le 24 octobre (on ne peut préciser davantage) : Jeanne risque la mort en tentant
de s'échapper du château de Beaurevoir.
6 décembre : Jean de Luxembourg vend Jeanne d'Arc aux Anglais moyennant 10 000 écus d'or.
23 décembre : Jeanne à Rouen, où réside Pierre Cauchon, évêque-comte de Beauvais (Jeanne a été
arrêtée dans son diocèse), dépossédé de son siège.
1431, 9 janvier-23 mai : Présidé par l'évêque de Beauvais, a lieu à Rouen - pour hérésie et sorcellerie
- le procès de Jeanne devant un tribunal d'Église.
24 mai : Jeanne, ayant fait " soumission ", est condamnée à la prison perpétuelle.
28 mai : Ayant constaté que Jeanne avait repris ses habits d'homme, les docteurs la considèrent
aussitôt comme " relapse ".
29 mai : Jeanne d'Arc est condamnée à mourir brûlée vive, comme hérétique et relapse.
30 mai : Elle meurt sur le bûcher, place du Vieux-Marché à Rouen.
1450, 15 février : Charles VII ordonne une information nouvelle sur le procès et la condamnation de
Rouen.
1452 : Début d'une enquête ecclésiastique parallèle.
1455, 11 juin : Rescrit du pape Calixte III (rendu à la requête d'Isabelle d'Arc, mère de Jeanne, et des
frères de Jeanne, Jean et Pierre d'Arc du Lys) pour procéder à la révision du jugement de 1431.
7 novembre : Début du procès (contumace, car Pierre Cauchon est mort en 1442) sur le fait d'annulation
de la condamnation de Jeanne.
1456, 7 juillet : Sentence de nullité du procès et de la condamnation de 1431.
1909, 18 avril: Jeanne est béatifiée.
1920, 16 mai : Canonisation de Jeanne.
JEAN BEAUPÈRE. - Entendez-vous souvent cette voix ?
JEANNE : " II n'est jour que je ne l'entende, et même j'en ai bien besoin."
JEANNE : " Je voudrais que chacun l'entendît aussi bien comme moi. "
JEANNE : "J'ai une plus grande peur de faillir, en disant quelque chose qui déplaise à ces
voix que je n'en ai de vous répondre. "
JEAN BEAUPÈRE. - Avez-vous vu saint Michel et les anges corporellement et réellement ?
JEANNE : " Je les vis de mes yeux corporels, aussi bien que je vous vois. Et quand ils se
partaient de moi, je pleurais ; et j'eusse bien voulu qu'ils m'emportassent avec eux. "
L'ÉVÊQUE. - Croyez-vous que saint Michel et saint Gabriel ont des têtes naturelles ?
JEANNE : "Je les ai vus de mes yeux, et crois que ce sont eux, aussi fermement que Dieu est."
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* * * * * * * PROCES DE JEANNE D'ARC : en 1431 :
Tous les extrait présentés ici concernant le procès et le témoignage de Jeanne d'Arc ont
été édités par Jules Quicherat ; le Procès de condamnation a été réédité de la manière la
plus remarquable par Pierre Champion.
Ce ne sont que quelques dizaines de réponses de Jeanne d'Arc à propos des voix qu'elle
AFFIRMAIT entendre, mais dans son procès, il y eut beaucoup plus de questions-réponses
à propos de ces voix, car ici ne figure qu'une toute petite partie seulement.
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Jeudi 22 février 1431, dans la chapelle royale du château de Rouen :
JEAN BEAUPÈRE. - Quand avez-vous commencé à ouïr ce que vous nommez vos voix ?
JEANNE. - Quand j'eus l'âge de treize ans, j'eus une voix de Dieu pour m'aider à me
gouverner. Et la première fois, j'eus grand'peur. Et vint cette voix environ l'heure de midi,
au temps de l'été, dans le jardin de mon père. Je n'avais pas jeûné la veille. J'ouïs la voix
du côté droit vers l'église, et rarement je l'ouïs sans clarté. En vérité il y a clarté du côté où
la voix est ouïe, il y a là communément une grande clarté. Quand je vins en France, souvent
j'entendais cette voix.
JEAN BEAUPÈRE. - Comment voyez-vous la clarté que vous dites quand cette clarté est
sur le côté ?
JEANNE - Si j'étais dans un bois, j'entendrais bien la voix venant à moi.
UN ASSESSEUR. - Sous quelle forme cette voix vous est-elle apparue ?
JEANNE. - Vous n'aurez pas cela de moi, cette fois. Cette voix me disait, deux ou trois fois
la semaine, qu'il fallait que je partisse et que je vinsse en France, et que mon père ne sût rien
de mon départ. La voix me disait de venir en France, et je ne pouvais plus durer où j'étais.
Cette voix me disait encore que je lèverais le siège mis devant la cité d'Orléans. Elle me dit
en outre d'aller à Robert de Baudricourt, dans la ville de Vaucouleurs, et qu'il me baillerait
des gens pour aller avec moi. Et alors je répondis que j'étais une pauvre fille qui ne savait
monter à cheval ni mener la guerre. J'allai chez un mien oncle, et lui dis que je voulais
demeurer quelque menu temps chez lui. Et j'y demeurai environ huit jours. Et je dis alors à
mon oncle qu'il fallait que j'allasse en ladite ville de Vaucouleurs. Et mon oncle lui-même m'y
mena. Quand je fus venue en ladite ville de Vaucouleurs, je reconnus Robert de Baudricourt
encore que je ne l'eusse jamais vu auparavant. Je reconnus par cette voix ledit Robert, car la
voix m'avait dit que c'était lui. Et je dis à Robert qu'il fallait que je vinsse en France. Robert
par deux fois me repoussa et me refusa, et la tierce, il me reçut et me bailla des hommes.
La voix m'avait dit ce qui arriverait.
JEAN BEAUPÈRE. - Comment était cette voix ?
JEANNE. - II me semblait que c'était une digne voix, et je crois que cette voix était envoyée
de par de Dieu. Lorsque j'eus ouï par trois fois cette voix, je connus que c'était la voix d'un
ange. Cette voix m'a toujours bien gardée, et je comprenais bien cette voix.
JEAN BEAUPÈRE. - Quel enseignement vous donnait cette voix pour le salut de votre âme ?
JEANNE. - Elle m'enseigna à me bien conduire, à fréquenter l'église. Elle me dit qu'il était
nécessaire que je vinsse en France.
JEAN BEAUPÈRE. - Votre Roi eut-il des révélations ?
JEANNE. - Avant que mon Roi me mît à l'œuvre, il eut plusieurs apparitions et belles révélations.
JEAN BEAUPÈRE. - Quelles apparitions et révélations eut votre Roi ?
JEANNE. - Je ne vous le dirai point. Vous n'aurez pas encore réponse. Mais envoyez vers
le Roi, et il vous le dira.
JEAN BEAUPÈRE. - Pourquoi votre Roi vous a-t-il reçue ?
JEANNE. - La voix m'avait promis que mon Roi me recevrait assez tôt après que je serais
venue vers lui. Mon Roi et plusieurs autres ouïrent et virent les voix qui venaient à moi.
Il y avait présents Charles de Bourbon, et deux ou trois autres.
JEAN BEAUPÈRE. - Entendez-vous souvent cette voix ?
JEANNE. - II n'est jour que je ne l'entende, et même j'en ai bien besoin.
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Samedi 24 février 1431 :
JEAN BEAUPÈRE. - Depuis quelle heure avez-vous entendu la voix qui vient à vous ?
JEANNE. - Je l'ai ouïe hier et aujourd'hui.
JEAN BEAUPÈRE. - À quelle heure, hier, avez-vous ouï cette voix ?
JEANNE. - Je l'aie ouïe trois fois, ce jour-là : une fois au matin, une fois à vêpres, et la
troisième fois comme on sonnait pour l'Ave Maria du soir. Et je l'ouïs plus souvent que je
ne le dis.
JEAN BEAUPÈRE. - La voix vient-elle de Dieu ?
JEANNE. - Je crois fermement, aussi fermement que je crois en la foi chrétienne et que
Dieu nous racheta des peines d'enfer, que cette voix vient de Dieu et par son ordre.
JEAN BEAUPÈRE. - Cette voix, que vous dites vous apparaître, est-elle un ange, ou
vient-elle de Dieu immédiatement ? ou est-ce la voix d'un saint ou d'une sainte ?
JEANNE. - Cette voix vient de par Dieu. Et je crois que je ne vous dit pas pleinement ce
que je sais. J'ai une plus grande peur de faillir, en disant quelque chose qui déplaise à ces
voix que je n'en ai de vous répondre. Et quant à cette question, je vous prie de me donner
un délai.
L'ÉVÊQUË. - Croyez-vous qu'il déplaise à Dieu qu'on dise vérité ?
JEANNE. - Les voix m'ont dit de dire certaines choses au Roi et non à vous. Cette nuit même,
la voix m'a dit moult de choses pour le bien de mon Roi, que je voudrais qu'il sût dès maintenant,
dussé-je ne pas boire de vin jusqu'à Pâques. Car il en serait plus aise à dîner.
JEAN BEAUPÈRE. - Ne pouvez-vous tant faire auprès de cette voix qu'elle veuille obéir et
porter cette nouvelle à votre Roi ?
JEANNE. - Je ne sais si la voix voudrait obéir, fors si c'était la volonté de Dieu et si Dieu y
consentait. Mais s'il plaisait à Dieu, il pourrait bien faire révéler à mon Roi. Et de cela, je serais
bien contente.
JEAN BEAUPÈRE. - Pourquoi cette voix ne parle-t-elle pas avec votre Roi comme elle faisait
quand vous étiez en sa présence ?
JEANNE. - Je ne sais si c'est la volonté de Dieu. N'était la grâce de Dieu, je ne saurais rien faire.
JEAN BEAUPÈRE. - En ces deux derniers jours où vous avez entendu les voix, est-il venu
quelque clarté ?
JEANNE. - Au nom de la voix vient la clarté.
JEAN BEAUPÈRE. - Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu?
JEANNE. - Si je n'y suis, Dieu m'y mette ; et si j'y suis, Dieu m'y tienne. Je serais la plus
dolente du monde si je savais n'être pas en la grâce de Dieu. Et, si j'étais en péché, je crois que
la voix ne viendrait pas à moi. Et je voudrais que chacun l'entendît aussi bien comme moi.
JEAN BEAUPÈRE. - Quel âge aviez-vous quand vous l'entendîtes pour la première fois ?
JEANNE. - Je tiens que j'étais en l'âge de treize ans quand la voix me vint la première fois
JEAN BEAUPÈRE. - Hier au matin, que faisiez-vous, quand cette voix est venue à vous ?
JEANNE. - Je dormais, et la voix m'a réveillée.
JEAN BEAUPÈRE. - Vous a-t-elle éveillée en vous touchant les bras ?
JEANNE. - J'ai été éveillée par la voix, sans toucher.
JEAN BEAUPÈRE. - La voix était-elle dans votre chambre ?
JEANNE. - Non, que je sache, mais elle était dans le château.
JEAN BEAUPÈRE. - Avez-vous remercié cette voix ! et avez-vous fléchi les genoux ?
JEANNE. - Je l'ai remerciée, mais en m'asseyant en mon lit, et j'ai joint les mains. Et ce fut
après l'avoir requise de prêter conseil. Sur quoi elle me dit de répondre hardiment.
JEAN BEAUPÈRE. - Que vous dit la voix quand vous fûtes éveillée ?
JEANNE. - Je lui demandai conseil sur ce que je devais répondre, lui disant de demander
conseil sur cela à Notre-Seigneur. Et la voix me dit que je réponde hardiment et que Dieu me
conforterait.
JEAN BEAUPÈRE. - La voix vous a-t-elle dit quelques paroles avant d'être requise par vous ?
JEANNE. - La voix me dit quelques paroles, mais je ne les compris toutes. Toutefois, quand
je fus éveillée du sommeil, la voix me dit de répondre hardiment. (À l'évêque) Vous dites que
vous êtes mon juge. Avisez-vous de ce que vous faites, car, en vérité, je suis envoyée de par
Dieu, et vous vous mettez en grand danger.
JEAN BEAUPÈRE. - Cette voix a-t-elle quelquefois varié ses conseils ?
JEANNE. - Oncques ne l'ai trouvée en deux langages contraires. Cette nuit, je l'ai entendue
me dire de répondre hardiment.
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Mardi 27 février 1461 :
JEAN BEAUPÈRE. - Depuis samedi, avez-vous ouï la voix qui vient à vous ?
JEANNE. - Oui, vraiment, je l'ai ouïe beaucoup de fois.
JEAN BEAUPÈRE. - Était-ce voix d'ange qui vous parlait, voix de saint, de sainte, ou de
Dieu sans intermédiaire ?
JEANNE. - C'est la voix de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Et leurs figures sont
couronnées de belles couronnes moult richement et moult précieusement.
JEAN BEAUPÈRE. - Comment savez-vous que ce sont ces deux saintes ? Les connaissez-vous
l'une d'avec l'autre ?
JEANNE. - Je sais bien que ce sont elles, et je les connais bien l'une de l'autre.
JEAN BEAUPÈRE. - Comment les connaissez vous l'une de l'autre ?
JEANNE. - Je les connais par le salut qu'elles me font. Il y a sept ans passés qu'elles m'ont
prise pour me gouverner. Je les connais parce qu'elles se nomment à moi.
JEAN BEAUPÈRE. - Quelle fut la première voix qui vint à vous, quand vous étiez en l'âge de
treize ans ou environ ?
JEANNE. - Ce fut saint Michel que je vis devant mes yeux, et il n'était pas seul, mais était
bien accompagné d'anges du ciel. Je ne vins en France que du commandement de Dieu.
JEAN BEAUPÈRE. - Avez-vous vu saint Michel et les anges corporellement et réellement ?
JEANNE. - Je les vis de mes yeux corporels, aussi bien que je vous vois. Et quand ils se
partaient de moi, je pleurais ; et j'eusse bien voulu qu'ils m'emportassent avec eux.
JEAN BEAUPÈRE. - Quand vous avez vu la voix qui venait à vous, y avait-il de la lumière ?
JEANNE. - II y avait moult de lumière de toute part, et cela est convenable.
JEAN BEAUPÈRE. - Y avait-il un ange sur la tête de votre Roi quand vous le vites pour la
première fois ?
JEANNE. - Par la Bienheureuse Marie ! s'il y était, je ne sais, et je ne l'ai point vu.
JEAN BEAUPÈRE. - II y avait donc de la lumière ?
JEANNE. - II y avait plus de trois cents chevaliers, et cinquante torches, sans compter la lumière
spirituelle. Et rarement j'ai eu révélations sans qu'il y ait lumière.
JEAN BEAUPÈRE. - De quelle façon votre Roi a-t-il ajouté foi à vos dires ?
JEANNE. - II avait de bons intersignes, et par les clercs.
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Le samedi 3 mars 1431 :
L'ÉVÊQUE. - Nous requérons Jeanne de jurer simplement et absolument de dire vérité sur
tout ce qui lui sera demandé.
JEANNE. - Ainsi que autrefois j'ai fait, je suis prête à jurer. (Elle jure, les mains sur l'Évangile)
L'ÉVÊQUE. - Vous ne nous avez pas parlé des corps et des membres de sainte Catherine et
sainte Marguerite ?
JEANNE. - Je vous en ai dit ce que je sais, et ne vous en répondrai autre chose. J'ai vu
saint Michel et les saintes aussi bien que je sais qu'ils sont saint et saintes en paradis.
L'ÉVÊQUE. - Croyez-vous que saint Michel et saint Gabriel ont des têtes naturelles ?
JEANNE. - Je les ai vus de mes yeux, et crois que ce sont eux, aussi fermement que Dieu est.
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Le lundi 12 mars 1431 : dans la prison de Jeanne :
L'ÉVÊQUE. - Nous requérons Jeanne de dire vérité sur ce qu'on lui demandera.
JEANNE. - De ce qui touchera votre procès, comme autrefois vous ai dit, je dirai volontiers vérité.
Je le jure.
LA FONTAINE. - L'ange qui apporta au Roi le signe dont il a été fait mention parla-t-il point ?
JEANNE. - Oui. Il dit à mon Roi qu'on me mît vite en besogne, et que le pays serait bientôt allégé.
LA FONTAINE. - L'ange qui apporta ledit signe fut-il l'ange qui vous apparut premièrement, ou un
autre ?
JEANNE. - C'est toujours tout un, et oncques ne me faillit.
LA FONTAINE. - Vos voix vous ont-elles point appelée fille de Dieu, fille de l'Église, la fille au grand
cœur ?
JEANNE. - Avant le siège d'Orléans levé, et depuis, tous les jours, quand elles me parlent, elles
m'ont plusieurs fois appelée Jeanne la Pucelle, fille de Dieu.
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Mercredi 14 mars 1431 :
LA FONTAINE. - Vos voix vous demandent-elles délai pour répondre ?
JEANNE. - Sainte Catherine me répond quelquefois, et aucunes fois je manque à la comprendre,
à cause du trouble des prisons et par les noises de mes gardes. Quand je fais requête à sainte
Catherine, alors elle et sainte Marguerite font requête à Notre-Seigneur, et puis du commandement
de Notre-Seigneur elles me donnent réponse.
LA FONTAINE. - Quand elles viennent, y a-t-il lumière avec elles ? Avez-vous point vu de lumière,
la fois où vous ouïtes la voix dans ce château et où vous ne saviez si elle était dans votre chambre ?
JEANNE. - II n'est jour qu'elles ne viennent en ce château, et elles ne viennent point sans lumière.
LA FONTAINE. - Qu'avez-vous demandé à vos voix ?
JEANNE. - J'ai demandé à mes voix trois choses : l'une, mon expédition ; l'autre, que Dieu aide aux
Français, et garde bien les villes de leur obéissance ; et l'autre, le salut de mon âme...
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Le samedi 17 mars 1431 :
L'ÉVÊQUE. - Nous requérons Jeanne de prêter serment.
JEANNE. - Je jure.
LA FONTAINE. - En quelle forme et espèce, grandeur et habit vient saint Michel ?
JEANNE. - II était en la forme d'un très vrai prud'homme. De l'habit et d'autres choses, je n'en dirai
plus autre chose. Quant aux anges, je les ai vus, de mes yeux. Je crois aussi fermement les dits et
les faits de saint Michel qui m'est apparu, comme je crois que Notre-Seigneur Jésus-Christ souffrit
mort et passion pour nous.
LA FONTAINE. - Dieu hait-il les Anglais ?
JEANNE. - De l'amour ou haine que Dieu a pour les Anglais, ou de ce que Dieu fera à leurs âmes,
je ne sais rien. Mais je sais qu'ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront ; et
que Dieu enverra victoire aux Français, et contre les Anglais.
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Mardi 29 mai 1431 :
JEANNE. - Saint Michel ! saint Michel !
Le feu fut allumé. Inquiète pour les deux frères : prêcheurs, elle leur dit de s'écarter.
JEANNE. - Descendez, et levez haut la croix du Seigneur, que je puisse la voir.
De l'eau bénite ! Jésus ! Dans les flammes, on l'entendait répéter " au moins six fois " le nom
de Jésus.
JEANNE. - Jésus ! Jésus ! Jésus ! Jésus ! Jésus ! Jésus !
Puis Ladvenu l'entendit qui disait :
JEANNE. - Les voix que j'aie eues étaient de Dieu. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait par le commandement
de Dieu ! Non, mes voix ne m'ont pas déçues. Les révélations que j'ai eues étaient de Dieu. Enfin, au
moment de mourir, elle cria, d'une voix très forte : JEANNE. - Jésus !
On sait que le bourreau ne put arriver à réduire en cendres le cœur de Jeanne, et que celui-ci fut jeté
à la Seine avec le reste. Le peuple murmurait qu'on avait fait une grande injustice, et Jean Tressart,
secrétaire du roi d'Angleterre, résumait l'opinion de tous en revenant du lieu du supplice :
JEAN TRESSART - Nous sommes tous perdus ! Nous avons brûlé une sainte !
Et maître Jean Alespée, chanoine de Rouen et un des juges, avouait le jour même :
JEAN ALESPÉE. - Je voudrais que mon âme fût où qu'est l'âme de cette femme.
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CHRONOLOGIE : SOMMAIRE CONCERNANT JEANNE D'ARC :
1412 : Jeanne, fille de laboureur, naît à Domremy, sur la Meuse, un village français du Barrois mouvant.
1420, 20-21 mai : Le honteux traité de Troyes dénie la légitimité du dauphin Charles et prétend le priver
de ses droits monarchiques au profit de Henri V d'Angleterre.
1425 (environ) : Jeanne entend pour la première fois des voix mystérieuses.
1429 Janvier : Jeanne se rend à Vaucouleurs, auprès de Robert de Baudricourt, capitaine de cette place
pour le Roi.
22 février : Jeanne quitte Vaucouleurs, ayant conquis à sa cause Baudricourt.
6 mars : Elle rencontre Charles VII à Chinon.
22 mars : Lettre (ultimatum au nom du Ciel) de Jeanne aux Anglais.
29 avril : Jeanne entre dans Orléans assiégé.
4-7 mai : Prise des bastilles anglaises encerclant Orléans.
8 mai : Les Anglais lèvent le siège.
18 juin : Victoire de Patay.
17 juillet : Charles VII est sacré à Reims.
Décembre : Échec de Jeanne d'Arc à La Charité sur Loire. Lettres patentes de Charles VII anoblissant
le père de Jeanne et toute sa descendance.
1430, 23 mai : Tentant de secourir Compiègne, Jeanne tombe aux mains de Jean de Luxembourg, du
parti bourguignon.
Entre la mi-juillet et le 24 octobre (on ne peut préciser davantage) : Jeanne risque la mort en tentant
de s'échapper du château de Beaurevoir.
6 décembre : Jean de Luxembourg vend Jeanne d'Arc aux Anglais moyennant 10 000 écus d'or.
23 décembre : Jeanne à Rouen, où réside Pierre Cauchon, évêque-comte de Beauvais (Jeanne a été
arrêtée dans son diocèse), dépossédé de son siège.
1431, 9 janvier-23 mai : Présidé par l'évêque de Beauvais, a lieu à Rouen - pour hérésie et sorcellerie
- le procès de Jeanne devant un tribunal d'Église.
24 mai : Jeanne, ayant fait " soumission ", est condamnée à la prison perpétuelle.
28 mai : Ayant constaté que Jeanne avait repris ses habits d'homme, les docteurs la considèrent
aussitôt comme " relapse ".
29 mai : Jeanne d'Arc est condamnée à mourir brûlée vive, comme hérétique et relapse.
30 mai : Elle meurt sur le bûcher, place du Vieux-Marché à Rouen.
1450, 15 février : Charles VII ordonne une information nouvelle sur le procès et la condamnation de
Rouen.
1452 : Début d'une enquête ecclésiastique parallèle.
1455, 11 juin : Rescrit du pape Calixte III (rendu à la requête d'Isabelle d'Arc, mère de Jeanne, et des
frères de Jeanne, Jean et Pierre d'Arc du Lys) pour procéder à la révision du jugement de 1431.
7 novembre : Début du procès (contumace, car Pierre Cauchon est mort en 1442) sur le fait d'annulation
de la condamnation de Jeanne.
1456, 7 juillet : Sentence de nullité du procès et de la condamnation de 1431.
1909, 18 avril: Jeanne est béatifiée.
1920, 16 mai : Canonisation de Jeanne.