Zwielicht a écrit :Mais non, lis attentivement. Je dis clairement que c'est une impression, que j'ai. Et toi, tu parles d'opinion. Je ne pense pas qu'on s'entende sur ces définitions.
Je ne comprends pas du tout ton pinaillage sur la différence fine que tu perçois entre opinion et impression, entre "je crois que", "je pense que", "il me semble que" ou "j'ai l'impression que" ? Toi tu as une "impression que" ce qui serait bien mieux, à ton avis, que d'avoir "une opinion que".
Personnellement, je trouve que ces termes recoupent tous la même chose : je n'ai pas de certitude absolue, ni de preuve irréfutable de ce que j'avance, mais, à la lumières des faits dont je dispose, compte tenu de mes connaissances et de mon expérience, il me semble que X est plus probable que Y. Denis, en Redico, dirait probablement que ça recouvre tout le champ entre 60% et 90% de certitude. Entre 50 et 60% on peut parler d'un vague soupçon, d'une impression et, au-dessus de 90%, d'une forte présomption sinon d'une quasi-certitude (on ne le dira jamais assez, le Redico a du bon, même si je trouve la formule un peu ennuyante).
Je t'ai donné les faits qui me laissent croire que la ressource souterraine est loin d'être en danger. Ce sont des indices, pas des preuves. Quand on n'a pas de faits précis sous la main démontrant de façon irréfutable un point de vue, on ne peut que s'en remettre aux indices dont on dispose. C'est ça qu'on qu'on exprime en utilisant les expressions "penser que" ou "croire que" ou "avoir l'impression de". C'est aussi ce qu'on appelle avoir une opinion. Tu ajoutes ensuite qu'à ton avis, les modérateurs du forum ne devraient pas émettre d'opinions qui ne seraient pas basées sur des chiffres irréfutables. Bref, dès qu'on sort du monde des certitudes, il faudrait se taire. À ce compte là, il faudrait effacer tous nos messages à Denis, J-F, Hallu, Poulpeman et moi et s'abstenir à l'avenir de poster quoi que ce soit. Si c'est le cas, je rends mon tablier.
Zwielicht a écrit :En compilant les chiffres qui s'y trouvent, tu trouveras 25% que la population s'approvisionne en eaux souterraines. D'où tires-tu tes chiffres?
Sur le
site qui te servait de référence, on peut lire :
Ainsi, pour près de 21 % de la population du Québec, elle (l'eau souterraine) constitue la source privilégiée d'alimentation en eau potable. Près de la moitié de cette population, répartie sur 90 % du territoire habité de la province, est alimentée par des ouvrages de captage individuels alors que l'autre moitié est desservie par des réseaux de distribution publics ou privés.
On y lit aussi :
Au Québec, l'approvisionnement en eau potable constitue un des usages les plus importants des eaux de surface. En fait, on estime qu'environ 80 % de la population s'alimente à partir des eaux de surface. C'est donc 5,5 millions de personnes qui sont alimentées par l'eau du fleuve, des rivières, des lacs ou des ruisseaux (Ministère de l'Environnement, 1999). En contrepartie, environ 20 % de la population s'alimente à partir des eaux souterraines.
Le rapport de la commission Beauchamp (mai 2000) sur l'eau précise que 20 % de la population du Québec s'abreuve aux eaux souterraines dont 10% à des puits privés. Le reste de la population, 80%, s'abreuve dans les eaux de surface. Le rapport Beauchamp émet une série de recommandations pour la protection des eaux souterraines. Aucune ne mentionne une réduction de la consommation domestique visant à prévenir un éventuel épuisement de la nappe exploitée.
J'ai retrouvé ces mêmes chiffres dans des articles du Devoir, de La Presse, dans des mémos soumis au BAPE par différents organismes. Je n'ai jamais vu ton 25%; nulle part.
Si je crois que la ressource est très abondante, c'est qu'il est vrai qu'il suffit de creuser à peu près n'importe où au Québec pour trouver un aquifère. Toujours sur le
site même que tu mentionnais, on peut lire:
De façon générale, l'eau souterraine est omniprésente sur le territoire québécois. Toutefois, en raison de la nature, de la répartition géographique et des propriétés hydrauliques des formations géologiques dans lesquelles elle circule, son accessibilité et son utilisation à des fins de consommation et d'exploitation sont très variables. Il est à noter cependant qu'au Québec les possibilités d'obtenir un puits « sec », c'est-à-dire où l'eau souterraine est totalement absente après forage, sont extrêmement rares.
L'eau circule dans le sous-sol à peu près partout. Elle alimente d'ailleurs, sous forme de sources résurgeantes, nombre de lacs et rivières. L'eau qui n'est pas prélevée pour la consommation termine son parcours dans les rivières et le fleuve. Les précipitations qui approvisionnent le sous-sol sont abondantes si on les compare au prélèvement effectué.
Toujours sur le même
site :
Au Québec, l'eau est omniprésente au sein des myriades de pores, fractures et autres interstices des formations géologiques. Cette eau souterraine constitue une ressource naturelle renouvelable en raison des précipitations qui l'alimentent. Elle n'est pas statique. Elle circule sous l'ensemble du territoire et ses zones de résurgence permettent le maintien, particulièrement en période d'étiage, du régime hydrique des eaux de surface et des écosystèmes qui en dépendent. Ainsi, l'eau souterraine est accessible, en quantité et à des coûts acceptables, sur la majeure partie du territoire. Pour les régions habitées, les réserves renouvelables disponibles sont évaluées à environ 200 kilomètres cubes. L'eau souterraine extraite correspond à 0,2 % de cette réserve.
Dans le document présenté au Ministère de l'Environnement et de la Faune par l'Ordre des agronomes du Québec (janvier 1997), on peut lire :
Dans l'énoncé de la problématique, il ressort que les eaux souterraines constituent au Québec, une ressource naturelle renouvelable disponible en grande quantité et de bonne qualité. Sauf pour certains cas identifiés et localisés, l'intégrité de la ressource a été préservée et les cas de surexploitation (voire altération des quantités et de la qualité) semblent plutôt isolés. Toutefois, on semble craindre à raison, la surexploitation et la contamination éventuelle des eaux souterraines. Loin d'un constat alarmiste à ce sujet, on identifie plutôt certaines activités humaines telles l'agriculture, comme des facteurs de risque pour l'intégrité de la ressource.
Olivier Banton a écrit dans Le Devoir (20 août 1997):
À l'échelle des régions habitées du Québec, on évalue ainsi qu'environ cinq à dix centimètres (soit deux à quatre pouces) d'eau s'infiltrent par an dans le sol pour recharger les nappes d'eau souterraine. Cette infiltration représenterait par exemple 100 à 200 millions de mètres cubes d'eau pour une MRC d'une superficie de 2 000 kilomètres carrés (au Québec, les superficies des MRC varient entre 850 et 27 000 kilomètres carrés pour une population moyenne de 60 000 habitants). Au Québec, la consommation par habitant (pour les usages domestiques, commerciaux et industriels) est de l'ordre de 400 litres par jour, soit environ 150 mètres cubes par an. Une petite ville de 10 000 habitants consomme ainsi en moyenne 1,5 million de mètres cubes par an, soit un centième de l'eau qui s'infiltre par an sur le territoire d'une petite MRC de 2000 kilomètres carrés. Le prélèvement d'une telle ville alimentée par l'eau souterraine serait donc considéré comme négligeable devant le renouvellement naturel des eaux souterraines de cette MRC.
L'abaissement des niveaux d'eau dans le puits en pompage et dans les puits voisins traduit donc la mise en place d'un nouvel équilibre engendré par l'écoulement de l'eau vers le puits. Cet abaissement n'indique pas une vidange ou un épuisement de la nappe. Ceci est d'ailleurs facilement vérifiable lorsque le niveau de l'eau revient à son niveau initial après l'arrêt du pompage. Si le niveau initial n'était pas retrouvé, alors on pourrait être en présence d'un épuisement temporaire de la nappe.
"Olivier Banton est professeur en hydrogéologie à l'Institut national de la recherche scientifique de l'Université du Québec (INRS-Eau à Québec). Titulaire d'une doctorat en hydrogéologie, il mène depuis douze ans des recherches sur la gestion-protection des ressources d'eau souterraine à l'échelle régionale. Il a réalisé le développement de plusieurs logiciels hydrogéologiques et mené des recherches pour le compte de plusieurs ministères, organismes et industries, au Québec et à l'étranger. Il est l'auteur d'un ouvrage de référence et d'enseignement sur l'hydrogéologie édité par les Presses de l'Université du Québec et l'Association des universités partiellement ou entièrement de langue française" (Le Devoir).
Il n'y a pas beaucoup d'études qui ont été faites sur le volume précis et le taux de renouvellement des eaux souterraines au Québec. On peut toutefois mentionner
celle-ci qui porte sur le Sud-Ouest du Québec, peut-être la région du Québec où on prélève le plus fort volume d'eau souterraine par unité de surface et par habitant:
L'utilisation actuelle de l'eau souterraine par la population est équivalente à 14 p. 100 de la recharge annuelle des nappes ou l'équivalent de 11 mm de précipitation répartie sur tout le territoire. La consommation humaine représente 42 p. 100 de l'utilisation totale, soit 26,5 p. 100 pour les aqueducs et 15,0 p. 100 pour les puits domestiques, tandis que les carrières pompent un volume équivalent à 37,4 p. 100 de toute l'eau souterraine utilisée sur le territoire (figure 4). On constate aussi que les activités agricoles reliées à l'élevage du bétail et à l'irrigation des cultures utilisent 17,1 p. 100 du volume d'eau souterraine pompé annuellement, alors que l'embouteillage commercial en représente 3,4 p. 100, et l'irrigation des terrains de golf, 0,6 p. 100.
Les eaux souterraines du Sud-Ouest du Québec, Connaissances et protection, L’utilisation humaine de l’eau souterraine sur le territoire étudié.
Commission géologique du Canada (RNCan) en étroite collaboration avec l’Institut national de la recherche scientifique (INRS-Eau, Terre et Environnement) et l’Université Laval, avec des contributions d’Environnement Canada, du Service de l’expertise technique en eau (MENV), de l’Université Queen’s, du service géologique des États-Unis (USGS) et du ministère des Transports du Québec.
Même une utilisation aussi intensive ne correspond qu'à 14% du renouvellement. Et on ne mentionne aucun cas où il y aurait, au moment où l'étude a été faite, un épuisement de la ressource. Je n'ai jamais lu un seul rapport ou moratoire où on prétendait que l'usage domestique menaçait la ressource ou où on recommandait la diminution de la consommation domestique. Dans ceux que j'ai lus, lorsqu'il était question de risque d'épuisement, on parlait toujours de risques liés à la surexploitation locale par l'agriculture ou l'industrie.
Quand tu affirmes que le message d'économie de l'eau pour préserver l'environnement est pertinent pour 25% de la population, tu affirmes que partout où on consomme de l'eau souterraine la consommation est à la limite du taux de renouvellement ou le dépasse déjà ce qui n'est évidemment pas du tout le cas. D'abord, c'est 20% de la population qui s'approvisionne en eau souterraine et non 25% (et quand bien même ce serait 25%...) Ensuite, tu présumes que tous ceux qui s'approvisionnent en eau souterraine mettent en danger leur ressource et que, donc, il est pertinent de leur recommander de diminuer leur consommation. Si ça l'était, il y aurait plein de cas connus où des puits alimentant des municipalités se sont asséchés. Une nappe phréatique, ce n'est pas une nappe de pétrole; ça se renouvelle. Et ce n'est pas parce qu'il est toujours possible d'épuiser une source d'eau souterraine (en prélevant plus rapidement que le renouvellement) qu'automatiquement l'usage de cette source conduit à son épuisement. À mon avis, la consommation actuelle d'au moins 90% de ces gens, si ce n'est 99% ne menace en rien leur source d'eau. Et s'il y a quelques endroits où l'exploitation est vraiment intensive et où la nappe phréatique risque vraiment de s'épuiser ou de s'abaisser au point d'assécher des puits voisins, il y a alors une foule de moyens simples pour prévenir les abus, des moyens bien plus efficaces que des campagnes moralisatrices écolo à l'échelle de la province, des moyens qui devraient d'abord s'appliquer aux industries et à l'agriculture.
Zwielicht a écrit :Dans combien de messages qui te sont adressés as-tu l'impression d'être pris pour un idiot ? Les publicités de Wal-Mart, ou de Brault et Martinault, ça ne compte pas ?
Ben c'est ça, parce que la publicité est généralement épaisse, trompeuse et racoleuse, les campagnes pour la protection de l'environnement sont justifiées, elles aussi, d'être épaisses et trompeuses. Faire croire à tout le monde que diminuer leur consommation d'eau serait bénéfique pour l'environnement alors, qu'en fait, ce n'est peut-être le cas que pour une minorité (moins de 10% assurément, plus probablement moins de 1%), c'est déformer la réalité et c'est trompeur si on ne précise pas que la chose n'est vraie que que pour ceux qui vivent dans une région où on prélève massivement l'eau souterraine (distinction qui n'est jamais faite).
Enfin, quoi que tu en dises, le discours sur l'économie de l'eau a toujours fait partie intégrante du discours écologique. Je ne compte plus les publicités ou publications où l'économie d'eau est présentée comme une mesure permettant de préserver l'environnement. Je t'avais, par exemple, mentionné le cahier spécial sur l'environnement de la Presse d'il y a trois semaines.
Je n'ai rien, bien sûr, contre les mesures visant à préserver l'environnement. Ce qui menace le plus les eaux souterraines au Québec, c'est infiniment plus la contamination que l'épuisement. Je n'ai rien non plus contre la mise en place de règlements précis et contraignants en ce qui concerne l'usage commercial de l'eau souterraine. J'en ai contre le discours moralisateur, infantilisant et souvent irrationnel qu'adoptent souvent les écolos. J'en ai contre le discours culpabilisant et réducteur qui rate sa cible en insistant sur des détails sans importance plutôt que sur l'essentiel. Le discours où, pour sauver la planète, on essaie de nous convaincre qu'il importe d'interdire les Hummers, les démarreurs à distance, les sacs de plastique et le gros monsieur qui arrose son entrée de garage alors que ce ne sont que des détails par rapport aux autres sources de pollution; des détails qui ne changeraient rien à la situation même si on les éliminait totalement. Un discours qui ressemble souvent plus à une religion avec ses dogmes, sa morale, ses préceptes et ses rites qu'à un discours rationnel. À ce propos, Foglia écrivait dans sa chronique de samedi consacrée à l'écologie:
"Autre source importante de pollution dont on ne parle jamais, le discours écologique lui-même qui produit en masse de l'extrême correcness, de la bonne opinion, de l'amour de soi-même, de l'avenir pour nos petits enfants, et du sirop. J'entends les écolos d'aujourd'hui, j'entends les bons prêtres d'autrefois, j'entends les vieux hippies, j'entends les féministes d'il y a 35 ans."
Foglia, La Presse, 8 décembre 2007
N.B. Tous les caractères gras dans les citations sont de moi.