Rythme FM ou L’Horde radiophonique
Publié : 04 févr. 2008, 19:26
Rythme FM ou L’Horde radiophonique
Je voudrais bien ne pas donner raison au philosophe Martin Heidegger selon lequel « Le problème de la liberté naît du problème du monde. » (cf. L’Essence de la liberté humaine, p.199), mais si d’une part je voulais croire à ce monde, il faudrait avant tout que je sois encouragé à y participer, or, le monde avec lequel je dois composer est celui du travail. En effet, je suis conseiller dans une quincaillerie de la rue Saint-Hubert à Montréal et je dois, par conséquent, subir la station de radio imposée par la direction de l’établissement. Les huit années que j’ai passées à l’emploi de cette entreprise m’amènent donc, après moult réflexions, à dénoncer la station de radio Rythme FM et l’ensemble de ses collaborateurs. Voici donc l’essentiel de mes réflexions à leur sujet.
Le dictionnaire définit ainsi le mot sensible : ce que l’on perçoit par les sens. On peut donc en déduire que l’être humain doté de la sensibilité doit être également sensé ; or, les propos logorrhéiques des animateurs n’ont aucun sens, et leurs auteurs ne respectent pas ceux qui sont forcés de les écouter. C’est la triste réalité.
J’en ai pour preuve Sébastien Benoît qui affirme passer la meilleure musique. Pour moi, comme pour bien d’autres, la musique, c’est Beethoven. Si je limite ma réflexion à la musique pop, j’admets encore que John Lennon reste aussi un artiste intègre. Je me suis toutefois contraint à écouter la station Rythme FM avec un peu d’attention (de sensibilité), avec mes coéquipiers de travail, pendant la dernière période des Fêtes. Les animateurs du matin ont réussi à bousiller l’une des plus belles chansons de Noël, composée par Lennon, avec l’une de leurs trop nombreuses parodies lamentables. Ils se trouvaient très drôles et riaient de leurs mauvaises blagues comme des enfants innocents et irrespectueux. J’étais ahuri devant tant d’aberration ; il faut être totalement irresponsable pour diffuser de telles conneries dans le micro d’une station qui se dit la populaire de Montréal ; quel manque de respect envers ceux qui sont forcés de les écouter!
Je ne puis garder plus longtemps le silence lorsque la Cloutier en rajoute par-dessus le marché. Elle joue sur deux tableaux (peut-être pour évacuer l’affaire de mœurs qui a récemment éclaboussé son nom) lorsqu’elle affirme parler des vraies choses tout en divertissant l’auditoire… Est-ce parce qu’elle s’est arrogée cette mission, ô combien honorable à ses yeux, que je suis obligé de me farcir sa psychologie bon marché et ses recettes de vinaigrette à salades? Cela explique peut-être pourquoi les collaborateurs de cette chaîne radiophonique parcourent inlassablement les commerces pour distribuer des bonbons – spectacle déplorable auquel j’ai dû assister à mon grand dam. Il fallait les voir, les ingrats, défendre leur chère station en offrant des berlingots de lait au chocolat… Quelle torture psychologique, quelle vulgarité!
Avez-vous entendu la Véro interviewer Nicola Ciccone et tenter de nous faire croire que sa musique kitch porte une réflexion profonde? Certes, mais vous n’avez pas entendu les commentaires des employés de la quincaillerie où je travaille, condamnés comme moi à subir de telles inepties : « Cela est de la publicité déguisée… », « Cela me fait penser au Zyklon B que les nazis utilisaient dans leurs chambres à gaz; heureusement, c’est moins pire quand ça passe par le micro. », etc.
Je vous le dis, décideurs et grandes pontes de Rythme FM : si vous êtes aussi sensibles que vous vous targuez de l’être, vous ne pouvez rester de glace devant les tourments que vous nous infligez, ne serait-ce que par respect pour vos auditeurs obligés.
Voyant venir ce genre de propagande débilitante dans les années 1940, un autre philosophe, Théodore Adorno, disait que « La découverte de l’ipséité, comme non existante, comme illusion (c.-à-d. cette station Rythme FM imposée), transforme facilement le désespoir objectif de tous en désespoir subjectif de chacun. » (cf. Dialectique négative, p.378).
Nous croyons profondément que cette station radiophonique du désespoir, dont la musique pathétique des Éric Lapointe, Marie-Chantal Toupin, Mario Pelchat et autres Garou soporifiques diffusée en boucle, contribue à saper davantage la fierté déjà si fragile de la société québécoise. Il est impossible de se sentir fier d’appartenir à cette société en écoutant Rythme FM, la radio des loosers et de la complaisance.
Je sais que vous allez me servir l’argument des cotes d’écoute… À mon avis, elles travestissent la réalité : les gens comme moi sont obligés de syntoniser Rythme FM et ne peuvent choisir une autre station pour se soulager : les dirigeants des entreprises choisissent de diffuser cette musique (ou doit-on appeler cela en termes psychologiques « l’effet d’impulsion collective qui rejette tout raisonnement personnel, c'est-à-dire, le jugement ») pour créer une ambiance, et croyez-moi, on ne l’entend pas! J’ai mené en effet ma petite enquête auprès de notre clientèle et vous seriez surpris par la cote qu’elle vous accorde. Selon elle, vous atteignez des sommets inégalés d’insipidité et elle se dit de plus en plus désespérée.
Je me dois, en tant que responsable de la bonne santé psychologique des déjà pauvres employés du magasin, de supplier MARIO LIRETTE d’arrêter de nous passer ses tounettes disco tellement prévisibles qu’elles nous donnent la nausée au point de se battre avec la direction (et cela, en dépit de chantage de nous mettre à la porte). Si tu veux avoir de l’attention, il te restera toujours ton salon pis tes chums… MERCI MARIO!
En conclusion, cette lettre fait partie d’une démarche amorcée par plusieurs braves gens de la rue Saint-Hubert qui sont écœurés de votre état d’esprit pseudo ouvert au bavardage quotidien – je préviens toujours ma petite fille de dix ans que « Le bavardage jouit du privilège de l’innocence… » (cf. Hegel, La Raison dans l’histoire, p.26).
Je tiens personnellement (parce qu’on en est rendu là) à faire distribuer cette lettre, et toutes les autres qui vont dans le même sens, dans les commerces partout à Montréal. Cela devrait être représentatif d’un noyau dur qui refuse votre pensée positive : cette congrégation établie qui nivelle tout par le bas.
Un quincaillier
Je voudrais bien ne pas donner raison au philosophe Martin Heidegger selon lequel « Le problème de la liberté naît du problème du monde. » (cf. L’Essence de la liberté humaine, p.199), mais si d’une part je voulais croire à ce monde, il faudrait avant tout que je sois encouragé à y participer, or, le monde avec lequel je dois composer est celui du travail. En effet, je suis conseiller dans une quincaillerie de la rue Saint-Hubert à Montréal et je dois, par conséquent, subir la station de radio imposée par la direction de l’établissement. Les huit années que j’ai passées à l’emploi de cette entreprise m’amènent donc, après moult réflexions, à dénoncer la station de radio Rythme FM et l’ensemble de ses collaborateurs. Voici donc l’essentiel de mes réflexions à leur sujet.
Le dictionnaire définit ainsi le mot sensible : ce que l’on perçoit par les sens. On peut donc en déduire que l’être humain doté de la sensibilité doit être également sensé ; or, les propos logorrhéiques des animateurs n’ont aucun sens, et leurs auteurs ne respectent pas ceux qui sont forcés de les écouter. C’est la triste réalité.
J’en ai pour preuve Sébastien Benoît qui affirme passer la meilleure musique. Pour moi, comme pour bien d’autres, la musique, c’est Beethoven. Si je limite ma réflexion à la musique pop, j’admets encore que John Lennon reste aussi un artiste intègre. Je me suis toutefois contraint à écouter la station Rythme FM avec un peu d’attention (de sensibilité), avec mes coéquipiers de travail, pendant la dernière période des Fêtes. Les animateurs du matin ont réussi à bousiller l’une des plus belles chansons de Noël, composée par Lennon, avec l’une de leurs trop nombreuses parodies lamentables. Ils se trouvaient très drôles et riaient de leurs mauvaises blagues comme des enfants innocents et irrespectueux. J’étais ahuri devant tant d’aberration ; il faut être totalement irresponsable pour diffuser de telles conneries dans le micro d’une station qui se dit la populaire de Montréal ; quel manque de respect envers ceux qui sont forcés de les écouter!
Je ne puis garder plus longtemps le silence lorsque la Cloutier en rajoute par-dessus le marché. Elle joue sur deux tableaux (peut-être pour évacuer l’affaire de mœurs qui a récemment éclaboussé son nom) lorsqu’elle affirme parler des vraies choses tout en divertissant l’auditoire… Est-ce parce qu’elle s’est arrogée cette mission, ô combien honorable à ses yeux, que je suis obligé de me farcir sa psychologie bon marché et ses recettes de vinaigrette à salades? Cela explique peut-être pourquoi les collaborateurs de cette chaîne radiophonique parcourent inlassablement les commerces pour distribuer des bonbons – spectacle déplorable auquel j’ai dû assister à mon grand dam. Il fallait les voir, les ingrats, défendre leur chère station en offrant des berlingots de lait au chocolat… Quelle torture psychologique, quelle vulgarité!
Avez-vous entendu la Véro interviewer Nicola Ciccone et tenter de nous faire croire que sa musique kitch porte une réflexion profonde? Certes, mais vous n’avez pas entendu les commentaires des employés de la quincaillerie où je travaille, condamnés comme moi à subir de telles inepties : « Cela est de la publicité déguisée… », « Cela me fait penser au Zyklon B que les nazis utilisaient dans leurs chambres à gaz; heureusement, c’est moins pire quand ça passe par le micro. », etc.
Je vous le dis, décideurs et grandes pontes de Rythme FM : si vous êtes aussi sensibles que vous vous targuez de l’être, vous ne pouvez rester de glace devant les tourments que vous nous infligez, ne serait-ce que par respect pour vos auditeurs obligés.
Voyant venir ce genre de propagande débilitante dans les années 1940, un autre philosophe, Théodore Adorno, disait que « La découverte de l’ipséité, comme non existante, comme illusion (c.-à-d. cette station Rythme FM imposée), transforme facilement le désespoir objectif de tous en désespoir subjectif de chacun. » (cf. Dialectique négative, p.378).
Nous croyons profondément que cette station radiophonique du désespoir, dont la musique pathétique des Éric Lapointe, Marie-Chantal Toupin, Mario Pelchat et autres Garou soporifiques diffusée en boucle, contribue à saper davantage la fierté déjà si fragile de la société québécoise. Il est impossible de se sentir fier d’appartenir à cette société en écoutant Rythme FM, la radio des loosers et de la complaisance.
Je sais que vous allez me servir l’argument des cotes d’écoute… À mon avis, elles travestissent la réalité : les gens comme moi sont obligés de syntoniser Rythme FM et ne peuvent choisir une autre station pour se soulager : les dirigeants des entreprises choisissent de diffuser cette musique (ou doit-on appeler cela en termes psychologiques « l’effet d’impulsion collective qui rejette tout raisonnement personnel, c'est-à-dire, le jugement ») pour créer une ambiance, et croyez-moi, on ne l’entend pas! J’ai mené en effet ma petite enquête auprès de notre clientèle et vous seriez surpris par la cote qu’elle vous accorde. Selon elle, vous atteignez des sommets inégalés d’insipidité et elle se dit de plus en plus désespérée.
Je me dois, en tant que responsable de la bonne santé psychologique des déjà pauvres employés du magasin, de supplier MARIO LIRETTE d’arrêter de nous passer ses tounettes disco tellement prévisibles qu’elles nous donnent la nausée au point de se battre avec la direction (et cela, en dépit de chantage de nous mettre à la porte). Si tu veux avoir de l’attention, il te restera toujours ton salon pis tes chums… MERCI MARIO!
En conclusion, cette lettre fait partie d’une démarche amorcée par plusieurs braves gens de la rue Saint-Hubert qui sont écœurés de votre état d’esprit pseudo ouvert au bavardage quotidien – je préviens toujours ma petite fille de dix ans que « Le bavardage jouit du privilège de l’innocence… » (cf. Hegel, La Raison dans l’histoire, p.26).
Je tiens personnellement (parce qu’on en est rendu là) à faire distribuer cette lettre, et toutes les autres qui vont dans le même sens, dans les commerces partout à Montréal. Cela devrait être représentatif d’un noyau dur qui refuse votre pensée positive : cette congrégation établie qui nivelle tout par le bas.
Un quincaillier