Chiwaw a écrit :J'ai beau y songer sans arrêt, je n'arrive pas à me concevoir l'univers d'une autre façon qu'une horloge. Je vais essayer de trouver de la lecture de ce Planck pour voir si j'en trouverai quelque chose. Mais Planck n'était-il pas un chrétien convaincu et anti-athée? Est-ce que sa logique n'aurait pas été "teinté" par ses croyances?
Ce genre de commentaires relève plutôt de l'Inquisition que d'autre chose. À ce compte on pourrait discréditer les commentaires épistémologiques de n'importe quel scientifique sur sa science du fait d'avoir décelé dans son enfance un certificat de baptême ou un diplôme de première communion, pour laisser ensuite des athées de naissance sans formation particulière théoriser à leur place

Sérieusement, les Bohr, Einstein, Born, Planck, etc.. certes, ont vécu à une époque où la technologie permettait de franchir un pas important dans les découvertes en physique qu'elle ne pouvait pas avant, permettant un développement théorique fécond et exponentiel. Ils ont vécu à une époque privilégiée côté découvertes, oui, mais ils n'ont pas fait une mauvaise "job" du tout, au contraire, et ce n'étaient pas de bigots aveuglés par la religion. Ils fréquentaient des milieux où les religieux n'avaient pas le contrôle et fréquentaient des cercles "libéraux".
Si l'univers est une horloge, il ne "tique" pas à une fréquence régulière. Nos repères de temps deviennent absurdes à des échelles qui nous dépassent de beaucoup. Je ne parle pas uniquement du "mur de Planck" mais aussi de relativité; la question de simultanéité perd son sens commun et s'en éloigne à mesure qu'on augmente d'échelle (espace-temps). Quand on veut réfléchir à l'ordre déterminé de l'univers, on doit se placer à ces échelles car on ne peut pas partir de n'importe quand mais du début. Si on s'approche du Big Bang dans le temps, le modèle actuel dit que les trois/quatre forces élémentaires (gravité, électromagnétique / nucléaire faible, nucléaire forte) avaient à peu près la même puissance et que leur puissance relative s'est établie à mesure que l'univers a perdu en densité d'énergie pour devenir ce qu'il est aujourd'hui. Et ça n'a pas fini de changer. Donc toute loi physique en cours aujourd'hui ne s'applique pas exactement à quelques temps après le Big Bang.. Pas grave; on peut penser.. il y a une équation qui prédit ces variations entre les forces ! Mais cette équation dépend de la densité d'énergie. Cette équation est-elle connaissable ? Y a-t'il une autre équation qui la gouverne ? Et ainsi de suite, à l'infini. Pour l'instant on ne peut même pas trouver de modèle suffisant qui rende compte des processus quantiques de façon à la fois déterministe, locale, causale et relativiste.
L'idée d'un démon de Laplace (la base du déterminisme qui est amené pour parler de négation du libre-arbitre) est en plus pratiquement invalidée par l'impossibilité de connaître toutes les coordonnées d'un système avec précision en même temps, et théoriquement par l'impossibilité de calculer l'évolution du système sans perturber l'univers et ainsi les calculs eux-même d'une façon infiniment récursive.
Cela revient à dire qu'il ne peut y avoir de démon de Laplace sans démon; i.e., sans dieu. L'idée d'être "écrit à l'avance" n'aurait de sens que pour un être divin qui pourrait connaître le système et prédire son évolution sans influencer ce système. On est habitué au petit chariot qui dévale un plan de 45 degrés: nous sommes le demiurge qui réalisons l'expérience, nous avons fixé les coordonnées et nous connaissons l'équation approximative qui prédira l'évolution de la position du chariot dans le temps, que nous mesurons avec une horloge. La question du libre arbitre du chariot n'a pas de sens, mais nous savons très précisément où il sera à chaque seconde. Cependant on ne peut faire cette expérience à l'échelle de l'univers.
Nous pensons en même temps que l'univers évolue. Personne n'a calculé l'univers à l'avance, aucune "intelligence" n'est au courant. C'est en cela que le libre arbitre est un faux problème; la notion d'être écrit à l'avance n'a pas de sens.
Le "choc" que ressentent certaines gens qui réfléchissent au déterminisme dans le libre-arbitre est souvent une constatation tardive de l'irréversibilité du temps. Le fait est qu'une seule chose peut arriver, quoiqu'on fasse. Si on me demande de choisir un chiffre de 1 à 6, que je sois "conditionné" depuis ma naissance à choisir un 3 n'a de sens que si ma naissance est conditionnée depuis le Big Bang (et pour quelqu'un). Si je roule un dé, les molécules d'air et courants d'air dans la pièce ainsi que mon mouvement de bras avec la force musculaire qui va avec sont ils déterminés depuis le Big Bang ? Tout dépend entre autres de quand je suis né. Si au lieu de rouler un dé je choisis un chiffre déterminé aléatoirement par un processus quantique (temps de désintégration atomique), ai-je "déjoué" le libre arbitre ? Ce sont des questions additionnelles si on veut concevoir le problème comme problème en soi.
Parmi les faux problèmes, Planck place le fameux problème de positivisme / réalisme au même niveau que celui de libre-arbitre / absence de libre-arbitre. Pour le positiviste extrême, les personnes autour de lui n'existent pas mais sont des images que son cerveau traduit et inteprète comme tel; mais ces personnes n'ont pas d'existence propre, et quand la personne leur tourne le dos, rien ne lui dit qu'elles continuent à exister. Elles pourraient se dématérialiser entre temps et se rematérialiser à chaque contact / regard qu'il ne le saurait pas. Le réaliste, lui, pose que ces personnes existent, par projection de ce qu'il ressent et le fait qu'il se perçoit le siège apparent d'une conscience, et que ces corps qui l'entourent ressemblent au sien. Personne ne peut se réclamer de vivre avec un seul point de vue : positiviste ou réaliste; tout le monde se construit une réalité avec les deux. On ne peut être réaliste sans jamais se fier à nos impressions sensorielles et on ne peut vivre que des sens externes sans se construire une réalité interne; on croit tous que la Lune est là quand on ne la regarde pas. Il en va ainsi avec la question de la réalité du libre-arbitre; il est autant réel que les objets qui nous entourent le sont en tant qu'objets. Du point de vue humain le libre arbitre existe. Du point de vue d'un demiurge, il n'existe pas. Or nous sommes humains et il n'y a pas de demiurge.
Je ne l'explique peut-être pas très bien - si j'ai bien compris* - et du vivant de Planck la neurobiologie était encore à ses balbutiements, mais ça me semble assez "complet" même si mon message est un peu désordonné et qu'il y a des répétitions.
En gros, je veux dire que (1) c'est un faux problème au même titre que celui de "qu'est-ce que la réalité" (faux problème qui a entre autres été repris en science-fiction; Philip K. Dick, etc) et que en plus, c'est un faux problème qui se (2) base sur une vision classico-régulière de la physique, alors que la physique n'est ainsi qu'à nos échelles temporelles et spatiales; pourtant je n'aime pas les gens qui font intervenir la quantique dans des zozoteries, mais ici c'est nécessaire de mentionner qu'on est loin encore d'une description complète des lois l'univers, et cela sans faire intervenir le paradoxe chat de Schrödinger trop souvent cité. Car pour expliquer aujourd'hui il faut regarder hier, et pour hier, avant-hier, et éventuellement, à des temps exotiques qui se rapprochent du Big Bang.
*j'ai lu beaucoup de textes de Planck, dans l'ordre, et je crois avoir saisi un peu sa pensée (je n'ai pas fini). Planck parle surtout du côté "faux problème"; on dirait que ça l'a obsédé toute sa carrière. Dès 1905 il écrivait à propos de la philosophie strictement positiviste d'Ernst Mach, c'était bien avant que tous les célèbres paradoxes de la quantique émergent.