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Au sujet de l'historicité de tout et rien

Publié : 22 mai 2009, 08:32
par Dash
Bonjour à tous,

Les récents débats sur l’historicité de Jésus ou autre, et ce, dans trois sujets différents, me laissent perplexe. :?

Je n’aurai pas cru que même des sceptiques y auraient accordé autant d’importance et d’intérêt.

Je n’ai aucune espèce de connaissance sur ce qui définit le degré de valeur scientifique d’une « preuve » historique,
mais j’ai toujours cru, peut-être à tort, que cette dernière valeur n’était pas très élevée.
J’entends par là prétendre ce qu’était et à pu faire précisément un être humain particulier dans un lointain passé
basé sur des textes (et non pas ce qui concerne d’autres domaines comme l’archéologie ou la paléontologie p. ex.)

Que se soit Jésus, Jules César, ou Cléopâtre, ce qu’on sait d’eux ne tient qu’à des écrits ou récits divers. Je conçois que
par la corroboration de plusieurs écrits différents on puisse affirmer que, très probablement, ils ont existé et semblent avoir
fait ceci ou cela, mais ça s’arrête là quant à moi.

Suis-je inculte et ignorant en ce qui concerne la valeur des preuves historiques? :?

Le premier raisonnement qui me vient naturellement par défaut est celui-ci :

Même de nos jours en lisant plusieurs biographies sur un même personnage (autorisée et non autorisée) et en consultant des
articles de revue et magazine, on ne peut être totalement sûr que ce qu’ils contiennent soit totalement véridique, conforme à
la réalité et exempt d’interprétation. J’imagine alors des historiens du futur, disons dans 2000 ans, prétendre à ceci et à cela en
consultant ces « anciens textes » écrits dans une langue morte (supposons que les archives vidéos et sonores n’ont jamais existé).

J’imagine facilement certains « raëliens protestants » du futur (à cause du schisme des raëliens de l’an 2075 dont certain ont, dès
lors, rejeté l’autorité du représentant de l’époque) argumenter sur ce que fut le premier des messagers nommé Raël. D’autre
prétendre que le premier messager à réellement rencontré les elohims et d’autre dire qu’il est impossible de vraiment savoir.

Ne serions-nous pas seulement en train de vivre ce genre de scénario à propos de Jésus, tous simplement? :hausse:

J’aimerais bien qu’on me renseigne sur la question et qu’on m’aide à détordre mes idées préconçues sur le sujet, s’il y a.

J'avoue que tout ceci ne reflète que mon opinion personnelle, mais j'aimerais savoir ce qui est communément accepté de ce qui ne
l'est pas S.V.P

Merci d'avance :a1:

Re: Au sujet de l'historicité de tout et rien

Publié : 22 mai 2009, 09:28
par BeetleJuice
Vous cherchez à savoir ce qui fonde la valeur d'un document historique ou ce qui fait la valeur d'un travail d'historien?

Re: Au sujet de l'historicité de tout et rien

Publié : 22 mai 2009, 10:50
par Dash
Salut BeetleJuice,
(tu peux me tutoyer ;) )

Plutôt la valeur d'un document historique. Dans le sens que qu'est-ce qui permet aux historiens de considérer ce qu'il contient
ou relate comme était vrai ou plausible ?

Est-ce seulement le fait de le corroborer avec un grand nombre d'autres documents qui relatent les mêmes histoires
qui est déterminant de sa valeur?

Je n'y connais rien dans ce domaine !

J'imagine que ce n'est pas parce qu'un seul document relate le fait que M. X avait mauvais caractère p. ex. que les historiens
considèrent dès lors, automatiquement, que c'est un fait ? Ils doivent surement avoir quelques critères de validation, certaine
condition nécessaire avant de pouvoir présumer de la véracité d'un document ?

Pour la science en général, je sais p. ex. que le fait de pouvoir répéter systématique une expérience sous les mêmes
conditions est un déterminant. Pour les théories, elles doivent répondre au principe de réfutabilité et permettre de prédire,
jusqu'à un certain point, des résultats, entre autres. (provient de ma culture générale personnelle, je ne suis pas un scientifique)

Quel sont les équivalents pour ce qui à trait à l'histoire, pour ce qui détermine la valeur d'une théorie historique disons ?

J'ai naturellement une certaine culture historique générale, comme tout le monde, mais pas au niveau de ses procédés de validation.

Merci

Re: Au sujet de l'historicité de tout et rien

Publié : 22 mai 2009, 14:32
par BeetleJuice
Question compliqué en fait. L'histoire est une discipline de science humaine ce qui veut dire qu'elle n'a pas les même critère d'objectivité que les sciences empirique, essentiellement parce qu'elle ne peut jamais être complètement objective.

Les théories (quoi qu'on parle plutôt d'hypothèse ou d'explication en histoire) n'ont pas le caractère absolu de la science empirique en ce sens où l'historien fait face en permanence au fait qu'il sait qu'il n'a toujours que des pièce d'un puzzles qu'il doit tenter de reconstituer et donc, qu'il est amené à faire preuve d'imagination et d'interprétation et donc qu'il n'est pas complètement objectif.

Ce qui fait la valeur d'une hypothèse c'est sa vraisemblance par rapport à l'ensemble des sources qui la valide ou non(comme pour les théories scientifique, un élément qui semble invalider une théorie est d'abord vu comme un problème incompris dans le cadre de l'hypothèse avant d'être un élément d'invalidation). C'est la même chose qu'en science, où une théorie explique des faits et peut être revue à la lumière de nouveau fait.
Pour l'histoire, c'est évidement un critère qui n'est pas complètement objectif puisque l'on a jamais toute les sources relatant un fait, au contraire de la science qui a des faits entiers et donc, plusieurs explications peuvent se supperposer sans pour autant qu'il y en ait une qui invalide l'autre de façon formelle. C'est ce qui fait de l'histoire une science humaine et une discipline littéraire, à savoir le coté subjectif de la reconstitution du puzzles malgré les pièces manquantes.

Pour ce qui est de la validité d'une source, il faut bien comprendre qu'une source possède plusieurs niveau de lecture, on ne tient pas uniquement compte de ce que raconte la source.

Le premier niveau de lecture sera la source dans son entier, c'est ce qu'on appelle la critique externe. On se pose la question de savoir d'où vient la source,qui l'a écrit, dans quel contexte, pourquoi, comment, s'il s'agit d'un authentique ou d'un faux (les faux ayant de l'intérêt en histoire si on sait comment les utiliser), si le document est altérer ou non....
Bref, tout ce qui permet de définir avec précision ce qu'est exactement la source.

Le second niveau est ce qu'on appelle la critique interne, qui est plus subjective, à savoir l'interprétation de ce qui est écrit à la lumière de ce que l'on sait du contexte d'écriture, l'analyse du fait rapporter, du style employé, la mise en contexte du fait rapporté (qui est différente de la mise en contexte de la source) ....
Bref, tout ce qui permet de définir avec précision ce que dit la source et de quelle manière. Cette critique est évidement à faire après la critique externe, car si on sait que le document est un faux, l'interprétation de l'évènement rapporter sera tout autre.

A partir de ces deux niveaux, on peut déterminer l'intérêt de la source dans le cadre d'une recherche, mais on ne parle jamais réellement de validité ou non de la source car même un document falsifier peut avoir un intérêt.

Par exemple, un historien qui étudierait l'historicité de Jésus (pour reprendre le thème en vogue) peut tomber sur des faux très récent et l'intéret sera donc extrêmement limité dans le cadre d'un étude de ce thème, par contre, un faux du 1er siècle sera très interessant.

L'intérêt est déterminé par plusieurs choses:
-la date (contemporain ou pas du fait et proche ou non du thème étudié)
-la fiabilité du document

La encore, ça n'a rien d'absolue et ça dépend du thème d'étude. Un document peu fiable et très ancien par rapport à un fait n'a pas d'intérêt pour un historien du fait, mais en aura pour un historien de l'historiographie du fait ou pour une étude d'un fait et de sa transmission au travers des âges.

Voilà pour ce que je peux en dire. De manière générale, la méthode historique est bien plus compliqué et rigoureuse (dans ce quel demande) que la méthode scientifique parce qu'elle doit faire face à la subjectivité que l'on ne peut jamais totalement enlever et, de ce fait, fait facve à bien plus d'erreur que pour l'application de la méthode scientifique et donc à bien plus de controverse.

Je ne sais pas si c'était très clair, mais je peux essayer de répondre à des points de détail au cas où.

Re: Au sujet de l'historicité de tout et rien

Publié : 22 mai 2009, 16:29
par Dash
En premier lieu, merci d'avoir pris le temps de m'expliquer BeetleJuice ;)
BeetleJuice a écrit :Je ne sais pas si c'était très clair...
Assez clair pour me satisfaire!

Ce que je retiens :
  • -elle ne peut jamais être complètement objective,
    -Ce qui fait la valeur d'une hypothèse c'est sa vraisemblance par rapport à l'ensemble des sources qui la valide ou non,
    -plusieurs explications peuvent se superposer sans pour autant qu'il y en ait une qui invalide l'autre de façon formelle,
    -une source possède plusieurs niveaux de lecture,
    -on ne tient pas uniquement compte de ce que raconte la source,
    -le premier niveau = définir la source dans son entier = critique externe = d'où vient la source, qui l'a écrit, quel contexte, pourquoi, comment,
    -le second niveau = définir ce qu'elle dit et de quelle manière = critique interne = plus subjective = l'interprétation selon le contexte d'écriture, l'analyse du fait rapporté, du style,
    -on peut déterminer l'intérêt de la source dans le cadre d'une recherche, mais on ne parle jamais réellement de validité ou non,
    -certain faux peuvent tout de même être intéressant s'ils sont très vieux si on s'intéresse à la propagation de certain mythe,
    -l'intérêt est déterminé par plusieurs choses: la date, la fiabilité du document, le thème d'étude, etc.
Et finalement que la méthode historique est bien plus compliqué et rigoureuse que la méthode scientifique parce qu'elle doit faire
face à la subjectivité donc sujette à plus d'erreurs, donc sujette à bien plus de controverse.

Bon, je me doutais bien que ce n'était pas aussi objectif que les sciences dites empirique, mais ça m'est maintenant plus nuancé !

Merci bien BeetleJuice ;)

Re: Au sujet de l'historicité de tout et rien

Publié : 22 mai 2009, 17:06
par BeetleJuice
Ravi que ça t'apparaisse plus clair.
Et encore,je t'ai fait l'explication simple de ce qui fait consensus en terme de méthode, parce que selon la discipline historique et l'approche, il y a des variantes. Par exemple, l'étude sur le temps long, moyen ou court, qui est une caractéristique de l'école historique des annales impose l'utilisation de sources selon une méthodologie précise incluant un contexte qui dépend de la durée de temps (une même source pouvant être étudier dans un temps long, court ou moyen tout en ne donnant pas les mêmes conclusions et sans qu'il y ait de paradoxe, puisque le temps long est une approche d'avantage structurelle et le temps court est totalement conjoncturelle.)
Ce type d'approche permettant de se défaire de l'évènementiel pour s'inscrire dans une approche d'avantage sociologique ou anthropologique. C'est surtout le cas en histoire économique ou en histoire des sociétés.
Pour prendre une annalogie, c'est une façon d'accumuler un très grand nombre de pièce de puzzles pour avoir l'image la plus valable du puzzles dans entier, sans s'attarder au détail de ce puzzles.
Autre exemple, la micro-histoire fait valoir la valeur de la source émanant d'un seul évènement pour comprendre, par extrapolation, un aspect de la société traité. Cette méthode permet en fait d'étudier individuellement et de manière très poussé chaque pièce de l'immense pour ainsi éclairer chaque détail. La reconstitution du puzzles qu'est le thème en entier de l'étude est extrêmement fastidieux et nécéssite beaucoup de travaux d'historien succéssif mais permet d'avoir un ensemble qui, s'il fait face à certaines contradiction, est extrêmement précis.
C'est plus utilisé par l'histoire des idées, des mythes ou l'histoire sociale traitant d'aspect précis de la société.
Dash a écrit :-certain faux peuvent tout de même être intéressant s'ils sont très vieux si on s'intéresse à la propagation de certain mythe,
Non, en fait, toutes sources qu'elle soit fausse ou vrai peut avoir un intérêt et un faux peu avoir un intérêt, même s'il est parfaitement contemporain de l'évènement et s'il se réfère à une mesure économique ou juridique. Par exemple, une fausse déclaration politiuque attribuée à un roi est intéressant dans l'étude de l'image que ce roi renvoie à ses contemporains ou alors dans l'étude de la résistance et de la contestation qu'à suscité ce roi.

L'intérêt de la source est d'abord déterminé par le thème d'étude (comme en science, un fait est d'abord interessant s'il se rapporte à ce que l'on aimerait expliquer, si l'on souhaitent expliqué la reproduction des tortues, l'étude d'une tortue apparait plus interessant que l'étude de la constellation d'orion.) ensuite, une fois que l'on a déterminé sa proximité de thème, on détermine en fonction de la date et de la fiabilité du document, si le document est réellement interessant pour le thème aborder ou s'il n'apporte rien permettant de comprendre. (comme en science encore une fois, si l'étude de la tortue est un bon fait pour l'étude de la reproduction de la tortue, l'étude de son système digestif n'a qu'un intérêt relatif... je sais que mes exemples sont bancals :mrgreen: )

Re: Au sujet de l'historicité de tout et rien

Publié : 23 mai 2009, 05:14
par Dash
Tu me m'apparait être un érudit en la matière BeetleJuice !

C'est très intéressant de te lire, surtout que je suis complètement ignorant en ce domaine.

Merci encore de contribuer à ma culture des sciences ;)

Et si tu veux ajouter des détails, ne te gêne surtout pas, cela peut toujours servir
pour faire des liens dans d'autres messages si, à l'avenir, certains se posaient les
mêmes questions que moi.

Re: Au sujet de l'historicité de tout et rien

Publié : 23 mai 2009, 05:26
par Kraepelin
Dash a écrit :Tu me m'apparait être un érudit en la matière BeetleJuice !

C'est très intéressant de te lire, surtout que je suis complètement ignorant en ce domaine.

Merci encore de contribuer à ma culture des sciences ;)

Et si tu veux ajouter des détails, ne te gêne surtout pas, cela peut toujours servir
pour faire des liens dans d'autres messages si, à l'avenir, certains se posaient les
mêmes questions que moi.
C'est vrai qu'il a l'air de connaitre ça. Moi j'ai fais paléographie, mais je ne connaissais pas toutes ces nucances dans le traitment des sources suivent la perspective de recherche.

Re: Au sujet de l'historicité de tout et rien

Publié : 23 mai 2009, 09:52
par BeetleJuice
C'est vrai qu'il a l'air de connaitre ça.
Je termine actuellement ma licence d'histoire et je vais rentrer en master, alors si je ne connais pas, c'est grave :mrgreen:

Cela dit,le terme d'érudit est beaucoup trop fort, mais j'ai la chance d'avoir un cursus relativement complet dans mon université et d'une bonne qualité.
Et si tu veux ajouter des détails, ne te gêne surtout pas, cela peut toujours servir
pour faire des liens dans d'autres messages si, à l'avenir, certains se posaient les
mêmes questions que moi.
C'est à toi de poser les question, moi tout ce que je pourrais faire si je n'ai pas de question précise, c'est un peu d'historiographie sur les différents courants historiques et les méthodes qu'ils ont employé.

La critique externe et interne, par exemple, est une approche utilisé originellement par le courant méthodiste (fin XIXème, début XXème) tandis que l'approche sur les différents temps de l'histoire est un développement ultérieur de l'école des annales (fondée par Marc Bloch et Lucien Febvre et surtout développé par Pierre Goubert, Fernand Braudel et Ernest Labrousse).

La micro histoire, elle, est plus récente et est une réaction au refus d'étude de l'évènement dans l'école des annales.