chesterton a écrit :Mais là c'est tellement abscons et absurde que même un imbécile sait qu'il a affaire à un charlatan.
En fait, l'auteur est peut-être honnête mais se laisse prendre par l'idée que plus c'est complexe plus c'est sérieux. Manière comme une autre d'être "éduqué au-delà de ses moyens". Les grandes idées scientifiques sont généralement très simples par elles-mêmes mais difficiles à accepter parce qu'elles vont à l'encontre d'une forme de "bon sens". La science, c'est en quelque sorte l'application rigoureuse du gros bon sens qui conduit parfois à des découvertes contre-intuitives.
Un passage où, à mon avis, l'auteur se laisse aller à de l'emphase pour dire quelque chose de parfaitement trivial est:
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Il n’y a véritablement pas de communication télépathique, pas de transmission violant les barrières psychiques. En effet, à aucun moment l’effet psi n’est localisable: il n’y a pas de trace du psi, mais une mesure d’un effet global. Pour ne pas contredire l’invariance de Lorentz en mécanique quantique, il faut donc définir cette apparente influence sans recourir au concept classique d’information shannonienne. Ce nouveau concept alternatif sera l’information pragmatique (cf. un futur épisode). Le point de vue de l’expérimentateur oblige alors à considérer les signaux de l’endosystème comme des pseudo-signaux shanonniens".
Si on suit l'exemple de l'hypnose au paragraphe suivant, ce que l'auteur dit c'est que l'expérimentateur voit les choses à la troisième personne. Quelle idée révolutionnaire
Faut quand même noter qu'il affirme là que le psi n'existe pas vraiment, il ne peut être appréhendé que par le "tout est dans tout". Donc, il ne peut être appréhendé que si l'expérimentateur devient lui aussi sujet... et tant pis pour les question d'objectivité et de rigueur qui caractérisent la science bien faite.
Une autre belle niaiserie emphatique, c'est sa définition/postulat du psi qui suit:
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Si bien que Lucadou en arrivera à proposer sa propre définition positive du psi qui constitue le premier postulat du MPI: Les phénomènes psi sont des corrélations non-locales dans des systèmes psychophysiques auto-organisationnels qui sont induits par de l’information pragmatique générée par la clôture organisationnelle."
Si on reprend la 2e phrase du paragraphe précédemment cité en insérant la "définition" du psi à la place du terme, cela donne:
"En effet, à aucun moment l’effet psi n’est localisable: il n’y a pas de trace [de corrélations non-locales dans des systèmes psychophysiques auto-organisationnels induites par de l’information pragmatique générée par la clôture organisationnelle], mais une mesure d’un effet global".
Un tel amas de termes de plus de trois syllabes vise peut-être à inspirer le respect (une forme d'argument pas l'autorité)... mais il est loin d'être certain qu'on puisse y trouver un sens réel. Surtout si on veut faire "pragmatique". Je ne parle même pas de trouver une adéquation minimale avec la réalité observable objectivement, parce que le but de cet exercice de style me semble être, justement, de faire en sorte que l'objectivité ne joue aucun rôle dans la détermination du psi. Le psi est vrai parce qu'il faut le vivre (l'"être", même, sans doute) pour l'admettre.
D'ailleurs:
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Il découle du premier postulat l’énonciation du second postulat fondamental du MPI: «Chaque essai pour utiliser les corrélations non-locales comme des transmissions de signaux provoque leurs disparitions, ou leurs conversions de manière imprévisible.» (Lucadou, 2003).
Pour clarifier le vocabulaire, disons que «tenter d’utiliser le psi comme un signal» équivaut à employer le psi pour transmettre une information shanonienne sans aucune incertitude. Or, en physique (quantique), on sait bien qu’une corrélation non-locale (ou holistique) ne peut pas porter d’information shanonnienne."
En fait, pour clarifier réellement le vocabulaire, il faudrait dire que toute tentative pour prouver l'existence des phénomènes psi est vouée à l'échec parce que ces phénomènes disparaissent ou se transforment alors. Bref, la "mesure de l'effet global" annoncée plus tôt n'a même pas de valeur indicatrice de la présence (l'absence n'est pas envisageable*) du psi.
En fait, tout est résumé là-dedans:
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Plutôt que de dire que depuis 130 ans les parapsychologues font mal leur travail, il dit que c’est dans la nature du phénomène de réagir aux conditions de son observation". Bref, le psi est tellement élusif qu'il est normal que les parapsychologues n'aient pas réussi à le mettre ne évidence de manière indubitable. Tout ce long texte n'est qu'un plaidoyer excuser les échecs de la parapsychologie. Le Lucadou est une sorte de "spin doctor": il offre une manière de tourner les choses, une perspective, qui empêche de déterminer quoi que ce soit sur la validité des résultats en parapsychologie et l'absence de démonstration de la réalité du psi. D'ailleurs l'auteur en est un peu conscient:
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Présentée ainsi, l’élusivité n’est pas une théorie qui peut convaincre ceux qui ne croient pas que les phénomènes psi sont possibles, ou alors qui ne seraient capables d’accepter qu’un type bien précis et classique de psi. Je suis d’accord avec eux sur le principe: la science attend des phénomènes causaux, prédictibles et reproductibles. Le MPI se présente alors comme un gigantesque paradoxe, voire une stratégie immunitaire, qui tenterait de changer les règles du jeu scientifique"
Il n'y a pas de "alors" qui tienne: le MPI est indubitablement une stratégie pour courtcircuiter toute évaluation objective du psi. C'est une non-définition du psi (même pas une définition négative) applicable à tout et n'importe quoi.
Le von Lucadou en question, lui, semble malgré tout lucide:
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Sa conviction [à von Lucadou] est que la parapsychologie n’a pas réussi à établir des preuves scientifiques indiscutables de l’existence du psi (2001), mais que cet état des faits implique une caractéristique des phénomènes eux-mêmes. Cela ne veut pas dire que les expériences de parapsychologie ne peuvent pas obtenir de résultats tout à fait significatifs".
Ça n'a rien de bien difficile d'obtenir des "résultats significatifs": il suffit de faire "n'importe quoi, n'importe comment" puis de chercher à établir
a posteriori des "corrélations non-locales dans des systèmes psychophysiques auto-organisationnels qui sont induites par de l’information pragmatique générée par la clôture organisationnelle"
Ce long texte est un excellent exemple de pourquoi la parapsychologie n'a rien produit de scientifiquement valable. Les échecs ne sont pas acceptés mais sont transformés par la magie de
l'exercice littérairela sémantique à consonance scientifique et du tripatouillage statistico-mathématiques en une forme de réussite. À partir de là, la réalité n'a plus aucun intérêt car le discours prime sur elle.
Jean-François
* Ou si elle l'est, elle ne peut être distinguée de la présence.