Je préfèrerais que tu me redonne ton avis après avoir écouté la conférence, certes un peu longue mais étant donné que ça concerne un sujet qui je crois t'est proche, ça me semble important.
J'ai regardé la conférence, mais je ne vois pas bien ce qu'elle apporte. Annie Lacroix-Riz ne fait que se plaindre, sans réellement donner de fait précis, d'un changement de l'histoire depuis les années 1970. Au fond, elle regrette simplement l'abandon progressive de la pratique de l'histoire marxiste et strictement économique qui a longtemps été à la pointe du débat historiographique, avec la prédominance de l'école des annales.
Ce qu'elle dit est finalement très vague et ces piques sur le consensus contre l'URSS ne change pas le fait que:
-Sous couvert de se plaindre, sans donner d'exemple précis, de l'absence de débat, elle défend son propre cas critiqué
-Elle oublie les renouveaux historiographiques des années 80-90 avec notamment l'avènement de la micro-histoire et de l'histoire culturelle qui, loin de rendre tabou les travaux historiques parlant de lutte des classes ou de stratégies sociales, on en réalité repris ces thèmes sous un autre angle que l'angle sociaux économiques et ont parfois montré combien la réalité étaient plus complexe que ce que l'on pensait.
(par exemple, l'un des fondateurs de la micro-histoire, Carlo Guinzburg, qui est un grand historien moderniste, spécialisé dans l'étude de l'inquisition et de la justice de l'époque à montrer combien, au delà des grandes descriptions des différents groupes sociaux, on trouvait des cas individuels qui pouvaient permettre de fortement nuancé et même revoir ces questions.)
Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est assez malhonnête de sa part de couvrir son cas personnel en se posant indirectement comme rebelle face à la pensée unique de l'histoire, mais je n'en suis pas loin.
Au final, même si ça se fait à un autre niveau, ça n'est pas très différent des élucubrations de reopen911 qui se plaint de l'absence de vrai débat sur le 911...
Elle se plaint de la diabolisation des ouvrages traitant de stratégie des classes sociales et de leurs éventuelles complots en dénonçant elle même la stratégies des historiens de l'establishment qui comploterait contre les rebelles dont elle ferait partie.
Mais peut-il y avoir un débat sur qui a raison dans une lutte des classes si le concept même de classe sociale est supprimé du vocabulaire du débat ?
Mais à quoi nous mènerait un débat sur qui a raison dans une lutte des classes ?
Ca fait pratiquement 30 ans que l'histoire et la sociologie se batte avec leur héritage marxiste pour sortir de ce paradigme de lutte des classes qui a engendré nombre de recherches biaisés (je vous renvoie à Soboul que cite Lacroix-Riz et qui essayait de démontrer que la révolution française était une action communiste, simplement parce qu'il était lui même communiste).
Ca fait 30 ans que la sociologie et l'histoire essaie de se débarrasser de ces concepts manichéens et de montrer que la réalité est plus complexe que la lutte des riches contre les pauvres. Et il faudrait qu'on y reviennent parce que certain comme vous ou Annie Lacroix-Riz en sont restés à ça, malgré beaucoup d'études venant nuancer, voir contredire le matérialisme en science humaine?
Le concept de classe sociale est effectivement supprimé du débat et à raison, parce que la réalité qu'il évoque a été démontré plus hétérogène et complexe que ce que le marxisme en disait et ça fait un moment que les sociologue et les historiens après eux ont tenté d'autre classification permettant une plus juste démonstration de la réalité.
C'est pour moi du même genre que les journalistes embarqués dans les troupes US pour couvrir un conflit.
Parce que vous n'avez pas la moindre idée de ce qu'est une recherche sur une entreprise. Vous partez du principe que parce qu'il y a un financement, ça sera forcement biaisé et que parce que c'est le patron qui demande, ça se fera à sa guise et à sa gloire.
D'un, c'est tout à fait faux et de deux, les ouvrages qui sortent sont quand même jugé de manière scientifique par la corporation. En d'autre terme, un ouvrage à la gloire d'une entreprise serait qualifié comme tel par le milieux académique et n'aura, par la suite, pas de crédit et donc ses recherches suivantes seront d'autant moins prises au sérieux.
J'ai lu son livre (le choix de la défaite) qui relate des faits dont les résultats de choix de dirigeants d'entreprises françaises ont donné une puissance énorme à Hitler qui sans cela n'aurait pas pu faire ce qu'il a fait et pourtant je n'ai trouvé l'expression "grand satan" nulle part.
Donc je suppose que pour vous, le président iranien qui ne parle pas de juif mais de sioniste n'est pas antisémite sous prétexte qu'il n'emploie pas le terme.
Pourtant la conférence que vous présentez est assez révélatrice. Annie Lacroix-Riz cite plusieurs fois l'idée que les historiens s'entendraient pour faire passer l'URSS pour l'ennemi, induisant même de façon parfaitement malhonnête, bien qu'elle ne le dise pas explicitement, que le passage d'une histoire favorable au communisme à une histoire défavorable après guerre seraient le fait des américains.
Si l'on regarde l'essentiel de sa bibliographie, son travail sur la guerre vise chaque fois à démontrer que les élites riches de droite ont été à l'origine de tous les maux de cette période et qu'elles complotaient pour Hitler. C'est pas mal fantaisiste comme conclusion et les tendances très communistes staliniennes de l'auteur ne sont pas pour rien dans cette orientation.
De façon claire, il apparait dans ses prises de position qu'elle désigne les élites et notamment les américains comme l'ennemi (sinon pourquoi parler de politique impérialiste américaine dans sa conférence en oubliant que l'URSS avait les même visées de l'autre coté, même de façon plus explicite, puisque la mise en place de République socialiste a été faite quasi de force)
Au final, vous éludez le reproche central qui est fait à l'historienne qui est celui de son manque de déontologie dans son travail, car elle sélectionne ses sources au service d'une conclusion déterminé d'avance et qu'elle entend montrer comme vrai, sans prendre en compte ce qui diverge de ce point de vue.
Vous pouvez prétendre que les historiens ne sont pas objectifs, que son ouvrage parle de fait avéré, il n'empêche que ce reproche demeure et qu'il rend ses conclusions au mieux discutables, au pire fantaisistes.