La science dans les médias
Publié : 09 mai 2010, 02:19
La qualité de la couverture de la science dans les journaux est revenue quelquefois sur ce forum. Voici quelques (plutôt longues!) remarques à ce sujet :
- Les journalistes des quotidiens travaillent sous pression sur un cycle très rapide de 24h. Les erreurs et les imprécisions sont inévitables. Surtout au nombre d'articles publiés par jour. Il faut donc choisir à quels problèmes s'attaquer. Par exemple, beaucoup de lecteurs ont l'impression qu'on leur annonce que le café est bon pour la santé le lundi, puis mauvais le jeudi. Ce genre de situation cause du cynisme envers les scientifiques « qui n'arrêtent pas de se contredire », en même temps qu'il entraîne de la confusion chez les gens qui se demandent s'ils doivent changer ou non leur comportement. Ce type de problème mérite plus d'attention qu'une ampoule de frigo à 1 kw que tout le monde aura oublié 10 minutes après la lecture de l'article.
- Le journalisme est bien adapté à couvrir des événements ou des actes bien circonscrits. Or, la recherche scientifique n'avance pas à coup d'événements. On ne lira jamais : « Hier, ce chercheur a découvert ceci ». De plus, en science, on a souvent besoin de recul pour faire la part des choses. Or, non seulement le journaliste n'a pas ce recul, il doit même bien souvent écrire son article alors que les scientifiques eux-mêmes ne l'ont pas encore. Dès le départ, avant de parler de complexité du sujet, à cause de sa nature même, la science est difficile à couvrir au quotidien.
- Cette habitude d'opposer les points de vue différents ou les opinions se contredisant est parfois très difficile à appliquer dans le cas de la science. Et je crois aussi que parfois le résultat induit le public en erreur en laissant croire qu'il y a une controverse là où il n'y en a pas. Par contre, quand une étude « exotique » se rend dans les médias, je suis sûr que les chercheurs représentant le « consensus » scientifique sont contents que cette habitude existe. En passant, savoir quelle est la position dominante des scientifiques sur un sujet peut être très difficile à faire quand on est à l'extérieur de la science.
- Les journalistes ne sont pas des éducateurs, ni des porte-paroles.
- En Amérique du Nord, le journalisme est une extension de la liberté d'expression. C'est pour cette raison que les journaux ne bloqueront pas la lettre d'un climato-sceptique (avec un cv crédible) pour délit de non-conformité avec le consensus scientifique, même s'ils connaissent ce consensus. Les journaux ne seront jamais les censeurs des scientifiques. Cela dit, après la parution d'une lettre d'un climato-sceptique ou d'un pseudo-scientifique, on pourrait s'attendre à une réponse signée par des douzaines de scientifiques. Ce serait efficace. Pourquoi cela ne se produit-il pas? Parce que la très grande majorité des chercheurs ne sait pas s'adresser au public? On peut toujours travailler avec un rédacteur qui le sait. Je pense qu'il y a un mélange de plusieurs facteurs. Pour commencer, il faut que quelqu'un prenne l'initiative. Ensuite, je crois qu'il reste encore des vieux réflexes de tour d'ivoire et beaucoup de chercheurs hésitent à sortir de leur zone de confort universitaire.
- Il est vrai également que les journalistes aiment avoir l'impression d'aider David à se défendre contre Goliath. Historiquement, en Amérique du Nord, le journalisme est une extension de la liberté d'expression… à fin de protéger le peuple contre les abus du gouvernement et des puissants. Et bien souvent les scientifique se posent en Goliath, par exemple, en se donnant une image « d'establishment ».
- L'idée d'un comité de censure scientifique… euh de vérification revient souvent. Je sais bien que ceux qui proposent ce comité ne voient pas ça comme de la censure et sont bien intentionnés. Mais un article qui traite de science, c'est beaucoup plus qu'une somme de faits. C'est aussi un exercice de relations publiques. Raison de plus pour ne pas qu'il soit filtré par des scientifiques qui veulent donner une bonne image d'eux-mêmes, en particulier dans un contexte où ils dépendent de fonds publics. Même avec la meilleure des intentions, il peut alors devenir très tentant d'utiliser le droit de regard sur les faits pour aborder d'autres aspects de l'article (incluant des aspects vraiment insignifiants). Je parle d'expérience pour avoir écrit dans des magazines où on fait relire l'article par le chercheur interviewé. Et c'est comme ça que les abus commencent.
Enfin si on établissait ce genre de comité, on aurait de la difficulté à les refuser pour la politique, le militaire, les entreprises, etc.
Et puis, je ne vois pas comment on pourrait mettre ça en place. Un comité pour chaque discipline? Des chercheurs prêts à répondre dans le quart d'heure et à abandonner instantanément ce qu'ils étaient en train de faire pour s'occuper de l'article? Mais ce serait le problème des scientifiques et le dernier de mes soucis.
Cela dit, je n'ai aucun problème, évidemment, lorsqu'un journaliste peut contacter un chercheur pour vérifier une citation.
- Le sujet de la relation entre la science et les médias revient dans plusieurs blogues et forums. Souvent il s'agit de scientifiques (ou de personnes de même mentalité) qui viennent lire d'autres scientifiques qui pensent la même chose qu'eux pour conforter leur opinion sur la question. « C'est la faute des médias! » Je ne me souviens pas d'avoir lu une fois quelqu'un se demander «Est-ce que nous aussi, les scientifiques, nous avons une responsabilité dans la qualité très inégale de la couverture journalistique de la science? »
- Les journalistes des quotidiens travaillent sous pression sur un cycle très rapide de 24h. Les erreurs et les imprécisions sont inévitables. Surtout au nombre d'articles publiés par jour. Il faut donc choisir à quels problèmes s'attaquer. Par exemple, beaucoup de lecteurs ont l'impression qu'on leur annonce que le café est bon pour la santé le lundi, puis mauvais le jeudi. Ce genre de situation cause du cynisme envers les scientifiques « qui n'arrêtent pas de se contredire », en même temps qu'il entraîne de la confusion chez les gens qui se demandent s'ils doivent changer ou non leur comportement. Ce type de problème mérite plus d'attention qu'une ampoule de frigo à 1 kw que tout le monde aura oublié 10 minutes après la lecture de l'article.
- Le journalisme est bien adapté à couvrir des événements ou des actes bien circonscrits. Or, la recherche scientifique n'avance pas à coup d'événements. On ne lira jamais : « Hier, ce chercheur a découvert ceci ». De plus, en science, on a souvent besoin de recul pour faire la part des choses. Or, non seulement le journaliste n'a pas ce recul, il doit même bien souvent écrire son article alors que les scientifiques eux-mêmes ne l'ont pas encore. Dès le départ, avant de parler de complexité du sujet, à cause de sa nature même, la science est difficile à couvrir au quotidien.
- Cette habitude d'opposer les points de vue différents ou les opinions se contredisant est parfois très difficile à appliquer dans le cas de la science. Et je crois aussi que parfois le résultat induit le public en erreur en laissant croire qu'il y a une controverse là où il n'y en a pas. Par contre, quand une étude « exotique » se rend dans les médias, je suis sûr que les chercheurs représentant le « consensus » scientifique sont contents que cette habitude existe. En passant, savoir quelle est la position dominante des scientifiques sur un sujet peut être très difficile à faire quand on est à l'extérieur de la science.
- Les journalistes ne sont pas des éducateurs, ni des porte-paroles.
- En Amérique du Nord, le journalisme est une extension de la liberté d'expression. C'est pour cette raison que les journaux ne bloqueront pas la lettre d'un climato-sceptique (avec un cv crédible) pour délit de non-conformité avec le consensus scientifique, même s'ils connaissent ce consensus. Les journaux ne seront jamais les censeurs des scientifiques. Cela dit, après la parution d'une lettre d'un climato-sceptique ou d'un pseudo-scientifique, on pourrait s'attendre à une réponse signée par des douzaines de scientifiques. Ce serait efficace. Pourquoi cela ne se produit-il pas? Parce que la très grande majorité des chercheurs ne sait pas s'adresser au public? On peut toujours travailler avec un rédacteur qui le sait. Je pense qu'il y a un mélange de plusieurs facteurs. Pour commencer, il faut que quelqu'un prenne l'initiative. Ensuite, je crois qu'il reste encore des vieux réflexes de tour d'ivoire et beaucoup de chercheurs hésitent à sortir de leur zone de confort universitaire.
- Il est vrai également que les journalistes aiment avoir l'impression d'aider David à se défendre contre Goliath. Historiquement, en Amérique du Nord, le journalisme est une extension de la liberté d'expression… à fin de protéger le peuple contre les abus du gouvernement et des puissants. Et bien souvent les scientifique se posent en Goliath, par exemple, en se donnant une image « d'establishment ».
- L'idée d'un comité de censure scientifique… euh de vérification revient souvent. Je sais bien que ceux qui proposent ce comité ne voient pas ça comme de la censure et sont bien intentionnés. Mais un article qui traite de science, c'est beaucoup plus qu'une somme de faits. C'est aussi un exercice de relations publiques. Raison de plus pour ne pas qu'il soit filtré par des scientifiques qui veulent donner une bonne image d'eux-mêmes, en particulier dans un contexte où ils dépendent de fonds publics. Même avec la meilleure des intentions, il peut alors devenir très tentant d'utiliser le droit de regard sur les faits pour aborder d'autres aspects de l'article (incluant des aspects vraiment insignifiants). Je parle d'expérience pour avoir écrit dans des magazines où on fait relire l'article par le chercheur interviewé. Et c'est comme ça que les abus commencent.
Enfin si on établissait ce genre de comité, on aurait de la difficulté à les refuser pour la politique, le militaire, les entreprises, etc.
Et puis, je ne vois pas comment on pourrait mettre ça en place. Un comité pour chaque discipline? Des chercheurs prêts à répondre dans le quart d'heure et à abandonner instantanément ce qu'ils étaient en train de faire pour s'occuper de l'article? Mais ce serait le problème des scientifiques et le dernier de mes soucis.
Cela dit, je n'ai aucun problème, évidemment, lorsqu'un journaliste peut contacter un chercheur pour vérifier une citation.
- Le sujet de la relation entre la science et les médias revient dans plusieurs blogues et forums. Souvent il s'agit de scientifiques (ou de personnes de même mentalité) qui viennent lire d'autres scientifiques qui pensent la même chose qu'eux pour conforter leur opinion sur la question. « C'est la faute des médias! » Je ne me souviens pas d'avoir lu une fois quelqu'un se demander «Est-ce que nous aussi, les scientifiques, nous avons une responsabilité dans la qualité très inégale de la couverture journalistique de la science? »