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Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 18 janv. 2011, 05:19
par pownaid
Ma situation va peut-être sembler bizarre à certains, mais ces temps-ci je ressens beaucoup de culpabilité. Pourquoi? Parce que ce que je ressens ces derniers temps est en désaccord avec mes valeurs.
Présentement, je suis en question profond sur mon orientation de carrière et donc, mon orientation de vie. J'ai commencé un bacc en sociologie incertaine d'où cela aller me mener, mais avec un léger espoir de mieux comprendre le monde pour pouvoir le changer. Or, ces derniers temps je deviens de plus en plus fataliste : il me semble que peu importe les engagements que je prenne, le monde restera le même. Malgré tout, je me dis qu'il en faut des gens pour se lancer dans la mêlée, soit en participant à la politique ou en aidant les plus démunis. Même si, au bout du compte, on change pas le monde on aura fait de notre mieux. Or, la chose est que je n'ai pas envie de jouer ce rôle. Je ne m'y sens pas de taille et je n'ai envie de m'investir corps et âme : je préfère continuer à profiter de mon p'tit confort bourgeois en me réorientant vers quelque chose de plus payant. Seulement, je me sens hypocrite de penser parce que cela va à l'inverse de la réflexion qui m'anime depuis les dernières années.
Je me sens tiraillée entre deux pôles sans savoir quoi faire, quoi penser.
Est-ce que quelqu'un d'autre a déjà vécu quelque chose de semblable?

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 18 janv. 2011, 05:51
par Greem
Moi aussi j'ai perdu mon optimiste. Je pense que vouloir changer les choses, militer pour x truc ne sert pas à grand-chose, et ça amène bien souvent à une forme de violence empoisonnante parce que c'est le cœur qui parle, on manque de recule, on se sent investi et on souhaite que nos efforts portent leurs fruits. Parfois aussi on a suffisamment à faire avec ses oignons...

Par contre se regarder devant une glace et changer ça s'est possible. "Si tu veux changer le monde regarde toi devant une glace et change" comme disait je ne sais plus quel écrivain...

Bon, tu me diras que ça c'est une réflexion de petit riche occidental bien tranquille au chaud sous son toit avec le ventre bien rempli. Je suppose que si je vivais dans un pays soumis à l'oppression d'un gouvernement tyrannique il faudrait préconiser un peu plus que de la remise en question personnelle et passer à l'action...

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 18 janv. 2011, 06:22
par Fair
Hello pownaid,

Laissez moi glisser mon avis sur le sujet :
pownaid a écrit :J'ai commencé un bacc en sociologie incertaine d'où cela aller me mener, mais avec un léger espoir de mieux comprendre le monde pour pouvoir le changer.
C'est souvent cela qui nous motive lorsque qu'on choisi une orientation dans le secteur des "sciences humaines". L'envie de changer ou d'améliorer les choses. Mais on est aussi souvent déçu une fois sur le marché du travail.
pownaid a écrit :Or, ces derniers temps je deviens de plus en plus fataliste : il me semble que peu importe les engagements que je prenne, le monde restera le même.
Il faut alors vous accrocher à vos conviction et de vous inspirer (stimuler) de la vie des "grands de ce monde" qui, eux, ont réussi à faire une différence. C'est la preuve que c'est possible.
pownaid a écrit :Malgré tout, je me dis qu'il en faut des gens pour se lancer dans la mêlée, soit en participant à la politique ou en aidant les plus démunis.
J'ai travaillé 10 ans dans le communautaire et j'ai trouvé cela très stimulant. Je n'ai pas changer les choses, il y a toujours autant de pauvreté dans la population, mais je sais que j'ai "fais la différence" dans la vie de plusieurs individus. On y reçois beaucoup de reconnaissance et c'est bon pour l'estime de soi.
pownaid a écrit :Or, la chose est que je n'ai pas envie de jouer ce rôle. Je ne m'y sens pas de taille et je n'ai envie de m'investir corps et âme : je préfère continuer à profiter de mon p'tit confort bourgeois en me réorientant vers quelque chose de plus payant.
Pour moi, le principal est d'aimer ce que l'on fait. C'est bien de gagner beaucoup d'argent, mais si vous vous levez difficilement à 6h00 du matin en vous disant "bon, une autre journée merde, ça va être long, j'ai hâte à 17h00 pour en finir avec cette journée. J'ai hâte à la fin de la semaine, etc ...", votre vie ne sera pas joyeuse.

Quelque soit votre choix, dirigez-vous vers un emploi qui vous passionne ou, au moins, vous intéresse. Vous serai plus motivée dans vos études et vous aurez probablement de meilleurs notes. Sur le marché du travail, vous serai plus motivée, plus performante et donc plus apte à "changer les choses". Et dans votre vie, vous serai beaucoup plus heureuse.

A+ :a1:

Récupérer~recycler à 100%

Publié : 18 janv. 2011, 06:56
par Denis

Salut Pownaid,

Tu dis :
il me semble que peu importe les engagements que je prenne, le monde restera le même.
Pour te consoler, dis-toi que c'est probablement une excellente chose.

Imagine à quoi ressemblerait notre société s'il était facile pour tout le monde (Talibans compris), de changer le monde à son goût. Tant mieux si ce n'est pas facile.

J'admets que c'est une maigre consolation.

Moi, j'éprouve souvent un malaise quand je jette aux ordures un machin qui pourrait, théoriquement, être recyclé. Je me dis que si l'humanité est pour prospérer sur Terre durant des millions d'années, elle devra atteindre un taux de récupération~recyclage de 100%. Seulement 99% ne permettrait de traverser que des millénaires, pas des millions d'années. Chaque fois que je jette un bouchon de plastique, j'ai l'impression de donner un coup de poignard dans le dos de mes arrières-arrières-arrières-arrières-...-arrières-petits-enfants.

Ceci dit, je trouve les suggestions de Fair excellentes, ainsi que la réflexion de l'écrivain cité par Greem.

:) Denis

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 18 janv. 2011, 12:05
par Venom
Je pense que Mère Thérèsa était franchement critiquable. Voir l'excellent bouquin de Christopher Hitchens "La position du missionnaire". Du coup je ne veux pas être Mère Thérèsa, et je ne me sens absolument pas coupable, tout au contraire... :mrgreen:

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 18 janv. 2011, 14:22
par BeetleJuice
Est-ce que quelqu'un d'autre a déjà vécu quelque chose de semblable?
Oui.
Quand j'ai commencé à faire de l'histoire, il y a 4ans et demi.
Quand on pratique les sciences humaines, on est tellement amené à décortiquer les sociétés humaines qu'on finit par se rendre forcement compte que plus ça change moins ça change et on se sent un peu impuissant tout en étant un peu coupable de faire ce type de constat.

Je crois qu'il n'y a pas 36 réactions possible dans ce genre de cas:

-on tombe dans le cynisme et on observe le mouvement du monde en se disant que les gens sont quand même pas super malin et que ça ne vaut pas le coup qu'on les aide. (c'est une solution pour se supporter, mais ça peut virer à la prétention)
-on nie en se jetant sur tout ce qui permet de démentir ce qu'on a constaté, parfois au point d'idéaliser le moindre rapport humain qui prouverait que l'humanité recherche le bien.
-on accepte l'idée que la nature humaine évolue trop lentement et est trop dépendante de sa physiologie de primate intelligent pour être modifié à l'échelle d'une vie et on fait de son mieux à sa petite échelle pour vivre en accord avec ses idées.

Moi j'ai d'abord été dans la première voie, puis la 3ème.

Objectivement, aucune n'est pire qu'une autre et il n'y a pas de honte à avoir de ne pas vouloir changer les choses soi même.
Le monde ne deviendra pas forcement pire parce que vous ne soutenez pas de changement, au contraire, l'inaction de la majorité a étouffé plus de mauvais changement dans l'oeuf qu'elle n'a permis à de bon changement d'émerger.
La majorité peu active étant majoritairement conservatrice (non par idéologie, mais en ne bougeant pas, ça empêche l'évolution), elle fait office de garde-fou aux trop mauvaises idées la plupart du temps (sauf cas particulier évidement, mais aucun système n'est jamais sur à 100% de ne pas dériver.). La contrepartie, c'est qu'elle ne permet pas non plus l'émergence de très bon changement de manière facile. Mais bon, on n'a rien sans rien.

Si comme l'a dit Denis, c'était facile de changer le monde, les talibans aussi pourrait facilement le faire.

Vous préférez faire partit du garde-fou plutôt que faire partit des décideurs, c'est votre choix.
D'ailleurs c'est aussi ce que font les sceptiques ici, sur ce forum et en général: être le garde-fou des mauvaises idées, même si ça rend plus difficile la progression des bonnes.

Tout ça pour dire que c'est faux de dire que ne rien faire ne change pas le monde. Si vous étudiez la sociologie, vous devriez le savoir, beaucoup de phénomène de société et de changement sont le fait de mécanismes non pas individuels, mais entre groupes sociaux. En ne faisant rien de particulier,en vivant votre vie de votre coté et comme vous l'entendez, vous participer de toute manière à l'évolution de la société, même si c'est moins spectaculaire que l'action d'un bénévole d'ONG.

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 18 janv. 2011, 15:56
par NEMROD34
C'est très simple: changer le monde tu ne peux pas, faire des petites choses quand tu le peux autour de toi, ça tu le peux. Ne pas t'en féliciter ni t'en vanter donnera peut-être l'envie à d'autres de le faire aussi.
Ne t'oublis pas au passage, c'est à dire que tu peux décider de ne pas faire quelque parce que là tu n'as pas envie de le faire et que tu penses à toi. Si tu ne penses pas à toi tu n'est pas bien, et si tu n'est pas bien tu ne peux pas aider les autres.
C'est, pour faire un exemple, le truc du secouriste: une des choses qu'on y apprend c'est que si c'est dangereux pour le secouriste alors il ne faut rien faire, un mort c'est mieux que deux, et deux morts c'est inutile si il ne pouvait n'y en avoir qu'un.

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 18 janv. 2011, 16:07
par pownaid
Greem a écrit :"Si tu veux changer le monde regarde toi devant une glace et change" comme disait je ne sais plus quel écrivain...
Je suis bien d'accord avec cela.
Fair a écrit :Quelque soit votre choix, dirigez-vous vers un emploi qui vous passionne ou, au moins, vous intéresse. Vous serai plus motivée dans vos études et vous aurez probablement de meilleurs notes. Sur le marché du travail, vous serai plus motivée, plus performante et donc plus apte à "changer les choses". Et dans votre vie, vous serai beaucoup plus heureuse.
Je suis bien d'accord avec cela également. Le problème, c'est que j'ai besoin de testé pour savoir si j'aime ou non. J'ai l'intention de m'impliquer auprès d'un de mes profs qui fait de la "recherche-action" dans des centres communautaires pour voir si je m'y plait. Comme ça, je pourrai régler mon problème de conscience parce que je l'aurai au moins tester avant de me réorienter.
Denis a écrit :Imagine à quoi ressemblerait notre société s'il était facile pour tout le monde (Talibans compris), de changer le monde à son goût. Tant mieux si ce n'est pas facile.
Hahaha, tout à fait vrai! En tout cas, si les talibans changeaient le monde à leur goût, j'aurai pas à me poser ces questions parce que je ne pourrai même pas accéder à l'école!
BeetleJuice a écrit : -on tombe dans le cynisme et on observe le mouvement du monde en se disant que les gens sont quand même pas super malin et que ça ne vaut pas le coup qu'on les aide. (c'est une solution pour se supporter, mais ça peut virer à la prétention)
-on nie en se jetant sur tout ce qui permet de démentir ce qu'on a constaté, parfois au point d'idéaliser le moindre rapport humain qui prouverait que l'humanité recherche le bien.
-on accepte l'idée que la nature humaine évolue trop lentement et est trop dépendante de sa physiologie de primate intelligent pour être modifié à l'échelle d'une vie et on fait de son mieux à sa petite échelle pour vivre en accord avec ses idées.
Je suis prise entre le premier et le troisième. Je suis très cynique et je trouve les gens assez bêtes, mais je ne crois pas que c'est une raison pour ne pas les aider : s'il n'y a personne pour montrer le chemin, comment ils vont faire pour le trouver? Sinon, j'essaie de vivre en accord avec mes idées, mais j'y parviens pas toujours parce que parfois je me laisse "tenter". Par exemple, je prône le travail équitable. Pourtant, l'autre jour j'ai acheté des pantalons made in China parce qu'ils étaient moins cher que ceux made in Canada. Dans ces cas là, je me sens un peu comme Denis qui jète son bouchon, mais moi j'ai plutôt l'impression de poignarder les travailleurs chinois qui ont cousues mes pantalons.

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 18 janv. 2011, 17:45
par Sainte Ironie
Greem a écrit :"Si tu veux changer le monde regarde toi devant une glace et change" comme disait je ne sais plus quel écrivain...
Je crois que la citation originelle est : "Sois toi-même le changement que tu souhaites voir dans le monde", de Mohandas Gandhi.

... J'ai entendu ça dans How I Met Your Mother. :oops:

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 18 janv. 2011, 18:10
par Cartaphilus
Salut Sainte Ironie.

La citation serait : « We must be the change we wish to see in the world » ; autre formulation : « Be the change you wish to see ».[*]

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 19 janv. 2011, 12:04
par BeetleJuice
Je suis prise entre le premier et le troisième. Je suis très cynique et je trouve les gens assez bêtes, mais je ne crois pas que c'est une raison pour ne pas les aider : s'il n'y a personne pour montrer le chemin, comment ils vont faire pour le trouver? Sinon, j'essaie de vivre en accord avec mes idées, mais j'y parviens pas toujours parce que parfois je me laisse "tenter". Par exemple, je prône le travail équitable. Pourtant, l'autre jour j'ai acheté des pantalons made in China parce qu'ils étaient moins cher que ceux made in Canada. Dans ces cas là, je me sens un peu comme Denis qui jète son bouchon, mais moi j'ai plutôt l'impression de poignarder les travailleurs chinois qui ont cousues mes pantalons.
En même temps, c'est utopique de vivre 100% en accord avec ses idées, sans quoi on finit par n'avoir plus aucune capacité à faire évoluer ses jugements sur autrui et on finit certain d'avoir raison sur tout et perclus de certitude. D'une certaine manière, la honte que vous ressentez en ne suivant pas vos principes est à rapprocher d'un doute.
A chaque fois que vous avez l'impression de ne pas être cohérent avec vous même, vous doutez de vous et je trouve ça plus sain que de ne jamais douter de sa bonne foi même quand on a un comportement à la limite de la schizophrénie (ce qui est le cas de beaucoup de monde. Ca me tue par exemple de voir des gens réclamer, en France, que le président soit ferme face à la Chine et être limite raciste envers les chinois, mais de l'autre coté acheter frénétiquement du made in China sans se poser de question).

Re: Se sentir coupable de ne pas vouloir être "Mère Thérèsa"

Publié : 19 janv. 2011, 15:13
par Greem
Sainte Ironie a écrit :Je crois que la citation originelle est : "Sois toi-même le changement que tu souhaites voir dans le monde", de Mohandas Gandhi.
Nan c'était pas de Gandhi, mais l'idée est là ;)