PhilippeL a écrit :Je n'ai rien contre l'égalité (enfin un peu, j'y reviendrai).
Moi non plus, mais ce n'était pas le sujet.
Quand je parle d'utilité sociale, je n'inclue pas de notion abstraite d'égalité dans le processus de redistribution, mais d'un moyen pour que la richesse produite profite au mieux à la collectivité et en période de crise, soutenir la capacité de l'Etat à dégager des marges de manœuvre en prenant un peu plus aux classes les plus aisées pour permettre aux classes en dessous, soit de consommé, soit de lancer des projets à même de relancer l'activité sinistrée, me semble une bonne chose.
C'est aussi de l'intérêt des "riches" qui profitent eux aussi de la valeur juridique de leur citoyenneté fourni par l'Etat et leurs entreprises, quand ils en créent, ont tout à gagner à avoir le choix de leur sous-traitant, choix qui ne peut se faire que si les classes moyennes les crée et ont l'argent pour le faire, la concurrence accrue donnant un meilleur prix.
Par exemple, au Québec, une fois à peu près tout calculé, quelqu'un qui gagne 275k$ aura remis 112,5k$ à l'État en taxes et impôts, soit plus de 7 fois les 15,4k$ de celui qui a un revenu de 50k$ et ce, pour bénéficier des mêmes services (et souvent moins). À partir de combien ce ratio serait-il satisfaisant pour les gens qui réclament plus d'égalité? 8 fois? 10 fois? 20 fois?
Encore une fois, je ne parle pas d'égalité, donc pas la peine de m'emmener sur ce terrain. Que ce soit clair, je ne suis pas de gauche (plutôt centre, de gauche ou de droite selon les cas et les idées), je ne prône pas le communisme, pas plus que l'égalité des salaires ou quoi que ce soit d'autre visant à supposer qu'une société idéale serait une société où tout le monde à un salaire compris dans une fourchette avec un écart faible entre le haut et le bas.
Je suis persuadé que cet écart ne doit pas être hypertrophié, comme je pense que, s'il est trop réduit, il est tout aussi gênant. Le problème est affaire de curseur selon la situation de la collectivité.
Le rendu sur service qui voudrait que chacun obtiennent de l'Etat le service à la mesure de son paiement et le prétexte de réduction d'impôt des pauvres ou des riches selon les cas sous prétexte qu'il paie trop pour le service rendu ou qu'il n'ont pas accès à ce service s'il paie trop me semble oublier le fait que l'impôt est d'abord collectif et pas individuel et que l'on doit le fixer en fonction des besoins de la collectivité et pas du ratio paiement/service fourni.
En fait, je pense qu'il est socialement plus important de suivre l'évolution des revenu des pauvres que leur écart avec ceux des riches.
Je suis persuadé du contraire, du moins pour ce qui est du fixement de l'impôt. L'important c'est l'évolution globale des revenu et de voir si cette évolution est relativement homogène sur la population pour en éviter les fractures.
S'il y a un trop fort déséquilibre (si une partie s’enrichit vraiment beaucoup plus vite qu'une autre), l'impôt me semble devoir corriger cela pour assurer une stabilité.
On le voit aujourd'hui, l'impression (et je dis impression, parce que ça n'est peut-être qu'une impression) d'enrichissement des plus riches au détriment des plus pauvre et le creusement de l'écart produit l'impression qu'il existe une caste de privilégié.
On est toujours actuellement dans un système capitaliste, qui compte sur le développement d'entreprise pour fonctionner et si la population, dans son ensemble, commence à croire qu'une partie est privilégiée et bénéficie de condition particulière, elle se décourage à tenter d'entreprendre.
La question est évidement du ressort des imaginaires sociaux, mais les gouvernants, qui se complaisent trop souvent dans les chiffres et les algorithmes, oublient parfois aussi qu'une société fonctionnent sur un ensemble d'imaginaire et qu'elle se déchire si ses imaginaires ne sont pas maintenus dans le bon sens.
Suivre uniquement la tendance d'enrichissement des plus pauvres ne sert à rien si ce n'est leur dire qu'eux aussi s'enrichissent, ce qui ne gomme pas le sentiment d'injustice qui se crée en cas d'écart trop important, même quand ce sentiment est injustifié (on ne lutte pas contre l'imaginaire collectif à coup de tendance chiffré, j'en ai peur...)
Ca ne pourrait aussi servir qu'à convaincre l'Etat à faire de la redistribution en fonction du plancher des plus pauvres et ne pas regarder la tendance globale de la population dont il a la charge. Ca incite à l'assistanat, qui, crée un sentiment d'injustice chez le riche, cette fois, et d'infériorité chez le pauvre, même s'il en a besoin.
Actuellement, c'est ce qu'on fait en France, on regarde plus volontier le haut ou le bas selon qu'on soit de droite ou de gauche, mais pas la situation globale et on arrive à juste créer plus de sentiment d'injustice, soit en augmentant le salaire minimum et les allocations en dehors de toute considération de compétitivité et du rôle normalement incitatif des aides, soit ont crée des moyen de réduire l'impôt des plus riches (qui n'en payait déjà pas forcement beaucoup en se servant des diverses niches fiscales), au delà du caractère explosif du sentiment de création de privilège que ça crée dans une société nourri d'un imaginaire révolutionnaire.
Ca donne au final une vision trop rigide de l'impôt (qu'on ne veut pas augmenter, même en période de crise pour s'éviter des grognes) qui devrait être une chose plus claire, plus simple et plus fluctuante en fonction des besoins de l'Etat et de l'état de la société.
Or, on omet de nous dire que les revenus des pauvres sont également en croissance. Il me semble qu'on devrait mettre l'emphase en premier lieu sur cette dernière donnée...
Comme dit, à quoi ça servirait?
Si les revenus des plus riches augmentent plus vites que ceux du reste de la population, mettre l'emphase sur l'augmentation du reste n'enlèvera pas l'impression qu'il existe des privilégiés.
Le modèle capitaliste se nourrit de l'idée que tout le monde peut arriver au sommet. C'est évidement pas mal faux, mais c'est un imaginaire qui nourrit même les nations les plus socialistes d'Europe (même si, là, ça se transforme plus en "l'Etat doit assurer l'aide aux plus pauvres pour qu'ils puissent grimper" plutôt que "chacun peu lui même grimper")
Si une partie de la population déjà en haut, grimpe plus vite que le reste, c'est porteur de déstabilisation de la société, dommageable à sa bonne tenue.
L'impôt sert aussi à ça: assurer le maintient des imaginaires dans le bon sens en laissant croire que l'Etat s'assure d'avoir une population équilibrée (selon l'imaginaire de la population en matière d'équilibre).
à partir de quel point est-ce que taxer la richesse la fait fuir ou la décourage de façon à ce que la collectivité y perdre au change ?
Je ne sais pas, c'est une question de curseur, je l'ai dit et de contexte.
Cela dit, je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout persuadé que ce chantage à la fuite des riches soient une réalité si évidente. J'ai des doutes que la quantité de riches fuyant le pays soit si importante en cas de hausse des impôts les touchant plus particulièrement et qu'elle puisse déstabiliser le pays.
De même, je ne suis pas persuadé que le découragement à gagner plus soit si important. Au pire, ça réduira l'envie de gagner vraiment beaucoup et si c'est dommageable, à charge pour l'Etat de modifier à nouveau son impôt (qui devrait selon moi être bien plus flexible qu'aujourd'hui, mais aussi bien plus clair et simple pour que cette flexibilité ne soit pas vu comme inégalitaire ou injuste.)
Mais il y a surtout la question de la légitimité qui est absente du discours de la gauche
Le taux d'impôt est légitime en soit si le gouvernement estime que c'est nécessaire d'en prélever autant. C'est aussi pour ça qu'on élit les gens, parce que l'on pense que leur décision seront légitime.
C'est parce qu'on les a élu pour ça qu'elles sont légitimes, c'est l'expression de la souveraineté populaire.
Si vous estimez qu'un parti n'explique pas assez pourquoi il veux augmenter tel impôt ou le réduire, vous ne votez pas pour lui et s'il n'est pas élus, sa vision de l'impôt ne sera alors pas légitime. S'il l'est, même si ça vous déplait et même si c'est contreproductif, elle le sera.
Bon, on pourrait débattre indéfiniment de l'illusion de démocratie qui est au coeur du processus, mais la gestion d'un Etat reste avant tout politique et le politique ne se nourrit pas que de contrainte technique et scientifique et n'en tire pas de légitimité dans nos systèmes se prétendant démocratique (à tord cela dit).
La contrainte technique n'est là que pour l'explication, mais si elle est refusé par l'expression de la souveraineté populaire, même la bonne solution technique ne sera pas légitime.
Après, je ne me prononce pas sur la capacité de tel ou tel parti à fournir une explication à leur vision de l'impôt, je n'entre pas dans une discussion idéologique pour ou contre la gauche ou la droite.
Si on exigeait de quelqu'un à l'épicerie qu'il paie 10 fois le prix de celui qui le précédait dans la file pour le même panier, ce serait un scandale.
Oui, mais là encore vous raisonnez dans une vision purement individuelle de l'impôt qui voudrait qu'on en ait de suite pour son argent. Or, je le redis, l'Etat n'est pas un fournisseur de service, il a la charge de la bonne marche de la société, pour le présent, mais aussi pour le futur.
Le paiement d'un impôt plus important se construit dans une logique de dégagement d'une marge de manœuvre pour l'Etat afin d'assurer à la communauté un fonctionnement harmonieux aussi bien présent que futur.
Réagir en disant qu'un riche qui paierait beaucoup paie plus cher, paie plus cher pour un service d'Etat fait oublier que l'impôt est payé dans cette dimension temporelle au delà de l'immédiat et donc qu'il paie aussi pour assurer le maintien du service à long terme et assurer que sa société ne se sclérose pas à moyen terme. La rentabilité de l'investissement, pour reprendre le langage économique, se mesure à la capacité de l'Etat à maintenir la société en bon ordre et à assurer aux citoyen un cadre légal avantageux sur le long terme.
A la limite, le riche pourra dire seulement au bout de plusieurs années si ça valait le coup ou s'il c'est fait avoir (et dans ce cas, il votera pour quelqu'un d'autre, même si c'est une maigre consolation.)