LE PARADOXE DES SCIENCES
Chapitre 2
ÉVOLUTION SANS INTENTION
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D'ailleurs, nous dit Wilson, initiateur d'une " sociobiologie ", " si nous observons [les] fourmis, nous sommes rapidement troublés de constater qu'elles vivent dans une société qui ressemble à certaines sociétés humaines. Cela vaut pour bien des comportements animaux. Par exemple, les termites ont un système de castes qui n'est pas sans évoquer certaines de nos civilisations. Les chimpanzés ont des comportements qui, s'ils étaient observés chez l'homme par un ethnologue, seraient considérés comme parfaitement humain. Bien plus, ajoute-t-il, on retrouve facilement chez le chimpanzé tous les traits qui constituent les premiers chapitres des manuels d'anthropologie. Ce qui n'empêche pas les anthropologues d'expliquer que […chez nous] ces comportements, ou les organisations sociales élémentaires des sociétés primitives, sont entièrement d'origine culturelle. Mais ils le font sans preuve ! "24, l'hypocrisie ou la gêne étant les seuls motifs.
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Car comment se fait-il, s'interroge de nouveau Wilson, que toutes les sociétés humaines, bien qu'elles puissent très souvent s'être développées sans aucun lien les unes avec les autres, ont toutes sécrété à leur propre manière leurs propres expressions de la religion au travers desquelles il transparaît, mais a posteriori seulement, qu'une même forme essentielle se retrouve en chacune ? C'est là l'un des mystères profonds du fait religieux - siège apparent d'une sorte " d'ultime conviction ", ou de ce que l'on prendrait aussi volontiers comme stade ultime des intuitions de l'homme - que de donner le sentiment de naître aussi spontanément selon une même logique - jusque dans ses formulations les plus archaïsantes -, et pourtant, instinctivement reproduite en tous lieux à l'identique ;
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Tour à tour chaque figure se chaîne, car ce trait peut aussi s'éclairer de bien d'autres, d'ailleurs très usuellement associés, qui relèvent pour leur part du répertoire de l'éthique. Pour prendre un exemple concret, la prohibition de l'inceste - que Claude Lévi-Strauss situe très explicitement comme fondement majeur de toutes les cultures humaines - peut également s'observer chez plusieurs espèces de mammifères sauvages, et notamment chez le chimpanzé. Rien ne justifie cependant un tel comportement, pas plus chez eux d'ailleurs que chez les humains eux-mêmes ; et rien non plus ne parvient véritablement à le légitimer au sein des religions qui en sont très souvent à la base. Si ce n'est simplement qu'à l'inverse du métissage qui préserve la totalité du potentiel génétique, la consanguinité - et elle seule - nous conduit progressivement, mais inéluctablement, à l'appauvrissement du patrimoine génétique et la dégénérescence ; toutes choses qu'il ne nous était bien évidemment pas possible de savoir avant l'apparition de cette science on ne peut plus récente, et qu'aucune société tribale ne pouvait même supposer ; et cependant, la seule explication véritablement pertinente à l'égard de ce trait vital. D'où saurait alors provenir une telle constante, sinon de l'élaboration du patrimoine génétique lui-même, machine intrinsèquement vouée, par toute sa constitution, à préserver et à reconduire la vie.
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