Puisqu'il est question du «retour à la nature» des années 70 dans le Québec rural (et ailleurs sans doute), je dois te préciser que j'étais aux premières loges ici sur mon bout de rang. En fait ton interrogation ramène directement à la définition de ce qu'est l'«harmonie avec la nature».
Est-il plus harmonieux par exemple pour une femme de 38 ans qui en est à son premier accouchement, de donner le jour à son enfant à la maison, dans sa chambre à coucher, avec l'aide d'une sage-femme peu formée et avec tous ses amis réunis pour la fête, ou plutôt à l'hôpital dans une salle aseptisée et équipée en matériel et en personnel pour pallier rapidement à d'éventuelles complications ? Si l'harmonie est de maximiser les chances de survie et de santé de la mère et de l'enfant, j'opterais pour la deuxième solution. Et pourtant à cette époque, c'est la première solution qui l'emportait de façon généralisée, et avec les conséquences fâcheuses voire dramatiques que ça pouvait parfois avoir. Quelle était donc cette harmonie, puisque oui tu as tout à fait raison, cela se faisait au nom de l'harmonie.
Avec un peu de recul j'avoue que la seule harmonie que j'y vois, c'était l'harmonie du discours. Un rejet de la modernité, elle qui bien sûr génère une multitude d'aberrations, mais ce rejet équivalait souvent à retomber justement dans une «pré-modernité» qui loin d'être un conte de fées (ou de shaman Micmac..) renfermait son lot de souffrances insoupçonnées.
J'ai peut-être un point de vue biaisé, mais je constate que ce retour à la nature, tel que vécu ici et dans ces années-là, s'est presque toujours avéré un échec à long terme pour la qualité de vie de ses adeptes. Pas besoin de te dire que cette mode s'est à peu près éteinte dans les parages, et que la plupart ont maintenant l'électricité à la maison, une scie à chaîne pour le bois de chauffage, un rotoculteur pour le jardin, et une voiture pour «descendre» au village. Et lorsque certains deviennent grand-parents, ils sont tout à fait charmés devant cette progéniture, et en oublient qu'ils sont à la pouponnière de l'hôpital.
Oui à mon avis le «retour à la nature» de cette époque et de la manière dont il se vivait ici avait tout de la croyance nouvel-âgeuse. C'en était même, jusqu'à un certain point, le précurseur.
korg
P.S.: quelle est ta définition d'«harmonie avec la nature» ? Est-ce que par exemple le lion qui tue un lionceau pour s'accoupler avec sa mère est harmonieux ? Est-il harmonieux pour un diabétique de survivre et de s'injecter quotidiennement sa dose d'insuline Merk-Frost ?