http://www.cecm.sfu.ca/news/clippings/97_01_0a/
Obsession de Pi
par Jean-Paul Delahaye
in Pour La Science de janvier 1997
"...En 1995 le Japonais Kanada a calculé 6 442 450 000 décimales de Pi. En prenant en compte les 6 milliards premières, on a trouvé les apparitions suivantes des différents chiffres .La vitesse avec laquelle les fréquences approchent de 1/10 est conforme à ce qu'on obtiendrait avec un tirage au hasard. L'écart doit diminuer comme 1Ali€, ce qui
semble être le cas puisque la fréquence du '7' par exemple est:
0 pour les 10 premières décimales
0,08 pour les 100 premières décimales
0,095 pour les 1000 premières décimales
0,097 pour les 10000 premières décimales
0,10025 pour les 100000 premières décimales
0,0998 pour les 1000000 premières décimales
0,1000207 pour les 10000000 premières décimales
Avec les 10 millions premières decimales de Pi, on peut engendrer deux millions de séries de 5 chiffres qu'on peut assimiler à des mains de Poker. On calcule quel est le nombre statistiquement attendu de certaines configurations de Poker pour des mains tirées au hasard (si on jouait avec un jeu ayant 10 sortes de cartes différentes au lieu de 13). On s'aperçoit alors que ce qu'on trouve pour les mains de poker tirées des décimales de Pi ressemblent à celles qu'on aurait par de véritables tirages aléatoires..."
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[Heu, je ne vois pas en quoi une "meilleure équirépartition" des positions des décimales veut automatiquement dire que ces dernières sont "parfaitement déterminées"?] {JF}
Sans doute l'utilisation de la conjonction "puisque" a t-elle contribué à votre étonnement. Peut-être eût-il fallu la remplacer par "alors que" ou "bien que". Il me semble pourtant que la langue française autorise l'usage de cette conjonction pour marquer l'opposition.
exemple: " Puisque vous êtes riche, pourquoi continuez-vous à travailler ? "
Je consens cependant à reformuler ma phrase qui s'énoncera donc:
"il est licite de se demander en quoi cette suite de décimales possède un caractère aléatoire alors que chacune d'entre elles est parfaitement déterminée"
L'équirépartition (fut-elle "meilleure") des décimales ne signifie donc nullement qu'elles sont parfaitement déterminées. Ce qui nous autorise à dire qu'elles sont parfaitement déterminées, c'est le simple rapport de la circonférence au diamètre.
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Il ne semble pas exister de théorème mathématique qui nous permette de définir à priori une suite de nombres aléatoires. Le seul guide dont nous puissions disposer est le théorème de V.I.Glivenko: "Une suite aléatoire engendrée par une variable aléatoire révèle sous forme statistique toutes les caractéristiques propres à cette dernière". (1)
C'est à l'aide de critères définis à partir de suites de référence telles que les suites de Bernouilli, les suites gaussiennes ou des suites engendrées par une variable aléatoire quelconque que l'on peut juger si une suite donnée présente les mêmes caractéristiques structurelles qu'une suite issue d'un vrai processus statistique. C'est à la lumière de tels critères (voir plus bas), qu'il est possible de voir dans la suite des décimales de PI une "meilleure" suite que celle des chiffres de la Rand Corporation.
Je tiens à préciser que le fait que cette suite de décimales constitue une "meilleure" suite que celle de la Rand Corporation ne me fait ni chaud ni froid. Ce qui me semble important par contre, c'est de pouvoir réfléchir sur les concepts de hasard et d'indétermination et d'essayer de discerner si nous n'aurions pas avantage à effectuer une distinction entre les deux.
"L'ensemble de la suite, lui, n'est pas aléatoire puisqu'il forme une entité définissable." [JF]
Voyons cela de plus près.
La nécessité de procéder à des simulations sur ordinateur a conduit à l'élaboration de procédés arithmétiques rapides pour fabriquer des suites de nombres pseudo-aléatoires. La génération de ces nombres pseudo-aléatoires sur ordinateur s'effectue généralement en utilisant des méthodes congruentielles multiplicatives. Dans une méthode de congruence multiplicative, chaque terme de la suite est défini à partir du précédent par une relation de récurrence du genre:
u(indice i +1) = Mu(indice i) (Modulo m)
où u(indice i +1) est le reste de la division de Mu(indice i) par m, u(indice 0) étant un nombre entier de départ positif, arbitraire, compris toutefois entre 1 et m-1, appelé générateur. Le multiplicateur M et le module m sont choisis de sorte que la période soit la plus grande possible car la formule laisse clairement prévoir qu'après un certain nombre de termes, les suites se répètent.
Mais inutile de développer davantage sur des questions de cuisine.
Ces générateurs de nombres pseudo-aléatoires aléatoires sont utilisés depuis plus de 40 ans en informatique. Les nombres générés y sont parfaitement déterminés et possèdent cependant toutes les caractéristiques propres aux séries aléatoires c'est-à-dire:
- L'équirépartition sur l'intervalle [0, m-1]
- L'indépendance des valeurs successives u(indice i).
Pour le caractère d'uniformité, on peut faire appel aux tests de la moyenne, de la variance ou à celui des fréquences. Pour l'indépendance des termes successifs, on applique d'habitude le test d'autocorrélation ou celui des suites binaires.
Ces générateurs sont parfaitement adaptés à la simulation du hasard, par exemple dans les jeux de casino comme la roulette, le baccarat, le jeux de dés etc.
On voit donc que le fait qu'une suite "forme une entité définissable" (sans doute au sens utilisé par Chaitin) ne dépouille pas cette suite des caractéristiques propres à une suite aléatoire. (Rappel: théorème de Glivenko plus haut).
Sur la question du Bible code...moi je prendrais bien une petite tasse de café !
1- O.Onicescu, Nombres et systèmes aléatoires, Paris, Eyrolles, 1964.
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