«En science, la prudence et la retenue ne sont-elles pas bonnes conseillères ? ... particulièrement en biologie, où l’on rencontre plus souvent, il me semble, les mots «hypothèse» et «théorie» que «loi».»
Voilà pourquoi Jean Rostand n'avait pas coutume de pontifier. Il savait bien que les certitudes d'un jour peuvent être la risée du lendemain. Le biologiste et humaniste Jean Rostand le dit mieux que moi :
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«Même dans mon for intérieur, je n'ai garde de penser que ceux qui croient différemment de moi aient le jugement plus mauvais, et d'oublier de quelle manière fragile et contingente sont faites les opinions d'un homme.»
- Jean Rostand, «Ce que je crois», Grasset, 1953 et 1956, page 14.
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À mon sens, la question à se poser n'est pas : «Qu'aurait dit Jean Rostand 15 ans plus tard ?», puisqu'il n'y a pas de réponse à cette question, mais plutôt : «Sur l’évolution, les déclarations de Jean Rostand étaient-elles justifiées À SON ÉPOQUE ?».
Par exemple celle-ci :
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«Certes, nous conviendrons, en toute objectivité, qu'on n'a pas le droit de tenir l'évolution organique pour une certitude dès lors qu'il s'agit d'événements révolus sans témoins(*) et dont il est permis de douter que la nature actuelle nous fournisse encore l'exemple ; mais, si l'on ne peut que croire en l'évolution, il est quasiment impossible, pour le biologiste, de ne pas y croire, et il serait fâcheux qu'un excès de scrupule positiviste jouât au bénéfice d'hypothèses beaucoup moins plausibles que celle d'évolution.»
- Jean Rostand, «Ce que je crois», Grasset, 1953 et 1956, pages 24 et 25.
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(*) «sans témoins» : bien sûr, les fossiles sont en quelque sorte des témoins de l'évolution, et nul mieux que Rostand ne le savait ; ce ne sont tout de même pas les témoins auxquels Jean Rostand fait allusion dans son texte.
Évariste