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On continue votre formation (pour Denis et ST Aise)


Posted by Gatti , Mar 27,2002,00:31 Index  Forum

Impressionnant hein! Cette madame GARRETT

EXCUSEZ LA PRESENTATION c 'est fait avec recognita.C'est çà ou rien , mais pour les chercheurs valeureux point de probleme .La vaillance n'attend pas le nombre des années.

Je prends bonne note de la discussion sur LA BEC au point zero , mais vraiment zero;JE LA METTRAI SUR MON SITE POUR LA POSTERITE.


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Extrait de "Ces pilotes messagers de L'au-delà" John FULLER


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Finalement, celui-ci prit place dans la pâle lumière naissante du 13 octobre. Le major Scott, habillé d’un vieux chandail blanc de chaussures de tennis et d’un pantalon de flanelle grise, dirigeait les opérations. II venait de perdre une dent et cela accentuait la tension sur son visage. A 5 h 49 du matin, l’aéronef commença à glisser, mètre par mètre. La foule, pressée aux barrières du terrain, rugit ses encouragements. Les voitures s’arrêtèrent le long de la route la plus procbe ; un bouchon se forma sur plus de sept kilomètres. I.es gens semblaient hypnoti-sés, figés sur place.
Quatre minutes suffirent à sortir l’aéronef de sa matrice. Une tonne de poussière qui s’était accumulée pendant des mois sur la partie supérieure de l’appareil fut balayée par la brise légère. I.a procession s’ébranla lentement à travers le terrain, comme une marche nuptiale de nains, marchant au même pas. Arrivé au pied de la tour, l’engin s’éleva au fur et à mesure qu’on relâchait les cordages. I.a queue, qui était légère, réclamait une attention particulière. On y attacha quatre rouleaux compresseurs dont chacun pesait une tonne. I.e câble de la tour fut accroché au nez de l’appareil qui se balança lentement et silencieusement à trente mètres au-dessus de la tour. Puis on laissa échapper par le nez une tonne d’eau qui servait de ballast. L’appareil s’éleva à cent cinquante mètres et demeura horizontal, se comportant comme prévu. Le câble d’amarrage fut alors lentement enroulé. Le nez pencha vers le sol, s’approcha du bras de la tour et s’y accoupla. Un autre rugissement d’approbation s’éleva de la foule. Au sol, la police était dépassée. La route de Cardington à Bedford s’était transformée en parking. I.es unes après les autres, les stations-service alentour arborèrent des signes  Plus d’es-sence N. La circulation demeura bloquée pendant deux heures. Le R-101 était enfin prêt pour son vol inaugural, qui s’effectue-rait peut-être le lendemain.
Quelques semaines avant que le R-101 sorte de son hangar, d’autres nouvelles alarmantes furent transmises à Emilie par la voix d’Uvani, lors d’une session avec Eileen Garrett :
 Je ne crois pas que ces dirigeables puissent supporter les
conditions climatiques, dit Uvani, qui était censé parler au nom de Raymond Hinchliffe. Ils n’ont pas de résistance suffisante au vent. Ils devraient à peu près bien fonctionner jusqu’à ce qu’ils atteignent une certaine altitude. I1 se produit une certaine combinaison avec l’hydrogène qui affaiblit les tissus où est emmagasiné le gaz de combustion. I1 se produit toutes sortes de blocages à partir d’une certaine altitude ; on ne peut y remédier. Ces dirigeables ne peuvent fendre l’air, et les enveloppes de gaz attirent les courants. Le voyage inaugural du R-101 se passera peut-être bien. I1 se peut que tout aille bien pour un temps ; mais il y a sûrement un grand risque.
Son mari paraissait agité et anxieux de transmettre le message. Emilie avait du mal à tout transcrire, et ne put prendre tous les mots correctement. _ Le ton de la communication était pressant, mais l’urgence même semblait rendre les phrases moins intelligibles. La jeune femme écrivit aussi diligemment qu’elle le put, tout en sachant que le message était confus. Ce qui ressortait était l’intensité de la mise en garde, plutôt que la précision des données techniques. Gordon Sinclair et John Morkham tombèrent d’accord que les détails techniques avaient été de meilleure qualité lors des précédentes sessions enregistrées par Emilie. Morkham se souvenait avoir accompagné la jeune femme à un rendez-vous avec un membre officiel de la Société britannique de recherche psychique qui avait l’intention d’entreprendre une étude appro-fondie de l’affaire Hinchliffe.
Tout comme Harry Price, la Société passait autant de temps à dépister les médiums frauduleux ou incompétents qu’à expéri-menter et à étudier les phénomènes spirites authentiques.
Dans le rapport qu’il écrivit à la suite de sa rencontre avec Emilie et Morkham, Charles Hope, l’investigateur de la Société, écrivit :  Ce qui m’a le plus frappé, lors de ma première entrevue avec Mme Hinchliffe, fut la présence à son côté du capitaine J. P. Morkham, attaché à l’aérodrome de Croydon. Cet officier était un grand ami du défunt capitaine Hinchliffe, et il paraissait aussi convaincu que M‘ " e Hinchliffe de la réalité de ces  messages , du fait, en particulier, du caractère technique de certains de ces H messages , alors que ni M " ’e Hinchliffe ni le médium, à ce qu’il semblait, n’avaient de connaissances en la matière. H
Pourtant, Morkham se montrait toujours très critique lorsqu’il
160 161
examinait les données contenues dans les transcriptions. Mais,
au fil des interventions, son scepticisme avait graduellement fait
place à une acceptation presque totale.
C’est le caractère pressant de la dernière mise en garde que
remarqua Morkham. L’urgence pouvait avoir tronqué ou faussé
une partie du message, surtout qu’il était transmis par l’intermé~
diaire d’un médium sans connaissances techniques. Cependant,
Sinclair et lui conseillèrent finâlement à Emilie de voir immédia-
tement Johnston.
Emilie réfléchit, hésita, puis décida d’aller d’abord voir Conan
Doyle. Bien qu’il ne fût pas alors en très bonne santé, celui-ci
écouta attentivement Emilie lui parler des messages. II examina
la transcription en clair de la séance et fut si frappé qu’il résolut
d accompagner Emilie à Cardington sans tarder.
Ils parvinrent à rencontrer le chef d’escadron Johnston durant
la longue période d’attente qui précéda le moment favorable à la
sortie du R-101 de la prison de son hangar.
Johnston connaissait bien Emilie, puisqu’il avait été proche de
Hinchliffe. I1 avait lu Sherlock Holmes ; Doyle n’était donc pas
non plus un étranger pour lui. Il les reçut donc cordialement, les
écouta, les remercia de leur visite, et leur assura que chacun
prenait toutes les précautions possibles et imaginables pour que
1 aéronef soit sans défaut. I1 les raccompagna jusqu’à la sortie, et
les remercia encore de leur visite en prenant congé d’eux.
A la suite de cette visite sans résultat, Emilie retourna le jour
suivant voir Eileen Garrett pour tenter d’obtenir des renseigne-
ments plus détaillés. Elle était prête à tout essayer pour prévenir
un désastre possible, même si personne ne la croyait.
Un nouveau message lui parvint presque immédiatement :
 Johnston ne vous écoutera pas, dit Hinchliffe par l’entre-
mise d’Uvani. Vous découvrirez qu’il s’est déjà penché sur ces
questions. D’après ce que je sais, la conception même du
dirigeable est erronée et ne sert qu’à gaspiller de l’argent. Ces
appareils ne sont pas pratiques. Johnston pense que l’aéronef est
fiable, mais je suis très sceptique. Même s’il n’arrive rien
pendant le voyage inaugural, le dirigeable ne durera pas.
Emilie demanda à Hinchliffe de confirmer qu’il parlait bien du
,g q g,q
R-101. Oui, il s a issait bien du R-101, indi ua le messa e ui
répéta qu’il ne se passerait sans doute rien lors du voyage
inaugural. Mais il conclut :  I1 y aura un accident. J’cn ai parlé
à I.eslie Hamilton, et il est d’accord avec moi. ,
160

Leslie Hamilton était un ami de Hinchliffe, qui avait été tué en
août 1927, lors d’une tentative de traversée transatlantique. Cette
fois encore, son mari mentionnait une de ces étranges rencontres
qu’il faisait dans ce monde de l’au-delà, à la fois si prosaïque et si
différent. L’esprit pratique de la jeune femme avait du mal à
accepter cette conception de l’au-delà.
Elle essaya d’abandonner l’idée de mettre de nouveau Johnston
en garde, mais elle n’y parvint pas. Elle effectua donc un autre
voyage à Cardington. C’était le 12 octobre, la veille du jour où la
foule vit enfin l’aéronef sortir lentement de son abri. Cette visite
connut le même échec. Johnston lui tapota l’épaule, la remercia
de l’intérêt qu’elle portait à l’entreprise, exprima sa gratitude et
retourna aux détails de navigation concernant le voyage inau-
gural.
Le 14 octobre 1929, à l’heure du déjeuner, Herbert Haseltine,
un sculpteur animalier bien connu, se trouvait à son club, en
train de savourer une perdrix finement cuisinée. Tout à coup, l’un
des membres se leva d’un bond et se précipita à l’une des
fenêtres. Le reste des convives le suivirent. Le pâle soleil, le plus
souvent caché par les nuages, se révéla pour faire briller le R-IOI
qui, silencieux et majestueux, survolait paresseusement I.ondres.
Les convives restèrent bouche bée devant -ce spectacle, et la
perdrix refroidit dans l’assiette du sculpteur.  Crénom ! , s’écria
celui-ci, K il ressemble tout à fait à une truite !  Les spectateurs
approuvèrent.
Par milliers, les Londoniens se précipitèrent dans la rue et sur
les toits pour contempler l’aéronef qui traversait le ciel. Venant
du nord, contrant un fort vent du sud-ouest, celui-ci fit le tour de
Westminster, puis descendit la Tamise jusqu’à la vieille ville. I1
se déplaçait avec grâce mais très lentement. On n’entendait pas le
bruit des moteurs. Pendant une demi-heure, les Londoniens,
bouche bée, excités et admiratifs, contemplèrent le spectacle.
A bord du R-l Ol, les quatorze invités et quelques-uns des cinq
officiers et des trente-trois hommes d’équipage rassemblés sur le
pont d’observation regardaient les foules grouillant comme des
fourmis dans les rues, les jardins et les squares. Les moteurs
étaient remarquablement silencieux. De l’aéronef, on pouvait
entendre les sifflets des navires, des remorqueurs sur la Tamise
et, bientôt, ceux des locomotives, qui, tous, saluaient le
dirigeable. Au-dessus de Trafalgar Square, ils virent une mer de
visages levés vers eux.
161

Cw pilotes musagen de l’au-delà. 6.



176 177
solution de caoutchouc qui avait réagi chimiquement avec l’enduit et produit cette incroyable détérioration.
 Qu’est-ce que vous pensez de tout cela ? demanda Booth.
 Croyez-vous qu’ils aient enlevé toute cette saloperie ? s’enquit Shute.
 Je n’en sais rien, répondit Booth, ils me disent l’avoir fait.


Emilie Hinchliffe, attristée par la mort de Conan Doyle, frustrée par l’échec de ses deux visites à Johnston, le navigateur, destinées à le mettre en garde, se consacra plus complètement à ses enfants et à quelques conférences occasionnelles sur son expérience. Elle ne divulgua jamais publiquement les sombres prédictions sur le destin du R-IOl qui lui avaient été transmises. Elle refusait toujours d’être rémunérée et gardait avec soin le pécule donné de si mauvaise grâce par Inchcape. La jeune femme décida d’écrire un court récit sur son expérience de ses communications avec son mari décédé ; mais elle se trouva en butte aux pressions de sa famille et des amis. Ceux-ci insistaient pour qu’elle ne divulgue pas les détails intimes et personnels de sa vie privée et de ses difficultés financières, ni sa relation avec le destin du R-101. Malgré ces restrictions, Emilie pensait pouvoir dévoiler suffisamment de faits pour convaincre nombre de gens de la réalité de la continuité de la vie après la mort.
A mesure qu’approchait la date du voyage historique vers l Inde, Emilie continuait de recevoir, à travers Eileen Garrett, des messages de plus en plus pressants, censés provenir de son mari. L’un d’eux disait : K Moi, je n’étais plus si lourdement chargé et j’avais quelque espace libre lorsque j’ai rencontré la tempête ; et pourtant, je n’ai pu y résister. Que peuvent-ils donc espérer quand le temps se détériorera et qu’ils sauront qu’ils piquent droit sur la tempête ?  Emilie savait qu’il était inutile d’essayer de voir Johnston une troisième fois. Elle en abandonna l’idée contre son gré, et pria pour que les mises en garde parviennent d’une manière ou d’une autre à Johnston ou à d’autres membres de l’équipe du R-I01. Eileen Garrett était elle-même très troublée lorsque, après les séances, elle apprenait la signification des communications. En effet, les messages rejoignaient de manière frappante ses trois visions de dirigeables en flammes au-dessus de Londres. Elle n’en avait parlé à personne, les ayant prises pour des  faiblesses hallucinatoires . Elle ne comprenait toujours pas comment son esprit trouvait ces images et les projetait de manière si saisissante sur une sorte d’écran intérieur. Et comment un esprit pouvait-il recevoir les images d’un autre sans l’aide consciente des sens normaux ?
C’est à la religion et au sentiment, écrivit-elle plus tard, qu’a été dévolu le soin de prouver l’existence de l’esprit intellectuelle-ment ; mais ni l’un ni l’autre ne tracent clairement le chemin d’une survie qui soit acceptable selon les critères scientifiques. Je vis dans un monde rempli de phénomènes de nature transcendentale, qui ne semblent pas permettre qu’on les ignore, mais ne cessent d’agir comme une force directrice. J’ai laissé ces phénomènes ouverts à la spéculation, mais j’ai dans l’idée que ce domaine, bien évidemment discrédité par ceux qui n’en connais-sent pas la nature, appartient au travail intérieur de ce que nous appelons " l’esprit " - et qui reste à explorer. H Suivant le penchant de son esprit pour les explications rationnelles, Eileen était disposée à croire que ses trois  faibles-ses hallucinatoires  des aéronefs en flammes n’avaient été rien d’autre qu’une évocation inconsciente résiduelle des attaques de zeppelins dont elle avait été témoin à Londres, pendant la Première Guerre mondiale. Cela, elle pouvait l’accepter, car c’était une explication rationnelle de trois événements irration-nels qui étaient franchement terrifiants. Cependant, les séances avec Emilie Hinchliffe avaient intro-duit un nouvel élément troublant, tout en lui apportant un certain soulagement. Les messages qui semblaient provenir du capitaine Hinchliffe semblaient confirmer en détail ses  faiblesses hallu-cinatoires . Mais il était horrible de penser qu’un accident était sur le point de se produire et qu’elle était impuissante à le prévenir. Son pouvoir de médium ébranlait constamment la stabilité de son esprit. La seule analyse qu’elle pouvait en faire présumait l’existence d’une certaine périodicité rythmique qui forçait les apparitions à se révéler, avec accompagnement d’une imagerie persistante ; cela lui conférait une conscience d’événe-ments psychiques qui allaient se produire.
Mais aucun élément de cette analyse ne lui apportait le
moindre réconfort vis-à-vis des événements en passe de se
réaliser. Ainsi qu’elle l’expliqua à Emilie, une a imprégnation
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psychique de certitude  s’empara d’elle. Elle savait maintenant qu’un désastre allait s’abattre sur le R-101. Mais comment pourrait-elle l’expliquer logiquement ? Plus les gens la question-naient sur une révélation qu’elle était en mesure de faire, moins elle pouvait l’expliquer. La certitude d’un désastre imminent, qui avait grandi en elle, l’obligeait à tenter au moins de rr;ettre quelqu’un en garde, malgré l’échec qu’avait essuyé Emilie avec le chef d’escadron Johnston.
Par coïncidence, une occasion se présenta à la mi-septembre, une semaine environ avant la date à laquelle était prévu le départ du R-101 pour l’Inde. Eileen assistait à une soirée à laquelle Auriol Lee, une amie proche, était également invitée. Auriol était une actrice éminente ; elle faisait aussi des mises en scène à Londres et à New York. En outre, elle était une amie de longue date de Sir Sefton Brancker qui devait assister à cette même soirée. Eileen s’ouvrit à Auriol Lee. C’était la première fois qu’elle révélait sa préoccupation à quelqu’un d’autre. Peut-être Auriol pourrait-elle indirectement et discrètement mettre en garde Sir Sefton dont les attributions officielles requéraient qu’il fît partie du vol vers l’Inde. Eileen ne voulait pas aborder un sujet aussi délicat directement avec Brancker, puisqu’il lui était impossible de justifier son inquiétude de manière objective. Elle se sentait déchirée. Ne rien dire semblait aussi irresponsable que de rendre publique son appréhension.
Auriol n’hésita pas. Elle alla quérir Sir Sefton et l’amena près d’Eileen installée dans un coin tranquille de la pièce. Et la jeune femme lui raconta ses trois visions prémorlitoires et les mises en garde répétées du capitaine Hinchliffe. Elle parla avec réti-cence; mais il fallait le faire.
Sir Sefton ajusta son monocle et rit nerveusement. n Avez-vous une idée de quel aéronef iI s’agit ?  demanda-t-il.
 Du R-101, répondit immédiatement Eileen.
 Celui-là même qui s’apprête à partir pour l’Inde, dit-il. Je serai à bord. J’espère que vous n’avez fait que rêver à un événement passé. Je me suis engagé à partir avec Lord Thomson et les autres.
 Je voudrais bien pouvoir dire autre chose, dit Eileen. N’y a-t-il aucun moyen de remettre ce voyage ?
 Nous nous sommes engagés, dit Brancker.
Ils discutèrent encore. Etait-ce véritablement des phénomènes précurseurs ? Ne s’agissait-il pas plutôt d’impressions d’événe-ments passés qui, tout à coup, surgissaient dans la mémoire, tel l’accident du R-38 qui s’était disloqué au-dessus du fleuve Humber ?
Eileen ne pouvait rien répondre. Elle avait fait ce qu’elle croyait devoir faire. Elle ne pouvait pas plus. Elle n’aimait pas faire porter par d’autres le poids de sa propre inquiétude, mais elle n’avait pas eu d’autre choix. Elle ne blâmerait pas Brancker s’il ne tenait pas compte de ses prémonitions. Elle savait qu’Emilie n’avait pu se faire entendre lors de ses deux visites à Cardington. Mais le sentiment d’un désastre imminent grandissait en elle et l’oppressait.
238. 239
 .y
conflit n’était pas porté à la connaissance de la Commission. Et
qui le ferait ?
C’est le 28 octobre au matin que cette Commission commença
sa longue enquête. Trois semaines à peine s’étaient écoulées
depuis la catastrophe et la séance de spiritisme au cours de
laquelle le capitaine Irwin s’était manifesté à Harry Price et Ian
Coster - intervention que Villiers ignorait évidemment. La
première réunion plénière de la Commission revêtit une allure
solennelle. Elle se tint dans le bâtiment couronné de tours du
palais de justice royal de Londres. Sur l’un des côtés de la salle
,
un modèle réduit de belle taille du R-101 se balançait à ce qui
ressemblait fâcheusement à une potence. On allait souvent avoir
l’occasion de se tourner vers ce modèle au cours des jours à venir.
L’une des tâches de Villiers serait de montrer les différentes
positions de l’aéronef tandis que les quelques survivants tente-
raient de décrire, devant ls Commission, les divers incidents dont
l’ultime voyage avait été émaillé.
Villiers avait également fait diligence pour être prêt à fournir
tous les renseignements et les illustrations de nature non
technique susceptibles de permettre à Sir John Simon et à ses
conseillers de mieux comprendre les explications qui leur
seraient fournies sur ce qui avait bien pu se produire pendant
cette malheureuse traversée.
Pourtant, le major se sentait mal à l’aise en ce début d’enquête
 et il n’était pas le seul. On chuchotait un peu partout que le
ministère de l’Air était en train d’essayer d’étouffer l’affaire. Sir
John Simon avait bien demandé tous les documents, secrets ou
non, importants ou banals, se rapportant au R-101, ajoutant
même que les hautes personnalités des ministères de l’Air et des
Finances seraient tenues responsables de la bonne exécution de
cet ordre. Or, Villiers était convaincu qu’il existait des dossiers
compromettants dans ces deux administrations. Des documents
seraient-ils soustraits afin d’éviter un scandale ? Lesquels allaient
disparaître ? Simon voulait connaître toute la vérité, de cela le
major en était persuadé. En revanche, il doutait fort que l’état-
major Thomson et les autres responsables fussent, eux, prêts à
fournir ce qui permettrait d’aller au fond de cette affaire.
Deux hommes, placés à des postes clefs, étaient à même
d’aider les enquêteurs à faire toute la lumière : Benjamin
238

Roberts l, bras droit de Lord Thomson et chef de son état-major,
et Franklin Noble 2, qui remplissait les mêmes fonctions auprès
de Colmore. Ces deux personnes avaient été parmi les dernières à
franchir la passerelle de l’aéronef avant son départ pour l’Inde
;
elles avaient assisté à la réunion de dernière minute qui s’y était
tenue. On savait, en effet, que le commandant de bord et ses
officiers avaient eu une sérieuse discussion avec Lord Thomson,
Sir Sefton Brancker et Richmond, le concepteur, alors que le
dirigeable, prêt à partir, se balançait encore au bout de son
amarre. Seuls survivants de cette réunion, Ies deux adjoints,
Roberts et Noble, étaient, bien évidemment, les seuls capables
de témoigner de ce qui s’y était dit. La décision de partir avait-
elle été discutée ou même remise en question au dernier
moment ? Avait-on examiné les derniers rapports météorologi-
ques ? Ceux qui conrernaient l’état du dirigeable ? Avait-on parlé
de l’attitude des officiers et de l’équipage?
Villiers aurait bien souhaité faire confiance à ces deux
hommes. De par leurs positions, ils étaient tous deux en mesure
de contribuer grandement à étouffer tout scandale, s ils le
désiraient. Or, selon le major, il était dans leur intérêt de le faire.
Noble était un ambitieux, attentif à toujours se trouver du côté du
manche. Il avait la réputation de faire totzt ce qui pouvait
favoriser sa carrière, sans voir au-delà. Quant à Roberts, il était
tout à fait acquis aux idées de feu I.ord Thomson ; on ne pouvait
compter sur lui pour fournir volontairement quelque information
que ce fût, susceptible de mettre en valeur l’insistance déraison-
nable de Thomson ; il avait probablement poussé lui-même pour
que le R-101 accomplisse le périple de l’Inde avant la fin des
travaux de la Conférence impériale. Si la vérité devait voir le
jour, il serait bien étonnant, pensait Villiers, que ce fût grâce aux
renseignements fournis par ces deux hommes.
Les travaux de la Commission d’Enquête débutèrent à petite
vitesse. On établit la procédure des séances, puis la liste des
témoins cette dernière fut ensuite rendue publique. Elle
comportait quarante noms, du général de l’armée de l’Air, Lord
Dowding, jusqu’au braconnier Roubaille - tous ceux qui, de
près ou de loin, avaient été mêlés au désastre. Comme Villiers


240 241
 ,y
l’avait prévu, Roberts et Noble faisaient figure de témoins de
première importance à cause de leur connaissance intime des
affaires de Lord Thomson et de Colmore. L’assesseur et conseiller
principal de Sir John Simon, un certain L.F.C. Darby, était
évidemment appelé à jouer un rôle considérable de par sa
fonction ; c est à lui, en effet, que revenait le devoir de maîtriser
l’affaire dans tous ses détails et de guider les travaux de la
Commission. Et dans l’esprit de Darby, les témoignages des six
survivants ne pouvaient manquer d’influencer les conclusions de
l’enquête.
I1 ne se passa pas grand-chose durant les quatre premiers
jours. La Commission avait décidé que chaque séance serait
consacrée à des sujets bien définis tels que l’histoire de l’aéronef
sa conception, sa construction, ses moyens de propulsion, ses
sacs de gaz et ainsi de suite, méthodiquement. C’était logique et
ennuyeux mais indispensable. La Commission examina donc
chaque aspect de l’affaire sans entrer immédiatement dans le
détail des événements qui avaient précédé le désastre. Ainsi, on
ne put se faire aucune image d’ensemble durant cette première
semaine. Villiers n’apprit pas grand-chose de neuf et, au
quatrième jour, le vendredi 31 octobre, il se rendit compte que
l’enquête n atteindrait pas le coeur du sujet avant la semsine
suivante.
A la fin de cette dernière séance de la semaine, Villiers revint
à son bureau, situé dans la Gwydyr House à Whitehall, afin de se
préparer à l’entrevue qu’il devait avoir ce même soir avec Eileen
Garrett. Il se munit de plusieurs crayons et d’un bloc-papier. I1 ne
pratiquait évidemment pas la sténo, mais il savait prendre des
notes rapides et détaillées. Servi de plus par une mémoire
particulièrement fidèle et précise, le major se sentait capable de
rendre compte avec exactitude de ce qui se passerait. Encore
fallait-il qu’il se pssse quelque chose !
I1 était résolu à aborder cette séance de métapsychisme sans
préjugé et avec l’esprit ouvert et disponible. Sa seule crainte était
que, d’une manière ou d’une autre, Eileen Garrett apprenne son
identité ou le fait qu’il travaillait au ministère de l’Air. Pourtant
.
il faisait tout à fait confiance au général de brigade Sorsby : il
savait que celui-ci, lorsqu’il avait pris rendez-vous pour lui,
s’était entouré de toutes les précautions possibles pour préserver
son anonymat.
L’appartement de M "’ Garrett se trouvait à Piccadilly, près de
240

l’Aéro-Club Royal, un quartier que Villiers connaissait donc fort
bien. Se rendre chez le médium représentait une promenade très
agréable à travers le St.James Park, par la Lancaster House et le
Palais St.James. Le major arriva à dix-neuf heures précisés, et,
le coeur plein d’espoir, appuya sur la sonnette de l’appartement.
Eileen Garrett le reçut cordialement et l’invita à s’asseoir en face
d’elle près de la cheminée. La pièce était accueillante et meublée
avec goût à l’image de la jeune femme.
Le major n’avait rendu visite à un médium qu’une fois dans sa
vie; il y avait bien longtemps de cela et il se demandait comment
on allait procéder. Eileen lui parla brièvement d’Uvani et de son
rôle d’intermédiaire, s’effaçant pour laisser les autres s’exprimer
ou parlant en leur nom. Villiers sortit son bloc-notes, s’installa
confortablement pour écrire et attendit. La jeune femme com-
mença à respirer profondément, les yeux fermés, le corps
détendu.
Le capitaine Irwin allait-il vraiment se manifester ? Le pour-
rait-il ? Repensant à cette soirée, seul devant la cheminée de sa
maison de Hertfordshire, Villiers se dit, de nouveau, qu’il avait
peut-être imaginé la voix d’Irwin, son inquiétude et son ton
pressant.
Le silence, rythmé par la forte respiration du médium, dura de
longues minutes. Et, tout à coup, la voix d’Uvani se fit entendre
,
claire et distincte. Ce qu’il disait, en revanche, n’avait guère de
sens. Quelles qu’étaient les personnes qui essayaient de commu-
niquer, Villiers ne les connaissait pas du tout. Crayon en main, il
écoutait attentivement, mais il n’y avait rien pour lui d’intéressant
à noter.
Près d’une demi-heure s’écoula ainsi. Toutes sortes de person-
nes inconnues faisaient passer des messages qui ne signifiaient
rien pour Villiers. Celui-ci commença à se décourager et se
demanda s’il ne ferait pas mieux de réveiller Eileen.
Puis, il y eut un long silence que rompit de nouveau la voix
d’Uvani : K Je suis désolé de n’avoir pu entrer en contact avec des
personnes désirant se mettre en rapport avec vous. Je crains qu’il
soit inutile de continuer plus longtemps. 
Le major était déçu, mais il n’ignorait pas que même les
meilleurs médiums n’étaient pas toujours capables d’établir des
contacts. I1 essayerait sans doute une autre fois. I1 était alors
19 h 30 environ. Un lourd silence régnait de nouveau dans la
pièce. Puis, une voix extrêmement ténue sembla résonner dans la243 gorge du médium. Presque aussitôt après, Uvani se fit entendre de nouveau très clairement. On eût dit qu’il tentait de répéter ce qu’avait dit le mince filet de voix :
 Irwey, Irwey... (puis, plus fort) Irwing, Irwin. Ne t’en va
pas, je t’en prie. Reste. I1 faut que je parle.
Villiers ressentit un choc. I1 ne s’y attendait plus. Pourtant, il
se mit aussitôt à prendre des notes.  Je suis bien content que tu
sois venu , dit-il tout en écrivant.
La voix d’Uvani se mit à déverser un flot de renseignements et
d’indications. Puis, le ton changea et se mit à ressembler de plus
en plus à la propre voix d’Irwin. Bien qu’Uvani revînt de temps en
temps, c’est l’intonation, le débit rapide et saccadé de la voix
d’Irwin qui se mit à prédominer. Elle sautait soudainement d’un
sujet à un autre, mais Villiers lui posait des questions et la voix y
répondait comme s’il s’agissait d’une conversation banale. Le
major était si absorbé, tant par la présence de cette voix que par
le sujet, qu’il en oubliait presque qu’il parlait à un mort par
l’intermédiaire d’un médium.
Et c’est ainsi qu’il apprit, dans son entier, l’histoire des
dernières heures du R-101, contée la plupart du temps par ce qui
semblait bien être la propre voix d’Irwin. Villiers écrivait aussi
vite qu’il pouvait les points les plus importants ; il comptait sur
son excellente mémoire pour remplir les blancs, tout en sachant
bien que de nombreuses erreurs de détail se glissaient inévitable-
ment dans son compte rendu. I1 était émerveillé par cette
narration assez cohérente formulée sans hésitation par cette voix
venue d’une femme endormie. Les explications paraissaient
logiques et compréhensibles et Villiers regrettait amèrement de
ne pas savoir prendre en sténo.
La séance dura environ une heure. La voix qui semblait être
celle d’Irwin finit par dire :
 Ça suffit maintenant. Mais il faut que tu reviennes bientôt.
Scottie et Johnston disent qu’ils veulent venir et eux aussi te
raconter leur propre histoire. Cela les aidera. Reviens vite. Merci
,
de m avoir écouté, entendu. Reviens vite, surtout, reviens vite...
La voix du capitaine Irwin - ou celle d’Uvani, ou d’Eileen
Garrett, suivant la façon dont on considérait cette séance à peine
croyable - s’éloigna lentement. Peu après le médium battit des
paupières et ouvrit les yeux. Elle ne semblait savoir ce qui s’était
passé. Malgré son enthousiasme, Villiers s’abstint de tout
commentaire. Non seulement il ne voulait pas révéler son identité

ni ses fonctions au ministère de l’Air, mais il ne voulait pas non
plus risquer de lui donner des idées ou de l’influencer de quelque
manière que ce soit avant la prochaine séance. Toutefois, il
l’assura que les renseignements qu’il avait obtenus par son
intermédiaire étaient d’une importance capitale.
Eileen dit qu’elle avait vaguement conscience qu’il s’agissait
du R-101. Villiers le lui confirma et, sans en dire plus, demanda
s’il pouvait la revoir. Bien qu’elle se préparât à partir pour les
Etats-Unis, la jeune femme accepta de le revoir le surlendemain
soir et d’autres fois encore, si cela s’avérait nécessaire.
Tant de travail l’attendait au ministère de l’Air le lendemain
que ce n’est qu’à midi qu’il trouva le temps de relire ses notes et
de les mettre au clair. I1 se félicita encore de son. excellente
mémoire qui l’avsit si bien servi durant la guerre. La séance avait
pris l’allure d’une conversation, ce qui n’était pas facile à
reconstituer, d’autant qu’il s’était produit de brusques change-
ments de sujet. Cependant, il se trouva à même de remplir les
blancs presque mot pour mot, tout en faisant très attention de ne
rien ajouter à ce qu’il avait distinctement entendu durant la
séance.
Quand il eut fini, il lui apparut qu’il était parvenu à
reconstituer fidèlement ce qui s’était passé, bien qu’il eût souvent
perdu pied lorsque les questions techniques avaient été abordées.
Le major se cala dans son fauteuil pour relire d’une traite la
transcription qu’il venait d’effectuer. Et, cette fois encore, il
s’émerveilla de ce qui s’était passé.

UvANI (ressemblant un peu à Irwin vers la fin de la phrase).-
Irwey, Irwey... (puis, plus fort) Irwing, Irwin. Ne t’en va pas, je
t’en prie. Reste. Il faut que je parle.
Vir..uERs. - Ne t’en fais pas, mon vieux, je suis là. Et je suis
bien content que tu sois venu.
Uvnntl. - Je vois un homme, plutôt mince. I1 vous entoure les
épaules de son bras et laisse aller sa tête contre vous. Il a l’air
épuisé.
IewIN. - Nous avons tous l’impression d’être des assassins
C’est affreux, mon vieux ! Affreux. Nous aurions dû dire non.
Refuser.
VILLIErts. - MalS non, vieille branche, ce n’est pas comme ça
qu’il faut voir les choses. Toi et les autres, vous avez agi au mieux
étant donné les circonstances. C’est ça qui compte. Vous avez fait
















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