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Pour Julien : les fossiles, les symbioses, les oiseaux


Posté par Platecarpus , Jun 19,2002,15:24 Index  Forum

> Vous pouvez continuer à me le répéter 100 fois, ça ne change pas le fait que les experts, eux, ne s’entendent pas sur ce point.

Majoritairement, si. Dans toutes les disciplines, vous pouvez trouver quelques chercheurs marginaux qui ne sont pas d'accord avec l'orthodoxie.
De plus, ces chercheurs ne contestent absolument pas la prédominance des caractères reptiliens chez Archaeopteryx : ils ne le peuvent pas, et vous non plus. Il s'agit donc bel et bien d'une forme de transition.

Encore une fois, vous pouvez accumuler autant que vous voulez les citations, les noms d'expert et les affirmations. Cela n'a pas valeur d'argument. Regardez le fossile lui-même, et essayez de trouver un moyen de contester son statut de forme transitoire : là, la discussion se fera sur des bases plus sérieuses.

> L’Archæoptéryx est formé pour voler, c’est un consensus.

Vous prenez un raccourci très simpliste. Il serait plus exact de dire : "L'Archaeopteryx était fait de telle manière qu'il pouvait voler, mais nettement moins bien que les oiseaux actuels" : on a même cru un temps qu'il ne pouvait guère que planer, mais des études biophysiques ont montré qu'il avait quand même une aptitude (très faible) au vol battu.

>Le fait qu’il ait des caractères reptiliens ne fait PAS de lui une transition. Les mammifères ont des caractères reptiliens!

Le problème, voyez-vous, c'est qu'Archaeopteryx est à 70 % (au moins) un reptile. Anatomiquement, c'est un dinosaure.

La conception créationniste du monde vivant est typologiste. Dans cette idée, chaque taxon correspond à un "type" immuable fixé de toute éternité. Dans cette optique, les types ne devraient pas s'interpénétrer. Des mosaïques curieuses, des caractères intermédiaires, ne devraient pas exister. En revanche, la théorie de l'évolution prédit l'existence de ce type d'organismes. Et que constate-t-on ? Qu'ils existent bel et bien !

> Des ressemblances anatomiques peuvent s’interprétées d’un point de vue créationniste aussi : Si tous les êtres vivants respirent le même air, sont exposés à la même pression atmosphérique, se nourrissent des mêmes aliments, il est normal de voir des ressemblances anatomiques. Le créateur ne réinvente pas la roue des millions de fois.

Si on veut (encore que l'on puisse s'interroger sur les motivations du créateur qui réinvente l'aile trois fois, la nageoire plus de cinq fois, les insectes sociaux trois fois, etc., là où une aurait suffi, et ne fait même pas l'effort de doter des animaux aussi différents qu'une baleine, un homme et une chauve-souris de structures distinctes... mais il serait stérile de s'étendre sur ce point), mais plaçons-nous au niveau du débat sur l'évolution : il existe bien des organismes pouvant être considérées comme des formes intermédiaires, et ce entre chaque groupe. Après, on peut jouer sur les mots autant que l'on veut - appeler l'Archaeopteryx "oiseau avec des caractères reptiliens", "reptiles avec des caractères aviens" ou "tarte aux pommes avec des caractères de vertébré" - cela n'empêchera pas que les "types" que le créationnisme considère n'existent pas.

> Dans cette espèce, pour que l’impact de cette modification puisse être réelle, elle doit donner un avantage quelconque aux individus qu’ils l’ont.

Pas forcément. Les études sur l'évolution génétique des populations basées sur la théorie des probabilités démontrent le contraire à la fois théoriquement (avec des calculs) et en pratique. Mais poursuivons.

>Cela pour que ces « mutants » deviennent nombreux, très nombreux...
Non, pas forcément

> et puissent, par un brassage génétique énorme, donner des individus avec des plumes mutantes, plus longue par exemple.

Cela ne nécessite pas qu'il existe un nombre énorme d'individus ayant hérité de la mutation. Il doit en exister un nombre conséquent, je l'admets, pour que de nouveaux mutants encore plus perfectionnés dans ce sens puissent finir par apparaître ; mais, si les mutations sont relativement rares, elles sont infiniment plus fréquentes que la fossilisation.
Les mutants de chaque stade intermédiaire (il y en a apparemment, d'après les études génétiques sur la formation des ailes, eu très peu) ont pu ne pas se fossiliser. Chaque stade a pu correspondre à très peu d'individus : encore une fois, dès que l'engrenage sélectif est en marche, comme l'ont montré des calculs de génétique des populations (prenant en compte la dynamique de l'évolution génétique et la fréquence des mutations de différents types), les choses peuvent aller très vite. Bien plus vite que le rythme, lent et capricieux, auquel se constituent les archives géologiques (ce raisonnement ne s'applique évidemment qu'à des modifications de quelques organes ne nécessitant pas un nombre énorme d'étapes intermédiaires : quand celui-ci devient trop important, on en retrouve nécessairement quelques-unes dans les roches).

>Parallèlement à tous ça, des mutations génétiques doivent changer les pattes, le système respiratoire, toute la morphologie quoi.

Eh bien non, justement. Archaeopteryx avait un système respiratoire semi-reptilien, des pattes reptiliennes, et il volait. Les mutations génétiques ne "doivent" pas tout changer en même temps pour que "ça marche". La complexité des oiseaux n'est pas irréductible.

>Si vous me dites de votre côté que les oiseaux ont évolué des reptiles rapidement, ne laissant pas de trace dans le registre fossile, et bien je vous dirais que vous ne faites que vous trouvez des excuses.

1°) Je ne dis pas cela. Les formes intermédiaires ont laissé des fossiles, et bien plus nombreux que le simple Archaeopteryx. Je les ai déjà citées dans un autre message : dinosaure à plumes dépourvu de toute aptitude au vol, reptile ressemblant à un oiseau très primitif (c'est l'Archaeopteryx), oiseau plus proche des formes actuelles mais reptilien dans son anatomie (Iberomesornis), oiseaux quasi-identiques aux espèces contemporaines mais conservant de nombreux caractères reptiliens (Enantiornis, Ichtyornis, et j'en passe...) Il est impossible de contester le statut transitoire de ces fossiles.
2°) Les progrès en biologie ces dernières années ont montré que certains changements évolutifs n'avaient _pu_ être _que_ géologiquement très rapides (parce qu'ils ont nécessité très peu de mutations, ou, tout autre cas de figure, n'ont pu s'imposer que lors de courts épisodes de spéciation). Dans les deux cas, la transition n'a pu être fossilisée : soit parce qu'elle était simplement inexistante (les gènes de régulation de types gènes à homéoboîte ont pu faire émerger des innovations morphologiques majeures en peu de mutations), soit parce qu'elle a été représentée par un nombre ridiculement bas d'individu (c'est la mécanique de la spéciation : les changements génético-chromosomiques importants se répandent généralement dans de petits isolats de population, plutôt que dans les vastes espèces).
Ce schéma ne s'applique pas à l'apparition de nouveaux plans d'organisation, comme le passage des reptiles aux oiseaux : ce type de grands bouleversements se fait nécessairement en plusieurs étapes, qui sont conservées dans les archives fossiles. Mais des innovations morphologiques moins élaborées (transformation des nageoires des Crossoptérygiens (poissons) en ébauches de pattes) ou, tout simplement, l'apparition de nouvelles espèces présentant de légères différences morphologiques avec leur ancêtre, s'expliquent par ce type de processus. Il ne s'agit ni d'une excuse, ni d'un rafistolage précipité de la théorie de l'évolution pour passer l'épreuve du registre fossile : ces données reflètent des prédictions de la biologie de l'évolution telle qu'on a pu la connaître par l'observation des organismes contemporains. Les fossiles les confirment : il n'y a généralement pas de formes transitoires là où la théorie de l'évolution prédit, justement, qu'on n'en trouvera pas. En revanche, là où il doit y en avoir (toujours selon la théorie) - c'est à dire entre groupes plus vastes que les espèces - les archives fossiles en contiennent effectivement.

Evidemment, il est toujours facile (surtout quand on bénéficie d'une théorie aussi simple que le créationnisme) de jouer sur les nuances de sens des mots "formes transitoires", "discontinuités", "innovations", etc. Mais la réalité n'est pas réductible à un effet de rhétorique : elle est bien plus complexe, bien plus difficile à saisir et à décrire que nos discours. C'est pourquoi il faut éviter le plus possible les raccourcis simplificateurs, les mots au sens vague, les évocations générales : les différents niveaux de l'évolution ne fonctionnent pas de la même façon, et des transformations évolutives en apparence semblables ont pu se mettre en place selon des principes totalement différents (il faut, bien sûr, recourir à la biologie moderne pour le savoir). Il ne faut pas laisser la confusion s'installer, sans quoi nous serons condamnés à tourner en rond entre les citations tronquées, les effets de discours, les formules frappantes mais trompeuses, les simplifications hâtives et tutti quanti.
L'évolution est une théorie scientifique qui s'appuie sur toutes les branches de la biologie pour décrire le mieux possible la réalité : c'est pour ça qu'elle est complexe. Mais il ne faut pas faire l'impasse sur cette complexité, sans quoi le débat risque de tourner en rond.

>Donc, vous admettez qu’il y a bien une discontinuité dans le registre fossile, au niveau espèce.

Parfois oui, et j'ai expliqué pourquoi : cela correspond à ce que nous savons des mécanismes de la spéciation.

>L’évolution veut expliquer l’origine des espèces, n’est-ce pas ?

Oui.

>La création prédisait cette discontinuité...

...pas uniquement au niveau des espèces, mais bien au-dessus : au niveau des grands groupes (les "types" que j'évoquais).

>...l’évolution prédisait le contraire, est-ce vrai ?

Non, justement. J'ai expliqué pourquoi un peu plus haut : certes, Darwin, dans les années 1850, croyait que tout devait être continu et graduel. Cependant, dès que la biologie a fait des progrès, qu'on a découvert le mécanisme de la spéciation et les principes de la génétique des populations, on a compris que les spéciations devaient être brèves et épisodiques. Cela s'est fait dès les années 1940, non pas à cause de l'examen du registre fossile, mais pour des raisons purement biologiques. Ce n'est que dans les années 1970 que les ponctualistes ont affirmé que, compte tenu de ces nouvelles découvertes, il devait généralement y avoir discontinuité dans les archives fossiles entre les différentes espèces : et, en examinant de plus près les collections, ils se sont rendus compte que c'était effectivement le cas. Le versant biologique de la théorie synthétique de l'évolution avait passé avec succès l'épreuve de l'observation.

>Pour les groupes plus vaste, il est facile de « voir » des transitions. En réalité, cela revient à interpréter des similitudes anatomiques comme une preuve de descendance commune...

Pas du tout. La création postulait l'existence de "grands types", dont chacun aurait sa propre complexité, irréductible. Or, on constate qu'entre les différents types il existe une infinité d'intermédiaires : à chaque fois, on ne constate que de légères modifications. Les évolutionnistes affirment que ces légères modifications ont pu se faire par accumulation de changements génétiques dans les populations au cours du temps : autrement dit, que les êtres vivants peuvent dériver les uns des autres.
Or, que constate-t-on quand on va un peu plus loin ? Les différences entre tous les taxons sont dues à des divergences au niveau génétique, qui ne sont d'ailleurs pas toujours énormes. La modification des populations se fait également sous l'effet de changements génétiques, les mutations (aidées de la sélection et de la dérive génétique), ayant un effet phénotypique.

Dans les deux cas, il y a communauté de cause (changement dans les gènes) et d'effet (transformation de la morphologie). Mais, malgré tout, toutes les différences constatées n'ont pas pu émerger d'un coup : il a fallu des intermédiaires - non au niveau, trop bas, des espèces, mais à celui des taxons plus vastes. S'ils existent, alors la théorie de l'évolution est à même de tout expliquer. S'ils n'existent pas, elle doit revoir sa copie.

Or, les intermédiaires existent. C'est un fait. Pour expliquer les changements constatés entre chaque intermédiaire, on n'a besoin de faire intervenir que des changements génétiques semblables à ceux qu'on observe dans la nature ou en laboratoire ; la théorie de l'évolution est donc valide. Quant à la création, qui prédisait des "types", force est de constater que ses postulats ne sont pas confirmés.
Bien sûr, on peut, au prix d'une distorsion considérable de la réalité, assimiler les discontinuités entre les espèces prédites par les néodarwiniens et confirmées par les ponctualistes quelques 30 ans plus tard, aux discontinuités entre les "types" postulées par le fixisme. Mais les deux idées n'ont strictement rien à voir : les "types", dans le registre fossile, n'existent pas (sauf si on décide, hypocritement, d'appeler "oiseau" un animal qui n'en est un qu'à 30 %). Les espèces, en tant qu'entités discontinues, existent. Cela confirme la théorie de l'évolution, qui prédisait une relative discontinuité au niveau spécifique et une continuité plus haut, mais pas le créationnisme, qui était partisan d'une discontinuité radicale à tous les niveaux de classification du vivant.

>Si je vous demande de me démontrer un exemple qui pourrait valider l’hypothèse que la matière organique émerge sous des conditions naturelles (c’est là tout le débat) vous me donner l’exemple des cristaux (ce qui est courant comme contre-argumentation). Or, l’auteur démontre ici la logique qui permet de repousser cette tentative de contre-argument.

Vous avez oublié que la discussion ne portait absolument pas sur cela, mais sur la 2loT ? La question est de savoir si la 2loT est pertinente si on l'applique aux systèmes ouverts. Vous affirmiez que oui, je disais que non et je vous ai donné les exemples qui le prouvaient. Vous changez alors complètement de sujet en disant : "Oui, mais attention, les cristaux sont différents des êtres vivants !" Je sais bien, merci. Je répète depuis le début que leur cas a une valeur de principe, qui va au-delà de l'exemple particulier.

>Donc, ceci revient encore à dire que dans un système ouvert, il est théoriquement possible de voir l’entropie diminuée, mais à condition que l’on soit en présence de l’information pour diriger l’utilisation de l’énergie entrante. C’est le seul moyen *observé* d’augmenter en complexité.

L'exemple des cristaux prouve le contraire. Ne revenez pas en affirmant que les cristaux ne sont pas des êtres vivants, c'est inutile ; encore une fois, c'est une question de principe, pas de cas particulier. L'entropie diminue lorsque les cristaux se forment, et il n'y a aucune information pour diriger le processus. Maintenant, que les molécules des cristaux soient un peu plus simples (donc moins faciles à désagréger) que les molécules du vivant, ce qui est tout ce qui ressort de vos citations, ne signifie pas que l'exemple est inopérant, loin de là.

>Il y a donc un système irréductible. Il y a au moins 4 ou 5 conditions *connues* nécessaire à la rentabilité de la relation.

Eh bien non, pas du tout. Vous voulez que je prouve le contraire ? Allez, c'est reparti pour un tour.

>Je rappellerais que le simple fait que la spore s’accroche suffisamment sur l’animal est essentiel à la rentabilité de la symbiose.

Vrai.

>Le fait que l’animal soit attirer par la couleur est tout aussi essentiel (certaine fleur émettent dans l’ultraviolet pour arriver à cette fin!).

Faux. Certains animaux sont attiré par tout autre chose que la couleur (odeur, forme...). Je crois qu'il n'est pas nécessaire de vous rappeler qu'un animal peut d'ailleurs très bien se poser sur un végétal qui ne l'attire pas particulièrement.

>Le fait que l’animal puisse se rendre à la nourriture, ….

Faux. Il existe des cas de relations entre organisme où l'un des partenaires n'obtient rien en échange de ce que l'autre lui donne. Il existe des insectes de ce type : ils transportent le pollen de manière purement passive. Ils ne reçoivent ni nectar, ni avantage quelconque ; la plante, parfois, les a attirés avec une couleur charmante ou une odeur riche de sous-entendus, derrière lesquelles il n'y avait rien de concret à gagner.

>Si X. morgani ne représente disons que 5 % de la population, la plante mutante restera encore très minoritaire.

X. morgani représente 5 % de la _population_, mais représentera rapidement un pourcentage largement plus important du nombre de pollinisations effectuées sur la plante mutante : 60 ou 70 %, par exemple. Celle-ci sera beaucoup plus pollinisée que les plantes non-mutantes, ce qui lui donne en soi un avantage reproductif incontestable.