Suivi

Remplace par "Un petit peu de lecture"


Postée par Coucou , Feb 10,1999,23:08 Index  Forum


- Jean Staune, Président de l'université interdisciplinaire de Paris

"SUITE"

"VOIR LA RELIGION AUTREMENT"

De même que la science aborde une troisième phase de son existence, où après une phase dominée par le côté magique et mystérieux du monde et une phase où tout paraissait explicable rationnellement à partir de notre niveau de réalité immergé dans le temps, l'espace, l'énergie et la matière, elle retrouve une certaine subtilité du réel sans renoncer aux acquis de la rationalité, de même la religion aborde elle aussi une troisième phase de son histoire.

D'abord ce fut, pendant des millénaires, la période littérale. On croyait littéralement ce que disaient les textes sacrés sur la création du monde, le sens de la vie, le devenir de l'homme après la mort. Tout était vrai puisque tout venait de Dieu ou d'un autre niveau de réalité. C'était l'époque où l'on calculait que le monde avait été créé en 4 000 av. J.-C. (un 27 octobre !).

Puis, de Copernic à nos jours, on a lentement découvert la fausseté de toutes ces interprétations littérales. Les textes sacrés sont alors apparus comme de simples mythes, ou au mieux comme des textes inspirés décrivant la nature de la condition humaine. Dans une telle vision, que partage l'aile la plus avancée des théologiens actuels, Dieu est en option. On peut toujours penser qu'il existe, mais il n'y a là aucune nécessité, toutes les religions, tous les textes sacrés peuvent être issus du génie humain et non d'une révélation divine. Beaucoup d'hommes d'Église adoptent consciemment ou inconsciemment une telle position, tout simplement parce qu'ils pensent qu'il n'y a pas d'autre position possible qui soit compatible avec nos connaissances actuelles. Exactement comme Jean-Pierre Changeux pense que la conscience ne peut être que neuronale, ou comme Dawkins pense que seul le hasard peut agir sur l'évolution. Parce qu'ils ne peuvent simplement pas imaginer comment il pourrait en être autrement !

Mais voilà qu'une troisième phase se profile à l'horizon.

On peut définir ainsi la question essentielle concernant toutes les religions : soit

A) Toutes les religions ont été inventées par l'homme pour faire face à sa peur de la mort et de l'inconnu. L'homme désire être aimé, retrouver les êtres qui lui sont chers et qu'il a perdus, vivre éternellement hors de toute souffrance. C'est pourquoi tant de religions disent qu'il existe un Dieu qui nous aime et que nous pouvons connaître une vie éternelle dans la félicité en retrouvant en plus ceux que nous avons aimés sur Terre. Bien sûr tout cela est trop beau pour être vrai, il s'agit d'une projection de nos espoirs.

B) Toutes les religions contiennent des informations véritables sur la destinée de l'homme, le sens de sa vie et de l'existence de l'univers.

Chaque religion est conditionnée par l'époque à laquelle elle est apparue et la société où elle s'est développée. Mais aucune religion n'est totalement humaine. Que ce soit par rêve, révélations, apparitions, intuitions (peu importe), toutes ont intégré des informations en provenance d'un autre niveau de réalité, des informations qui ne sont pas d'origine humaine, même si elles sont passées par le filtre que constituent des cerveaux et des langages humains, et qui concernent des questions fondamentales. Mais à cause du filtre, ces informations ne peuvent jamais exister sous une forme littérale, elles doivent être retrouvées derrière les apparences.

Comment peut-on renforcer l'hypothèse B qui, si elle était confirmée, nous amènerait à une troisième phase de notre compréhension de la religion, après la phase "littérale" et la phase "mythique" ?

De même qu'en science nous avons traqué dans toutes les grandes disciplines scientifiques les indices de l'existence d'un autre niveau de réalité, d'une tout autre nature que celui où nous vivons, nous devons pour cela, dans l'analyse de toutes les grandes religions, traquer les indices d'un projet de Dieu pour l'homme, projet que l'homme pourrait, au moins en partie, retrouver et comprendre, mais de manière suffisamment subtile et difficile pour que soit toujours préservée une de ses libertés fondamentales, celle de pouvoir refuser de croire à l'existence d'un tel projet.

Notre propre expérience nous a montré que de tels indices étaient extraordinairement nombreux. Beaucoup plus nombreux que ne veulent généralement l'admettre les spécialistes -- pourtant croyants -- de ce domaine. Car il y a une cohérence dans l'évolution des idées. Les sciences de la matière et de l'univers ont commencé leur évolution avant les sciences de la vie et de la conscience (Newton avait encore les médecins de Molière pour le soigner) et la religion n'a intégré cette évolution que bien après. Le même processus se déroule actuellement sous nos yeux (ce qui renforce la probabilité que l'évolution ici décrite soit bien réelle). Les sciences de la matière et de l'univers ont déjà développé une vision nouvelle, qui est encore très minoritaire dans les sciences de la Vie et de la conscience. Il est donc parfaitement normal que cette vision nouvelle soit encore simplement bourgeonnante dans le domaine de la religion.

Nous ne pouvons développer ici tous ces indices. L'idée générale qui ressort de leur étude, c'est l'existence d'une cohérence dans la façon dont les religions révèlent à l'homme des informations essentielles. Une espèce de cascade dont on trouve un exemple dans le fait que les Égyptiens avaient une religion polythéiste pour le peuple mais que des textes connus à l'époque des seuls grands prêtres, affirmaient l'existence d'un Dieu créateur unique. Puis le judaïsme fit connaître à tout le peuple l'idée d'un Dieu unique. Mais on peut voir dans la Genèse l'indication de l'existence de la Trinité... concept que le christianisme fera à son tour "descendre" au niveau du peuple, et qu'il aurait été absurde de "révéler" au peuple hébreu (qui avait déjà assez de mal à l'époque à accepter l'idée d'un Dieu unique !) .

Quand le Christ prononce sur la Croix ses dernières paroles "Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" (Mat. 27, 46 et Marc 15, 34), beaucoup de non chrétiens en concluent qu'il n'était pas Dieu (comment Dieu pourrait-il s'abandonner lui-même?). Les théologiens musulmans s'en servent même comme argument pour dire que ce n'est pas le Christ qui a été crucifié, car même un prophète de "deuxième catégorie" est capable de souffrir le martyre sans faire le moindre reproche à Dieu !

Les théologiens chrétiens argumentent parfois que le Christ devait, en s'incarnant, revêtir jusqu'au bout la condition humaine, connaître lui aussi les affres de l'abandon, de la "déconnection" d'avec Dieu. C'est un raisonnement typique de la phase deux, un raisonnement qui peut juste contribuer à projeter les gens dans l'athéisme.

Pour donner une idée de ce que nous nommons un indice dans ce domaine nous allons en détailler un.

L'interprétation de la phase trois est tout autre : le Christ cite ici le psaume 22. On pourra penser que le Christ a bien autre chose à faire lors de son dernier souffle que de citer un psaume ! Eh bien, non ! Car le psaume 22 est tout à fait extraordinaire. Peut-être est-il un de ces "indices clés" que Dieu (ou Yahvé, ou Allah, peu importe le nom !) inspire aux hommes pour que ceux qui le cherchent vraiment puissent déchiffrer son projet. Il commence par la même parole du Christ "Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" (Mon Dieu étant répété là aussi deux fois). Puis il y est écrit : "Ma force se dessèche comme l'argile. Et ma langue s'attache à mon palais. Tu me réduis à la poussière de la mort. Car des chiens m'environnent. Une bande de scélérats rôde autour de moi. Ils ont percé mes mains et mes pieds. Ils pourraient compter tous mes os. Eux ils observent, ils me regardent. Ils se partagent mes vêtements. Ils tirent au sort ma tunique".

Cela est d'autant plus extraordinaire que ce texte a été composé des centaines d'années avant l'invention de la crucifixion qui, rappelons-le, n'est pas un supplice d'origine juive mais romaine ! Il y a là des coïncidences extraordinaires (les mains et les pieds percés, la soif, la mort qui s'approche, le public qui observe) . Mais du moins les rationalistes pourront arguer que les apôtres ont "enjolivé" le récit de la crucifixion en inventant le partage des vêtements et le tirage au sort de la tunique du Christ par les gardes romains pour coller au psaume. Malheureusement pour eux-mêmes cette hypothèse logique n'est pas crédible (ce qui accroît encore la force de la coïncidence. Car tous les évangélistes rapportent un partage et un tirage au sort des vêtements (Mat; 27, 35 ; Marc 15, 24 ; Luc 23, 34 ; Jean 19, 23) même ceux qui, comme Marc et Luc ne font aucun lien avec le psaume 22 (contrairement à Mathieu et Jean qui indiquent "pour que l'Écriture soit accomplie").

Plutôt que d'essayer d'expliquer cela par une incroyable série de coïncidences alliées à des truquages, n'est-il pas beaucoup plus logique de penser que le psaume 22 est un texte inspiré, et non inventé par celui qui l'a retranscrit et qu'il est l'un de ces indices dont nous parlons ? Et que la dernière phrase du Christ veut dire : "Voyez comme loin d'être un événement contingent, aléatoire, cette mort à laquelle vous êtes en train d'assister est un événement prévu depuis des siècles. C'est un événement central dans l'histoire de l'humanité. Alors que jusqu'ici seul un petit peuple perdu au milieu d'une multitude de nations était dépositaire de cette idée d'un Dieu unique, voilà que désormais tous les peuples jusqu'aux confins de la Terre entendront parler de ce Dieu et se prosterneront devant Lui. Et un grand peuple va naître, le peuple chrétien".

On pourrait rajouter à cela que depuis la découverte de l'hologramme il est désormais possible de penser l'un des principaux mystères de notre tradition. En effet, si l'on prend une plaque de photo holographique représentant, par exemple, une pomme, et qu'on la coupe en deux, chaque demi-plaque contient l'image de la pomme entière, et non d'une demi-pomme ! C'est-à-dire l'information sur la totalité, tout en étant une partie de cette totalité.

On peut ainsi mieux comprendre que le Christ dise : "Qui me voit, voit le Père", "Le Père et moi nous sommes un", mais aussi "Le Père est plus grand que moi", d'autant plus que pour certains physiciens, comme David Bohm, cet autre niveau de réalité que nous dévoile la physique est justement à structure holographique. (Ce qui est normal s'il n'y a ni espace, ni temps, la partie et le tout peuvent être confondus !)

Il n'y a là qu'une simple analogie, mais on voit comment un concept issu de la science moderne permet de cesser de considérer comme une absurdité l'un des principaux fondements de la religion d'où est issue notre civilisation.

Dieu dit à Abraham : "Tu deviendras le père d'une multitude de nations. Je te ferai fructifier à l'extrême, je ferai de toi des nations, et des rois sortiront de toi." (Genèse 17. 4)

Mettons-nous dans la peau d'un représentant d'un de ces nombreux peuples qui entouraient les Juifs à l'époque du Christ. Il aurait pu dire aux Juifs : "Cette promesse est la plus importante que votre Dieu fait selon vos textes sacrés, c'est tellement important qu'Abram change de nom en cet instant et devient Abraham pour marquer cette alliance et cette promesse. Mille huit cents ans après où en est-on ? Vous n'êtes toujours qu'un petit peuple, une petite nation au milieu de cent autres nations qui ont plusieurs fois failli vous exterminer ! Qu'en est-il de la promesse de votre Dieu ? Ou il est un menteur, ou il n'existe pas ! Alors comment pouvez-vous continuer à croire en lui ?"

Un rationaliste actuel défendant l'hypothèse de l'origine humaine des religions pourrait exactement parler comme ça... s'il avait vécu à l'époque. Car aujourd'hui ce n'est plus possible ! 3800 ans après cette promesse a été réalisée sous nos yeux de façon incroyable : 3 milliards d'hommes se reconnaissent aujourd'hui comme les enfants d'Abraham qui a fructifié à l'extrême et a enfanté une multitude de nations : musulmanes, catholiques, orthodoxes, protestantes, en plus de la juive.

Malgré le caractère quasi miraculeux de cette progression (si l'on avait inventé une histoire où le patriarche d'un petit peuple ballotté par l'Histoire, n'ayant jamais régné sur plus de quelques dizaines de kilomètres, aurait une telle influence trente-huit siècles après, personne ne l'aurait cru ! Il n'y a aucun autre exemple dans l'histoire de l'humanité) on peut, certes n'y voir là aussi, qu'une coïncidence. Néanmoins le psaume 22, la promesse faite à Abraham, une méditation sur la notion d'hologramme, ne nous amènent-ils pas à penser que notre hypothèse B est la plus probable ? Que les concepts fondateurs de la civilisation judéo-chrétienne peuvent être vrais dans leur essence, à défaut de l'être au sens littéral ? Qu'ils recèlent bien des informations dont l'origine ne peut en aucun cas être humaine ?

"A SUIVRE"