Le PARADOXE DES SCIENCES
Chapitre 1, RÉOUVERTURE D'UN VIEUX COMPTE-EN-CIEUX.
Texte integrale -- http://members.aol.com/aivia/jmch11.htm
Au royaume des causes, ou des jeux du hasard, il n'est vraiment plus de place pour un Dieu vivant.
Au mieux, au temps béni des lois, en était-il éventuellement l'auteur, justifiant ainsi, plus encore que le curieux débat qui s'y attache, les
propos assez pertinents d'Hawking - ou du moins on ne peut plus explicites - pour qui
" ces lois peuvent, à l'origine, avoir été créées par Dieu, mais il semble que ce dernier ait, depuis lors, laissé l'univers évoluer d'après elles et qu'il n'intervienne plus. "
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" De même [nous précise ici Trinh Xuan Thuan] que des particules fantômes peuvent surgir [...] de façon soudaine et imprévisible en empruntant de l'énergie à la banque nature, [et que] ces particules fantômes n'ont pas de cause précise [pas plus que] leur comportement ne peut être prévu à l'avance [...] les physiciens pensent [...] que ce qui est vrai pour une particule élémentaire l'est aussi pour l'univers tout entier à ses débuts. " Et, à lui seul, un mérite aussi soudain - et proprement inespéré - " fait voler en éclat l'argument d'une cause première [...] Le flou quantique permet au temps et à l'espace, puis à l'univers, de surgir spontanément du vide [...] L'univers n'a plus besoin d'une cause première. Il apparaît ainsi, par la grâce [insigne] d'une fluctuation quantique "
Et cependant, contrairement à toute attente - ou à toute raison -, selon un sondage récent, plus de 50% des chercheurs du CNRS, par exemple, déclarent avoir la foi, ou quelque chose d'assez approchant : " Parmi les savants, une majorité de croyants ", nous déclare un dossier "Dieu et la science" de décembre 89, ce qui semblerait à la fois pouvoir maintenir un suspense dans les conclusions retenues, ou plus vraisemblablement apparaître comme un contresens évident.
" On a longtemps pensé que la science allait chasser la fonction religieuse [confie Hubert Reeves dans un numéro du mensuel "Ciel & Espace"] C'était une erreur. " A quoi Louis Leprince-Ringuet répond implicitement : au contraire, " la pensée scientifique permet une foi plus authentique ". " Quant aux scientifiques, confie Jean Delumeau, s'il y a belle lurette qu'ils ne croient plus au déterminisme style Laplace, ils ont aussi mesuré les limites de la théorie de Monod sur "le Hasard et la nécessité" [...] pour rendre compte de l'histoire de l'Univers. Et comment ne pas reprendre la formule de Jean Guitton : L'absurdité de l'absurde me conduit vers le mystère "131, ce qui soulignerait assez bien l'ambiguïté, l'étrange malaise qui nous a pris, et répercute au plus profond de chacun ; comme elle nous force à présent à poser la question en termes de sens dont nous devrions, sur ces bases, créditer toutes choses - et notre propre vie en passant.
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Mais ici les choses se gâtent, et les données changent du tout au tout, car si - peu ou prou - la science a réponse à tout, elle ne trouve en revanche rien à répondre à aucune de nos questions réellement fondamentales.
plus la science avance, plus elle est obligée d'accorder une part grandissante au hasard, et le déterminisme pour ultime raison d'être s'effondre à son tour de belle manière. " Nous sommes [aujourd'hui] acculés à l'idée que le hasard qui intervient en mécanique quantique n'est pas réductible à un mécanisme sous-jacent, conclue Ivar Ekeland. Le hasard semble être la donnée fondamentale, l'ultime message de la nature. "
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" Pour ces tenants - majoritaires - de l'aléatoire, nous rapporte Sorman dans un espèce de panorama bilan de la pensée contemporaine, en même temps que la connaissance progresse, la science perd toute capacité de prévoir. Cette ignorance prospective n'affecte pas que les sciences, c'est la notion toute entière d'un futur lisible qui disparaît du champ de la réflexion générale : l'avenir n'est plus écrit nulle part. " Désormais semble-t-il, la science est réduite à légiférer du hasard ! Mais au travers du chaos qui paraît, la probabilité elle-même nous échappe. Une sorte de comble, en somme.
Par ailleurs, " seule l'hypothèse d'un Univers stable est impossible ", conclut aujourd'hui Carl Sagan - célèbre astronome, et monument américain de vulgarisation scientifique. L'univers est nécessairement en gestation, comme il est probablement né ; ce qui ne peut qu'accroître la confusion des termes d'un devenir, d'une authentique genèse permanente, constat patent d'un déphasage entre les ressorts invoqués et ce qui en est résulté. Et si rien semble-t-il - lorsque force nous est faite de constater - ne saurait nous permettre de situer par quelle vertu il en est ainsi, plus rien non plus ne saurait nous dire pourquoi, né de rien, il est apparu - fût-ce par la grâce du flou quantique - ou ce qui l'agit ni comment ; ou de quelle manière, à compter du point zéro jusqu'à l'émergence de la vie ou de la pensée elle-même, toutes choses ont pris forme et sens.
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Car de tous bords se font jour les limites du hasard tel qu'en lui-même ; selon les termes de Minsky appliqués aux limites de l'intelligence artificielle, par exemple - domaine où il est passé maître -, " en l'absence de toute idée de progression en direction d'un objectif, [ou d'intention,] il est en effet [...] difficile de dépasser le simple hasard indifférent "
Au point surtout que si la science en première version et temps béni des lois a longtemps pu passer pour preuve de l'absence, il devient aujourd'hui légitime, basculant sur l'autre versant de la proposition d'exclusion, de nous poser ici quelques questions sur la validité de principe des éclairages qu'elle nous à donnés, voire de chercher à savoir - à l'appel de nombreux scientifiques eux-mêmes - dans quelle mesure nous avons toujours les moyens de nous dispenser de l'hypothèse de Dieu, " force motrice interne [au réel aussi bien qu'] à la science, et qui lui échappe "; le non-sens, ou la " faillite " sur lesquels celle-ci débouche tendant à tenir lieu de caution implicite, comme cet empire croissant de " l'arbitraire " nous le rend désormais possible - ou véritablement "présent".
Sur les propres constats d'Albert Jacquart, " disons que dans ma description de l'Univers, je me suis aperçu qu'il restait un énorme vide. Je peux combler ce vide en évoquant ce qu'on peut appeler Dieu. Mais c'est nécessairement au-delà de tout domaine scientifique.