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[hors-sujet] Réponse à Jackk sur l'évolution


Posté par Platecarpus , Nov 15,2002,13:00 Index  Forum

Bonjour,

>Premièrement une base . Ce sont des forces , des instincts que l’espèce a copié/collé dans son code lors de son évolution . Ce « guide de survie » s’est inscrit dans la code par des gestes mille et mille fois répétés par l’espèce .

Le problème avec cette idée, c'est que, justement, les gestes que nous répétons (même "mille et mille fois") ne peuvent s'inscrire dans le programme génétique par aucun mécanisme connu. C'est ce qu'on résume généralement par : les caractères acquis ne sont pas héritables.

Ce n'est pas si évident que ça : tous les biologistes ont pensé jusqu'à le contraire jusqu'à très récemment - et même Darwin en faisait partie. Mais après tout, c'est aussi le cas de la rotondité de la Terre et de l'héliocentrisme (qu'y a-t-il de plus évident, en effet, que la Terre est plate et que le soleil tourne autour ?). En fait, je crois que pratiquement n'importe quel biologiste, s'il le devait, parierait contre l'hérédité des caractères acquis. Au REDICO, ma P(s) se situerait probablement autour de 0,5 % (je laisse une petite marge au cas où tous les scientifiques seraient dans l'erreur. C'est possible, mais ça m'étonnerait)

>Une expérience sur des rats menée par des chercheurs d’une Université Américaine il y a plus de 50 ans et reprise après quelques générations a clairement démontrée qu’un apprentissage qui s’avère vital pour l’espèce se retransmet dans les générations futures , même chez les rats (…) .

Tiens, je ne connaissais pas. Si tu as des références, ça m'intéresserait. La plupart des expériences néolamarckiennes (l'hérédité des caractères acquis a été surnommée "lamarckisme"), comme les crapauds accoucheurs de Paul Kammerer ou, plus récemment, les E. coli de John Cairns, n'ont pas été très convaincantes. Mais celle-ci semble moins connue.

>Enlevons tout l’acquis que nous apprendrons dans l’espace d’une vie ( humanisation) et ne restera que cette base , instinctive , animale .
Ce développement fondamental se développe en accéléré depuis notre conception jusqu’à ce qu’on soit capable de faire des copies de nous-mêmes . Dans le même ordre croissant que lors de son évolution , nous referons lors de ce développement ontogénique les gestes mille fois répétés lors de l’Évolution phylogénique de l’espèce .

Je ne vois pas trop ce que vous entendez par "enlever tout l'acquis". Un être humain ne peut pas se développer sans acquis (à un niveau vraiment basique, il a besoin de substances chimiques qu'il absorbe dans le milieu extérieur ; à un niveau différent, l'apprentissage du langage et de la vie sociale se base évidemment sur des potentialités innées, mais fait intervenir l'acquisition très tôt).
Ceci dit, le développement ontogénique ne récapitule pas vraiment (ou plutôt pas complètement) l'évolution phylogénique. Les êtres humains ont été des poissons, des reptiles, des singes - et à aucun stade de leur développement ils ne ressemblent à un des trois (bien que nous ayons tous eu des branchies vestigiales au stade embryonnaire. Ce n'est pas grand-chose, mais ça atteste de notre ascendance évolutive)

>Ce constat explique beaucoup de chose comme le bébé qui « pédale » de plus en plus vite juste avant de commencer à marcher laissant supposer qu’il se « prépare » à se qui va se passer

Oui, on peut penser qu'il se prépare. Mais ça ne nécessite pas de faire intervenir l'hérédité des caractères acquis : si vous faites un championnat de tir à l'arc, vous allez probablement vous entraîner au tir avant. Ca ne veut pas dire que vos ancêtres ont dû manier un arc "mille et mille fois" dans les générations antérieures.

Ceci dit, je ne peux pas affirmer que les gestes des bébés soient dus à cette forme d'anticipation. Ca peut aussi être inné - donc génétique. Mais dans ce cas, ce caractère peut être apparu suite à une mutation aléatoire (qui a éventuellement été sélectionnée par la suite).

>ou encore le réflexe du chien ou un bébé naissant que l’on jette dans l’eau

Là encore, il est probable que ce soit inné. Mais la sélection naturelle des caractères innés (par opposition à l'hérédité des caractères acquis) explique également très bien ce genre de phénomènes : le fait de savoir nager a pu être avantageux dans l'histoire évolutive des chiens. Les mutants qui présentaient une amélioration quelconque en ce sens (par pur hasard) ont été favorisés, ce qui explique la prééminence de ce caractère aujourd'hui.

> et des milliers d’autres observations qui nous font constamment s’interroger : « Comment se fait-il qu’il/elle le sache ? » .
Les nouveaux besoins de l’espèce pourrons modifier le développement ontogénique ( comme bébé qui s’assoit avant de se mouvoir à quatre pattes ) , peut-être l’annihiler .
En accéléré , le film de notre évolution est ( comme stipulé dans les livres ) Première cellules , invention de la sexualité , évolution dans l’eau , consommation minérale , développement des sens , croissance de membres , d’organes , des poumons pour finalement sortir de l’eau , vie amphibienne dont un besoin encore vital de la « mer/mère » qui apporte nourriture et confort , consommation végétale , locomotion sur quatre pattes ensuite à deux ( en passant par les arbres ) invention du langage , la conscience, la logique , passage d’alimentation végétale à animale nous faisant changer de dentition etc .
C’est le même film que chaque membre de l’espèce « développera » au temps présent . En terme informatique chacun « execute » le programme COpier/COller inscrit tout au long de l’Histoire .( que j’appelle COCO ) .

D'un point de vue très schématique, il y a effectivement des similitudes entre l'ontogénie et la phylogénie. C'est plutôt logique : dans les deux cas, il y a apparition d'un être humain à partir d'une seule cellule. Comme il n'y a pas 100 000 façons de procéder, l'évolution et le développement présenteront à coup sûr des similitudes, ne seraient-ce que pour des raisons fonctionnelles. Les facteurs historiques (le fait que le développement individuel soit lui-même un produit de l'évolution) ne peut évidemment qu'augmenter cette similitude.
Mais quand on regarde dans les détails, on se rend compte que tout ne cadre pas bien. Par exemple, les jeunes humains ne passent jamais par un stade arboricole. L'embryon n'a jamais non plus de nageoires - à un certain stade, l'embryon d'un poisson et celui d'un être humain présenteront des ébauches de membres identiques (morphologiquement et génétiquement), c'est vrai. Mais, à partir d'un certain point, il y a bifurcation dans le développement - le poisson va d'un côté et l'homme de l'autre. Notre espèce ne passe jamais par un stade "poisson" qu'elle récapitulerait pour le dépasser et l'améliorer. C'est un simple exemple isolé, mais il y en a des tas d'autres.

>Vient ensuite l’hérédité , les caractères/caractéristiques beaucoup influencés par les géniteurs . Chacun de nous sommes uniques de par notre constitution ( viendra ensuite notre histoire propre qui mélangera davantage) . À notre naissance ( et même avant) , nous sommes déjà quelqu’un avec ses tempéraments et ses distinctions . Ces différences se manifesteront par l’émission d’essence de bien-être ou de mal-être par le cerveau . Originaire du magnétisme ( attraction/répulsion) , chaque attribut que nous développons sont des + et des - . Ainsi et de façon codée , nous pourrions être +35 jaloux , -12 rageur , +42 sensible Etc .

Euh, si on veut. Je ne suis pas sûr que la personnalité soit si facilement quantifiable et "découpable".

>L’Homme ( par exemple) produit des spermatozoïdes tout au long de sa vie . Les composantes de ce demi-être sont dans la tête de ce dernier . Y sera inclus le copier/coller phylogénique comme précité , la constitution physique ( j’y reviens) et les caractères/caractéristiques de celui-ci . Prêt à parier que si futur-papa est particulièrement agressif pendant la fabrication de CE spermatozoïde , alors ça deviendra une particularité de ce dernier si jamais c’est LUI qui féconde l’ovule . Nous devons évidemment ne pas négliger l’influence de la constitution propre de la gamète femelle .

Je ne crois pas. On peut être complètement soûl, déprimé, défoncé ou amoureux quand on fabrique un gamète donné, ce n'est pas pour autant que l'enfant (éventuellement) conçu grâce à ce gamète sera alcoolique, déprimé, toxicomane ou sentimental. Les caractéristiques génétiques de tous les spermatozoïdes ou les ovules que l'on pourra fabriquer au cours de notre vie sont déjà contenues dans la cellule-oeuf que l'on a été au tout début de notre existence. Quels que soient vos acquis, votre histoire personnelle ou votre état d'esprit, le patrimoine génétique en restera inchangé.
Maintenant, ça ne vous empêchera pas de transmettre vos acquis à vos enfants (ou à ceux des autres) par voie culturelle, en les leur enseignant. Mais ce n'est plus de l'hérédité : ce n'est pas génétique (Richard Dawkins a proposé le terme de "mémétique", en écho à celui de génétique, pour désigner ces caractères culturels. Il a été repris entre autres par la psychologue Susan Blackmore).

>Viennent finalement les propriété physiques qui seront le reflet de l’apparence . Il s’est formé de la façon dont l’expliquait Darwin , par sélection naturelle . Toujours le plus fort . Processus lent et répétitif découlant d’un processus , bébé va toujours répéter les gestes de ses parents . Son apparence physique toujours fidèlement une copie de ses géniteurs se modifiera si la volonté de l’individu et les besoins de l’espèce le réclame . Le corps étant un moule aux capacités extraordinaires n’aura pas de peine à se transformer et cela pendant des générations .

Ce n'est pas vraiment le scénario darwinien. Certains individus naissent par hasard avec une mutation, c'est à dire une modification aléatoire de leur programme génétique. Ces modifications parfaitement hasardeuses sont à l'origine de l'évolution.
Si seules les modifications avantageuses (ou à la limite neutres) se transmettent lors de l'évolution, c'est tout simplement parce que leurs porteurs ont été avantagés. Si une glaciation survient, les éléphants munis de poils (pensez à un mammouth) reprendront le pas sur les animaux actuels. Si un nouveau réchauffement a lieu, alors les "mammouthoïdes" disparaîtront en donnant, éventuellement, naissance à de nouveaux "éléphantoïdes" au poil ras. Mais la volonté de l'individu n'a rien à voir là-dedans : c'est une simple question d'avantages lors de la reproduction (donc, par extension, dans la survie). Même si le climat reste chaud ou se réchauffe pendant un million d'années, il naîtra toujours autant d'éléphants mutants avec un poil un peu plus long. Mais leur mutation sera impitoyablement éliminée, tant qu'il n'y aura pas de refroidissement.
C'est un processus mécanique. Les individus n'y sont strictement pour rien - et l'évolution fonctionne comme cela. Un mécanisme proche est la fixation aléatoire de mutations neutres : je ne vois pas de raison valable pour laquelle un éventuel éléphant mutant rose serait décisivement désavantagé par rapport à ses congénères, mais ça m'étonnerait que sa nouvelle couleur lui apporte un quelconque avantage reproductif. La fréquence de sa mutation va donc varier au hasard dans la population - et, éventuellement, avec une très faible probabilité, finira par se fixer (tous les éléphants deviendront roses). La fixation de caractères neutres semble jouer un rôle plus important qu'on ne l'avait pensé un temps dans l'évolution, notamment au niveau moléculaire. C'est un mécanisme différent de celui de la sélection naturelle, mais il n'a rien à voir non plus avec l'hérédité des caractères acquis.

Le plus simple serait, je pense, que tu lises quelques bouquins sur l'évolution. "L'horloger aveugle" de Richard Dawkins (Robert Laffont, 1989) est une excellente introduction à mon avis. Sur la question plus précise de la théorie de la récapitulation, Ontogeny and Phylogeny de Stephen Jay Gould est une référence. Mais c'est un peu plus pointu et ça n'existe qu'en anglais. Je pense que, même si tu n'y trouveras pas forcément de rapport immédiat avec tes préoccupations, ça pourra éventuellement t'intéresser.