Se sentir quitter son propre corps et le voir d’en haut est une expérience souvent relatée par les personnes ayant connu une "expérience de mort imminente". Les Anglo-Saxons parlent d’"out of body eperience " (" expérience de décorporation ), et la plupart des spécialistes estiment aujourd’hui qu’elle résulte d’une altération du fonctionnement normal du cortex cérébral, probablement dans sa région inféropariétale. Mais jusqu’àprésent, et malgré le grand nombre d’explorations fonctionnelles menées directement dans le cerveau humain depuis les années 1950, personne ne savait avec précision quelles régions cérébrales étaient directement impliquées dans ce phénomène. Ni même si l’on pourrait jamais les identifier avec certitude.Olaf Blanke, neurochirurgien à l’Hôpital universitaire de Genève, vient toutefois de faire une étonnante découverte qui pourrait relancer la recherche des causes physiques des états ! de conscience altérés comme la décorporation, la transe ou l’extase mystique. Lors d’une opération à crâne ouvert , sur une jeune patiente souffrant de crises d’épilepsie invalidantes, le neurochirurgien a procédé à de légères électrostimulations du cortex. La jeune femme, qui n’était pas endormie - par sécurité, les trépanations nécessitent souvent que le patient reste éveillé - devait décrire ce qu’elle ressentait quand l’électrode entrait en contact avec son cerveau. A l’instant où le neurochirurgien posa son instrument sur le gyrus angulaire droit (dans le cortex pariétal de l’hémisphère droit), elle s’écria qu’elle avait l’impression d’abandonner son propre corps, de s’élever ou de descendre. Le médecin augmenta alors l’intensité du courant, obtenant l’étonnante description suivante : "Je me vois d’au-dessus, allongée sur le lit !" D’autres illusions bizarres s'emparaient de la jeune femme, par exemple l'impression que ses bras se rapprochaient d'elle rapidement comme s'ils ne lui appartenaient plus. Ce phénomène n'est pas sans rappeler le syndrome de la "main étrangère" touchant des personnes dont le cortex a été lésé à la suite d'un accident. Ces dernières ont l'impression qu'un membre, une main par exemple, n'est pas le leur. I1 illustre le rôle prééminent du gyrus angulaire dans la formation de l'image corporelle. Cette région est en effet chargée d'intégrer différentes informations, comme le schéma du corps et de ses différentes parties, pour aboutir à sa représentation consciente. Stimulé à l'aide d'une électrode, le gyrus angulaire n'est plus dépendant des autres régions corticales et, alors, ignore les réajustements imposés par les sens. Il y aurait dissociation entre la représentation mentale du corps et le sentiment même de soi.