Suivi

Moi blanc et un moi noir


Re: Re: Il y a mieux -- Évariste
Posté par Holbach , Nov 25,2002,13:07 Index  Forum

Bonjour,

-"J'ai lu Le joueur d'échecs. Je ne me souviens plus de rien à ce sujet, pas même l'intrigue. Je suppose donc que ce n'était pas particulièrement passionnant pour moi."

Pourtant... Quand le "héros" est dans sa cellule, et qu'il n'a personne avec qui jouer aux échecs, il doit se créer un joueur, en l'occurence lui-même; il se débouble donc, s'invente une personnalité, joue contre lui-même; bref, devient presque fou!

Une citation, la même que la dernière, mais un peu plus longue:

Eh! bien je ne sais pas où jusqu'à quel point vous avez réfléchi à l'état d'esprit où vous plonge ce roi des jeux. Mais il suffit d'une seconde pour faire comprendre que, le hasard n'y ayant aucune part, c'est une absurdité de vouloir jouer contre soi-même. L'attrait du jeu d'échecs réside tout entier en ceci que deux cerveaux s'y affrontent, chacun avec sa tactique. L'intérêt de cette bataille intellectuelle vient de ce que les noirs ne savent pas comment vont manoeuvrer les blancs, et qu'ils cherchent sans cesse à deviner leurs intentions pour les contrecarrer, tandis que de leur côté, les blancs essaient de percer à jour les secrètes intentions des noirs et de les déjouer.
Si donc les deux camps sont représentés par la même personne, la situation devient contradictoire. Comment un seul et même cerveau pourrait-il à la fois savoir et ne pas savoir quel but il se propose, et, en jouant avec les blancs, oublier sur commande son intention et ses plans, faits la minute précédente avec les noirs? Un pareil dédoublement de la pensée suppose un dédoublement complet de la conscience, une capacité d'isoler à volonté certaines fonctions du cerveau, comme s'il s'agissait d'un appareil mécanique. Vouloir jouer aux échecs contre soi-même, est donc aussi paradoxal que vouloir marcher sur son ombre

Eh! bien, pour me résumer, pendant des semaines, c'est à cette absurdité, à cette chose impossible que le désespoir me fit tendre, pendant des mois. Mais je n'avais pas le choix, pour échapper à la folie et à la totale décrépitude de mon esprit. Mon atroce situation [la prison] m'obligeait à tenter ce dédoublement de mon esprit entre un moi blanc et un moi noir, si je ne voulais pas être écrasé par le néant horrible qui me cernait de toutes parts."

Génial, non?

D'un point de vue littéraire, certes; mais j'avoue que probablement cette nouvelle n'est pas une nouvelle sur les échecs; le jeu des échecs y est probablement accessoire...


Holbach



Suivi