Les fossiles des premiers tétrapodes montrent des membres antérieurs et postérieurs qui se ressemblent beaucoup plus que les membres antérieurs et postérieurs des animaux modernes. En fait, les membres postérieurs et antérieurs des premiers tétrapodes ressemblent surtout aux membres antérieurs d'une souris, disons. Le genou de ces animaux fossiles comme l'acanthostega ressemble plus à une articulation du type du coude plutôt qu'un genou moderne. Il n'y a pas de rotule. Je ne sais pas quand la rotule est apparue et ce n'est pas important ici.
Ceci nous a amené à penser que le développement embryonnaire des membres postérieurs a subi plus de transformation que celui des membres antérieurs. On devrait donc avoir des programmes de développement de base spécifiques mais avec beaucoup de points communs pour chaque membre avec en plus des modifications ou des ajouts particuliers pour les membres postérieurs.
Les gènes déclencheurs des programmes de base de développement des membres sont connus. Ils appartiennent à une famille (oui, ça existe), la famille T-box. Il y en a un représentant pour chaque membre. Et dans notre lab, nous en avons trouvé un autre, un cousin des HOX, qui se retrouve uniquement dans les membres postérieurs et pas dans les membres antérieurs. Est-ce que c'est une protéine qui ajoute un plus au développement de base du membre postérieur pour en faire le membre postérieur qu'on connaît aujourd'hui? Pour ce faire, on détruit le gène en question dans un embryon avant que les membres ne se forment. Résultat : la patte (c'est chez la souris) présente des caractères de membre antérieur comme une articulation du genou de type coude. De plus, un autre labo, chez l'oiseau, a fait activer cette protéine dans l'aile (membre antérieur). Résultat : un membre monstrueux dont certaines montruosités ont des caractères de type membre postérieur (dans l'organisation musculaire par exemple). Pourquoi n'a-t-on pas des transformation antérieures/postérieures complètes, fort probablement à cause des programmes de base spécifique de chaque membre qui restent en place et qui compensent en partie (membres postérieurs) ou qui entrent en conflit (membres antérieurs).
Aurait-on pu trouver ces protéines sans concept évolutioniste? Bien sûr, mais on aurait eu bien de la misère à organiser ces nouvelles connaissances, à en tirer du sens et à aller regarder au-delà des malformations.