"La Recherche: Donc, nos cerveaux sont des ordinateurs capables de converser entre eux ?
D. Dennett: Exactement. N'est-ce pas ce que nous sommes en train de faire, vous et moi ?"
En quelque sorte, D. Dennett dit ("Il reste encore à abandonner l'idée même de « théâtre », c'est-à-dire l'idée selon laquelle il y aurait, dans le cerveau, une région particulière pour ce que nous nommons « esprit »") que nous n'avons pas d'expériences conscientes (ce que le philosophe appellent des qualia) car toutes les phénomènes touchant le système nerveux doivent être subordonnables à un point de vue à la troisième personne (i.e., une objectivité externe, le "lui") pour pouvoir être étudié. Je ne diverge donc pas d'avec Dennett sur la base: la conscience est une propriété émergente du "cablage" neuronal, qui a été soumis à la pression sélective (encore que la seule sélection naturelle explique difficilement le saut qualitatif entre la corticalisation chez les singes et celle chez les premiers humains, je crois que certaines mutations n'ont pas été "sélectionnées" en tant que tel, à partir du moment où les premiers humains ont pu s'affranchir un tant soit peu de la sélection naturelle - cela n'est qu'hypothétique). Là où je ne suis pas d'accord, c'est sur la définition que donne Dennett de la conscience. J'abonde plus dans l'idée de J.R. Searle - philosophe à Berkeley - ou d'A. Damasio - neurologiste: il existe un "théatre" interne qui se joue à la "première personne" (le "je"), et celui-ci est accessible à l'étude mais indirectement.
Ce qui est sûr, c'est que nous n'avons pas encore compris à partir de quel moment la conscience apparaît dans le traitement de l'information neurale. Certains (dont, si je me souviens bien, D. Hubel) ont avancé la possibilité qu'elle naissent par une sorte de "retour sur l'analyse": des circuits qui permettent de comprendre quels ont été les circuits précédemment actifs. Par exemple, ce que l'on voit, qu'on a conscience de voir, s'est, en fait, passé il y a quelque centaines de millisecondes, voir plus. (D'ailleurs, ce qu'on a conscience de voir est une petite partie de ce que nos yeux ont capté en terme de stimuli.) Si on met de côté tous les traitements nécessaires pour faire naître une image cohérente (couleurs, formes, textures, compréhension de l'image, etc.) de l'ensemble des informations fragmentaires données par chaque cellule rétinienne, il faut y ajouter une étape qui est celle du "je sais que je suis en train de voir cette image". Cette étape naît-elle de circuits fonctionnant en parallèle avec ceux qui traitent l'information ou bien de circuits intervenant après le traitement, comme un "regard en arrière" sur le traitement? Pas de réponses pour l'instant.
Jean-François