Emanuelle a écrit :Je dois dire que je cherchais en quoi la vitesse pouvait avoir un effet physique tel que l'un des jumeaux soit au retour plus jeune que son jumeau sédentaire. (Ceci parce que j'avais cru comprendre que la différence d'âge s'expliquait uniquement par la RR et donc sans prendre en compte l'accélération.)
D'abord
en se plaçant dans un référentiel inertiel donné R0, un petit calcul très simple permet d'illustrer le tic tac ralenti,
du point de vue des observateurs au repos dans R0, d'une "light-clock" (voir ci-dessous) se déplaçant à vitesse v par rapport à R0.
Dans un référentiel inertiel R0, on considère
- une "light-clock" formée de 2 miroirs reliés par une tige (au repos dans R0) de longueur l0 = 150 000 km
- un photon jouant au ping-pong entre ces deux miroirs.
Notre petit photon égrène de la sorte le tic tac de cette light-clock en un temps delta_t0 = 2 l0/c = 1 seconde. Notre light-clock LC0 mesure donc correctement le "temps vécu" de l'observateur au repos dans R0 possédant cette grande horloge (disons qu'il a une grande maison

).
On considère maintenant la même tige, reliant les mêmes miroirs, mais cette fois au repos dans un référentiel R se déplaçant (par rapport à R0) à vitesse v = c (1-1/2²)^(1/2) = (3/4)^(1/2) c = 0.866c dans la direction de cette tige.
Du point de vue des observateurs situés dans R, cette light-clock :
- a une longueur l0 = 150 000 km
- égrène chaque tic-tac en 1 seconde.
Notre light-clock LC mesure donc correctement le "temps vécu" de l'observateur
au repos dans R possédant cette grande horloge.
Maintenant, du point de vue des observateurs au repos dans le référentiel R0, la tige de la light-clock LC (en mouvement à vitesse v=0.866c) a une longueur l = l0 (1-v²/c²)^(1/2) =
l0/2. C'est ce que l'on appelle
la contraction de Lorentz.
Par ailleurs,
du point de vue des observateurs situés dans R0, les photons vont,
par rapport à R
- à la vitesse c(1 - (3/4)^(/2)) à l'aller
- à la vitesse c(1 + (3/4)^(/2)) au retour.
Cela découle du
caractère additif de la composition des vitesses. En effet,
même en Relativité Restreinte, la composition des vitesses reste additive du moment que toutes les vitesses sont mesurées avec les longueurs, les distances et la simultanéité d'
un seul et même référentiel inertiel (cette condition restrictive pour avoir une composition additive des vitesses serait bien sûr inutile en Relativité galiléenne puisqu'en Relativité galiléenne longueurs, durées et simultanéité sont les mêmes dans tous les référentiels inertiels).
Par suite,
du point de vue des observateurs situés dans R0, la light-clock située dans R fait un tic tac en un temps
delta_t = l /[c(1-(3/4)^(1/2))] + l /[c(1+(3/4)^(1/2))] = (l/c) [1+(3/4)^(1/2) + 1 - (3/4)^(/2)] / [(1-(3/4)^(/2))(1+(3/4)^(1/2)) soit encore
delta_t = (2l/c)/(1-3/4) = 8 l/c = 4 l0/c = 600 000 km/300 000 km/s =
2 secondes
C'est ce que l'on appelle
la dilatation temporelle de Lorentz.
Bref,
du point de vue des observateurs situés dans R0, la light-clock LC au repos dans R bat
deux fois plus lentement que la light clock LC0 au repos dans R0 parce que notre photon de ping-pong perd plus de temps à l'aller qu'il n'en gagne au retour, et ce, malgré le fait que la tige de LC soit (du point de vue des observateurs au repos dans R0) d'une longueur l=75 000 km deux fois plus courte que la longueur l0 = 150 000 km.
Malgré ce raisonnement, faisant jouer un rôle essentiel à la vitesse v = 0.866 c de la light-clock LC, on ne peut pas dire qu'il y ait un ralentissement absolu du battement de la light-clock LC du à sa vitesse.
Pourquoi ? Parce que pour les observateurs au repos dans le référentiel
inertiel R, la situation est parfaitement symétrique. Le principe de relativité est très démocratique. Tous les référentiels
inertiels sont égaux. Du point de vue des observateurs au repos dans R
- ce sont les light-clock LC au repos dans le référentiel inertiel R qui battent la seconde
- ce sont les light-clock LC au repos dans le référentiel inertiel R qui mesurent 150 000 km
- c'est dans le référentiel inertiel R que la vitesse relative de la lumière est la même dans toutes les directions
.
. au contraire, toujours pour les observateurs au repos dans R
.
- les light-clock LC0 au repos dans le référentiel inertiel R0 battent au ralenti. Elles font des tic-tac qui durent 2 secondes
- les light-clock LC0 au repos dans le référentiel inertiel R0 sont contractées. Elles mesurent seulement 75 000 km
- vis à vis du référentiel inertiel R0, mais toujours du point de vue des mesures de distance, de durée et de simultanéité de R, la lumière "avance" à la vitesse 0.134 c et "recule" à la vitesse 1.866c .
C'est ce que l'on appelle la réciprocité des effets relativistes. C'est toujours "dans l'autre référentiel inertiel" (se déplaçant à vitesse v) que
- les longueurs des objets sont plus courtes
- les horloges battent au ralenti
- la lumière "avance" à vitesse c-v et "recule" à vitesse c+v
- les horloges situées "devant" retardent par rapport aux horloges situés "derrière" (bien qu'elles battent lentement, mais à la même vitesse. C'est leur zéro qui n'est pas le même à cause de la relativité de la simultanéité)
Ensuite,
le même raisonnement, mais avec une light-clock
tournant à vitesse v (=0.866 c par exemple) le long d'un très grand cercle peut être conduit avec la light-clock d'un jumeau voyageur parcourant ce très grand
cercle à la vitesse v. Lorsque le jumeau voyageur retrouve son jumeau sédentaire au bout de
10 ans mesuré au sens du temps vécu par le jumeau sédentaire, le jumeau voyageur
aura vieilli de seulement 5 ans. La light-clock du jumeau sédentaire comme celle du jumeau voyageur confirmeront ces deux temps vécu. Il n'y a plus réciprocité. Pourquoi ? Parce que le mouvement du jumeau voyageur
n'est pas un mouvement de translation à vitesse constante.
La réciprocité des effets relativistes, qu'il s'agisse de dilatation des durées ou de contraction des longueurs, s'applique
seulement entre référentiels inertiels :
- La vitesse de translation uniforme est relative
- la vitesse de rotation et l'accélération sont absolues (elles sont mesurables sans référence à un autre référentiel).
- la contraction de Lorentz d'une tige tournant à vitesse constante v le long d'un cercle et la dilatation temporelle d'une horloge tournant à vitesse constante v le long d'un cercle ne sont pas réciproques vis à vis des observateurs au repos dans le référentiel inertiel où est tracé ce cercle.
C'est bien le mètre des observateurs tournant qui est contracté. C'est bien l'horloge de l'observateur tournant qui bat au ralenti. C'est bien le coeur du jumeau de Langevin tournant qui bat plus lentement que celui qui du jumeau de Langevin sédentaire (et je me censure quant à une autre comparaison entre les deux jumeaux me venant à l'esprit pour illustrer la contraction de Lorentz).
Nota : pour répondre à ta question sur la possibilité de faire reposer les transformations de Lorentz (exprimant les symétries relativistes) sur la vitesse maximale de transmission des informations au lieu de la vitesse maximale de propagation des interactions, il n'y a pas de problème particulier puisqu'il y a équivalence. En effet :
- La propagation d'une interaction permet de transmettre une information
- la transmission d'une information permet de propager une interaction (déclenchée par le recueil de cette information)