Argumentation de type complotiste
Publié : 06 déc. 2021, 02:24
Un article de Gérald Bronner est paru sur le site de l'AFIS, dont le titre est: Mille-feuilles argumentatifs : de puissants vecteurs de crédulité.
Il discute de la tendance qu'ont les partisans d'une théorie du complot à accumuler des critiques disparates de thèses officielles sans véritable soucis de développer des thèses alternatives. En accumulant les arguments disparates, ils montent un "mille-feuille argumentatif" comme si la quantité d'arguments remplaçait la qualité de chaque argument (qu'ils seraient bien en peine de défendre en profondeur eux-mêmes)*. Cela rend la critique plus difficile car il devient impossible d'avoir réponse à tout faute soit de connaissance dans tous les sujets abordés soit par manque de temps. C'est quelque chose d'observé sur le forum dans les propos des partisans de l'inside job dans le cas du 9/11 ou de certains anti-vax. Le simple fait qu'ils n'ont aucune véritable thèse structurée à proposer les empêche de constater que ce qu'ils défendent est encore plus bourrés de "trous" que les thèses qu'ils critiquent.
Bronner prend surtout l'exemple des "théories" qui sont apparues suite à l'attentat de Charlie Hebdo mais je reconnais des truthers du forum dans cette description (ex., Balbuzik ou j***9):
"Souvent – et c’est pour cette raison que je proposais dans l’introduction de cette contribution d’encadrer le mot théorie par des guillemets – il n’y a pas de théorie formalisée. Beaucoup de ceux qui se réclament de la théorie du complot sur tel ou tel sujet seraient mal à l’aise si on leur demandait de clarifier en détails la version alternative à laquelle ils prétendent adhérer. Ils exprimeraient ce que deux chercheurs en psychologie nomment l’« illusion de profondeur explicative » [4]. Celle-ci traduit, d’après ces auteurs, une confiance exagérée dans la compréhension de mécanismes causals que nous croyons maîtriser. Dès lors que l’on nous demande de clarifier notre cadre explicatif, cette confiance est largement altérée car nous voyons alors ce que nous ne pouvions pas voir avant : l’illusion de profondeur explicative. C’est souvent parce qu’ils ne se posent pas réellement la question de leur cadre explicatif que les conspirationnistes ne perçoivent pas l’inanité des théories dont ils se font les promoteurs. Et c’est sans doute, là aussi, à la fois la cause et la conséquence du type de pseudo-démonstrations pour lesquelles ils optent, par adjonction d’arguments."
C'est peut-être un cas particulier mais les créationnistes "scientifiques" pourraient sans doute être ajoutés à la liste. Après tout, ils critiquent les scientifiques qui "complote(raie)nt" contre la vérité biblique et le font en considérant que si l'évolution est critiquée c'est que le créationnisme est vrai par défaut. La différence est qu'ils ont généralement une thèse alternative sauf que celle-ci est généralement très approximative et n'a rien de scientifique malgré leurs prétentions contraires.
Il y a un autre article intéressant sur "Y a-t-il un profil type du complotiste ?".
Jean-François
* Une technique aussi connue, dans le cas des créationnistes par le terme de "Gish gallop".
Il discute de la tendance qu'ont les partisans d'une théorie du complot à accumuler des critiques disparates de thèses officielles sans véritable soucis de développer des thèses alternatives. En accumulant les arguments disparates, ils montent un "mille-feuille argumentatif" comme si la quantité d'arguments remplaçait la qualité de chaque argument (qu'ils seraient bien en peine de défendre en profondeur eux-mêmes)*. Cela rend la critique plus difficile car il devient impossible d'avoir réponse à tout faute soit de connaissance dans tous les sujets abordés soit par manque de temps. C'est quelque chose d'observé sur le forum dans les propos des partisans de l'inside job dans le cas du 9/11 ou de certains anti-vax. Le simple fait qu'ils n'ont aucune véritable thèse structurée à proposer les empêche de constater que ce qu'ils défendent est encore plus bourrés de "trous" que les thèses qu'ils critiquent.
Bronner prend surtout l'exemple des "théories" qui sont apparues suite à l'attentat de Charlie Hebdo mais je reconnais des truthers du forum dans cette description (ex., Balbuzik ou j***9):
"Souvent – et c’est pour cette raison que je proposais dans l’introduction de cette contribution d’encadrer le mot théorie par des guillemets – il n’y a pas de théorie formalisée. Beaucoup de ceux qui se réclament de la théorie du complot sur tel ou tel sujet seraient mal à l’aise si on leur demandait de clarifier en détails la version alternative à laquelle ils prétendent adhérer. Ils exprimeraient ce que deux chercheurs en psychologie nomment l’« illusion de profondeur explicative » [4]. Celle-ci traduit, d’après ces auteurs, une confiance exagérée dans la compréhension de mécanismes causals que nous croyons maîtriser. Dès lors que l’on nous demande de clarifier notre cadre explicatif, cette confiance est largement altérée car nous voyons alors ce que nous ne pouvions pas voir avant : l’illusion de profondeur explicative. C’est souvent parce qu’ils ne se posent pas réellement la question de leur cadre explicatif que les conspirationnistes ne perçoivent pas l’inanité des théories dont ils se font les promoteurs. Et c’est sans doute, là aussi, à la fois la cause et la conséquence du type de pseudo-démonstrations pour lesquelles ils optent, par adjonction d’arguments."
C'est peut-être un cas particulier mais les créationnistes "scientifiques" pourraient sans doute être ajoutés à la liste. Après tout, ils critiquent les scientifiques qui "complote(raie)nt" contre la vérité biblique et le font en considérant que si l'évolution est critiquée c'est que le créationnisme est vrai par défaut. La différence est qu'ils ont généralement une thèse alternative sauf que celle-ci est généralement très approximative et n'a rien de scientifique malgré leurs prétentions contraires.
Il y a un autre article intéressant sur "Y a-t-il un profil type du complotiste ?".
Jean-François
* Une technique aussi connue, dans le cas des créationnistes par le terme de "Gish gallop".