Ildefonse a écrit :Je pense que la volonté de celui qui m'a opposé cette étude était de démontrer qu'on ne peut pas confier des enfants à l'adoption à un type de couple dont l'une des caractéristiques est une violence double de l'autre.
Je rebondis sur cette phrase, dont la formulation est extrêmement trompeuse.
"une violence double de l'autre" laisse penser que, sur une échelle continue de violence, les couples gays auraient un score double des hétéros. Ce n'est pas le cas, la mesure est binaire : Avoir subi des violences conjugales, ou pas. L'étude montre que 85% des gays, comme 93% des hétéros, ne sont pas concernés par la violence conjugale, mais la formulation généralise la violence à ces 85% de gays non concernés.
Si une étude montrait que 0,1% des schtroumpfs du Nord présentent la mutation de la peau verte, ainsi que 0,2% des schtroumpfs du Sud, pourrait-on dire "une des caractéristiques des schtroumpfs du Sud est une peau deux fois plus verte que les autres" ? Non, bien sûr. Ici, les pourcentages sont plus gros, mais on ne peut pas dire qu'une chose est caractéristique d'une population, quand elle ne concerne pas 85% de cette population.
Le terme "caractéristique" est également trompeur, en ce sens qu'il suggère un lien causal, quand l'étude n'a établi qu'une corrélation (et encore, une corrélation à prendre avec prudence, selon les termes de l'auteur). Or, cette corrélation peut être liée à des facteurs autres, et notamment des différences dans la mesure. En voici deux exemples
D'une part, la mesure est binaire : avoir subi des violences conjugales pendant la période de référence, ou pas. Supposons que, toutes choses égales par ailleurs, les couples gays durent, en moyenne, moins longtemps que les couples hétéros. Plus spécifiquement, supposons que, sur la période de référence, les gays aient en moyenne deux fois plus de relations de couples que les hétéros. Supposons également que la proportion de personnes ayant tendance a commettre des violences conjugales soit la même dans les deux populations. Alors, par un simple effet mathématique, un gay aura deux fois plus de chance (de malchance en l’occurrence) de se retrouver dans une relation avec un partenaire violent qu'un hétéro, et cela se traduira automatiquement par un taux de violence conjugale deux fois plus important.
Ton interlocuteur mystère et apparemment muet rétorquera sans doute que l'instabilité des couples est mauvaise pour les enfants, et donc que, si les couples gays durent en moyenne moins longtemps, c'est une raison valable pour leur refuser l'adoption. Sauf qu'il ne s'agit là que d'une moyenne, et que la stabilité d'un couple est déjà évaluée dans les procédures d'agrément, et qu'elle peut l'être aussi bien pour un couple gay qu'un couple hétéro, de façon directe.
Mon deuxième exemple n'ouvre même pas la voie à ce genre d'arguments. L'étude se base sur les déclarations des victimes, qui ne sont pas forcément complètes. Plus spécifiquement, un homme aura souvent du mal a admettre avoir subi des violences de la part de sa femme. Supposons que la proportion d’agression soit la même dans les 4 populations (femme hétéro, femme gay, homme hétéro, homme gay), mais que les homme hétéros déclarent pratiquement jamais l’agression. Là aussi, on va tomber mécaniquement sur un taux de victimisation mesurés deux fois plus élevé chez les gays que chez les hétéros, alors que la réalité vécue est la même.
En combinant mes deux exemples, on pourrait même avoir un taux de violence réel chez les gays 2 fois inférieur, qui donne une mesure double. Bien sûr, les valeurs que j'utilise dans exemples hypothétiques sont trop extrêmes, et je ne crois pas une seconde que ce soit le cas. Mais les suppositions sous-jacentes ne sont pas absurdes. Avant de conclure quoi que ce soit sur une violence conjugale spécifique chez les gays, ils faut s'assurer d'avoir pris en compte ces facteurs - et sans doute de nombreux autres.
Pour les échantillons statistiques, comme dans d'autres domaines, il n'y a pas que la taille qui compte.
Raisonner a l'instinct sur des problemes de probabilites, c'est le desastre assuré. (Spin Up)
Une graphe sans échelle, c'est bon pour la poubelle