Christian a écrit : 28 août 2020, 23:44
Pourquoi Sophie Durocher parle DU Québec au lieu
de la ville
de Québec?
Elle traite le sujet par dessus la jambe ?
Elle pose la question ?
"En quoi est-ce "scandaleux"* qu’on ait confié deux rôles interprétés par des comédiennes latino-américaines à des comédiennes non latinas dans l’adaptation québécoise
de Brooklyn Nine-Nine ?"
L'article qu'elle cite y réponds, bien sûr elle est pas obligé d'être d'accord, mais ignorer un argument n'est pas le réfuter.
"
les enjeux éthiques autour d’une série comme Brooklyn 99 / Escouade 99 vont plus loin que les seules questions
de distribution. C’est que la comédie entre en droite ligne dans ce que
de nombreux critiques ont nommé « copaganda ».
De la propagande policière, si on préfère.
La « copagande » est au cœur
de l’obsession des studios américains pour les films et les séries policières. Il s’agit
de séries où on présente un monde fantastique
de policiers superhéros. Dans cet univers parallèle, le travail
de la police ne consiste pas principalement à répondre à des urgences sociales, mais bien à combattre des criminels violents. Dans ces services
de police fictifs, il n’y a pas
de profilage racial et social. Pas
de violence envers les populations marginalisées ni
de surveillance systémique. Pas
de citoyens qui moisissent en prison simplement parce qu’ils sont trop pauvres pour payer la caution
de libération. Pas d’agents
de la paix qui fabriquent des preuves en cour et qui ruinent des vies. Certainement pas
de George Floyd.
Brooklyn 99 se déroule dans un Brooklyn sans embourgeoisement, sans tensions sociales. L’humour vient contribuer à l’image d’un NYPD sympathique, humain, proche des gens, un peu maladroit, mais pas méchant. On dira que c’est parce qu’il s’agit d’une comédie légère. Or, bien des sitcoms afro-américaines ont déjà abordé ces questions difficiles. Il n’est pas nécessaire
de faire dans la « copagande » pour faire rire.
La plupart des séries policières américaines engagent des « consultants policiers » pour proposer des intrigues, réviser les scénarios et coacher les acteurs. Il s’agit d’abord d’offrir une connaissance du métier qui permette
de faire
de la télévision ou du cinéma réaliste. Mais cette implication met aussi des limites aux aspects
de la réalité que l’on peint au petit et au grand écran. Les corps policiers américains comprennent très bien le rôle des représentations populaires dans leur image auprès du public. Hollywood leur offre un service
de marketing qu’aucun stratège en communication ne pourrait égaler.
À force d’être bombardée depuis l’enfance
de ces images
de policiers héros, la classe moyenne blanche, qui n’a, elle, que peu ou pas d’interaction directe avec la police, fait difficilement la différence entre la fiction hollywoodienne et la réalité. Résultat : quand éclate le mouvement d’exaspération devant la brutalité policière, l’injustice systémique et le profilage, il lui est difficile
de croire les témoignages douloureux livrés par ses concitoyens.
Le milieu culturel québécois a importé plus ou moins consciemment l’obsession américaine pour les séries policières. Même quand le scénario est d’ici, il faut reconnaître que la popularité du genre prend ses racines ailleurs. Au Québec aussi, on a souvent des consultants policiers qui travaillent avec les créateurs. L’ex-directeur des relations publiques du SPVM et député caquiste Ian Lafrenière avait par exemple conseillé l’équipe
de la très populaire série 19-2. Lafrenière ayant refusé tout au long
de sa carrière comme porte-parole du SPVM
de reconnaître l’existence du profilage racial, on ne peut pas être surpris que le sujet soit aussi absent
de la série. Et puis, on pourrait parler
de l’agence Police Action, qui conseille depuis 1984 les scénaristes
de plusieurs films et séries tout en offrant les services
de véritables policiers pour jouer des rôles
de figurants sur les plateaux.
Dans le contexte, il ne faut pas s’étonner que, malgré la liste impressionnante
de films et
de séries policières québécoises — originales ou adaptées —, les thèmes plus dangereux pour les relations publiques policières restent largement absents
de nos représentations culturelles. Ce faisant, le milieu culturel québécois reproduit ici le problème
de la« copagande ». La fiction télévisuelle forge si profondément l’imaginaire populaire
de la police qu’on peine à regarder en face les réalités que les populations victimes
de profilage racial et social tentent
de faire connaître."
* le
scandaleux me semble aussi abusif que le
insoutenable.