curieux a écrit : 19 mai 2022, 12:51Depuis, on sait aussi qu'il y a des phénomènes irréversibles qui conduisent à une "mort" inéluctable.
Ce qui signifie qu’il en existe qui sont réversibles.
curieux a écrit : 19 mai 2022, 12:51rien n'est moins sûr...
La question
de l'irréversibilité (pas du Big-Bang qui n'est nullement l'objet de ma réponse) n'est pas une question facile, d'autant qu'
il y a encore débat (au bon niveau) sur cette question. Si on en croit la symétrie CPT (la symétrie T, elle, n'est qu'imparfaitement respectée),
les évolutions sont toutes unitaires. Cela signifie que l'information sur un état antérieur d'un système isolé est sensée être toujours présente
en totalité dans son état actuel (1). Paraphrasant Lavoisier concernant l'énergie "l'information ne se crée pas, ne se perd pas mais se transforme."
Voui, mais du coup, comment parvenir à surmonter le
paradoxe de l'irréversibilité, la fuite d'information (2) hors de portée de l'observateur (cet intrus indésirable) requise pour faire émerger l'irréversibilité des évolutions (3).
En fait, cette supposée absence d'irréversibilité me semble découler de l'illusion réaliste, l'impression que les lois de la physique ne doivent rien ni à l'observateur ni à l'acte d'observation. Sur ce point là, par contre, je n'ai plus de doute.
Non, les lois de la physique ne sont pas des lois indépendantes de l'observation et de l'observateur, elles en découlent et c'est cette interaction observateur-objet observé que modélisent les lois de la physique.
Par exemple :
- l'impossibilité de machines monothermes, donc l'impossibilité de mouvement perpétuel de deuxième espèce,
- l'impossibilité de réaliser un démon de Maxwell, c'est à dire de transformer de la chaleur en travail sans rejeter plus d'entropie dans l'environnement que n'en est éliminée du moteur (en transformant la chaleur en travail) (4)
sont elles une conséquence inéluctable, absolue, objective des lois de la physique ou, au contraire, une conséquence de nos limitations d'accès à l'information ?
Selon moi (du moins aujourd'hui. J'ai longtemps été interrogatif quant à cette interprétation), c'est la deuxième réponse la bonne.
Il y a encore débat sur ce point. Certains physiciens refusent à l'observateur d'être autre chose qu'un objet physique régi par les lois d'une physique qui présenterait un caractère
résolument objectif. C'est ce désir de se raccrocher à cette vision "objective" de la physique, une vision issue de la physique du 19ème siècle (une vision réaliste dont nous sommes inconsciemment imprégnés), qui explique pourquoi un certain nombre de physiciens continuent à chercher une ou des hypothèses qui permettraient de retirer tout rôle à l'observateur et à l'acte d'observation dans la réduction du paquet d'onde et, d'une manière générale, dans les évolutions irréversibles qui sont à l'origne de l'écoulement irréversible du temps (5).
Cette voie de recherche, visant à éliminer l'observateur de l'écoulement irréversible du temps et de la physique en général (pour en revenir à la vision objective de la physique de la fin du 19ème siècle), me semble vouée à l'échec. Elle est philosophiquement intenable. Elle peut marcher mathématiquement et se conformer aux faits d'observation par ses prédictions (cf. l'
interprétation GRW de la réduction du paquet d'onde) mais au prix de l'ajout d'une hypothèse ad-hoc que seule justifie notre désir de voir notre physique se conformer à notre sens commun.
Nota : ma remarque n'a nullement trait au fil le big-bang dont je l'ai d'ailleurs extraite. Elle concerne uniquement le paradoxe de l'irréversibilité qui n'a toujours pas fini de faire couler de l'encre. Elle ne vise donc nullement à défendre, de quelque manière que ce soit, les erreurs et
non sens propres aux positions de richard dès lors qu'il s'exprime sur des sujets de physique fondamentale (elles ne sont pas dans son domaine de compétence).
(1) Avec une difficulté théorique, le seul système vraiment isolé possible c'est l'univers dans son ensemble
(2) Fuite d'information cachée dans l'hypothèse du
chaos moléculaire dans la démo du
théorème H de Boltzmann par exemple.
(3) On pourrait quand même se demander si, au plan du principe, un "tourniquet" dont les faces seraient perméables aux molécules d'un gaz dans un sens et imperméables dans l'autre ne serait pas une machine transformant de la chaleur en travail au cours d'un cycle monotherme. Si l'idée s'avérait correcte au plan du principe, et bien sur quasi-irréalisable en pratique (ou inintéressante. Problème d'encrassement par exemple) cela signifierait que la limitation en question ne serait pas une impossibiité à caractère physique, mais, au contraire, une limitation à caractère technologique.
(4) Comme la désintégration d'un noyau atomique instable. Un tel noyau atomique n'a aucune chance de se "réintégrer". Il est tout simplement impossible de retrouver des conditions initiales rigoureusement T inverses de celles observables après sa désintégration (d'autant qu'il faudrait une inversion CPT et
non une simple inversion des vitesses d'évolution). C'est tout autant impossible (probabilité ridiculement faible) que de voir s'inverser par hasard exactement les vitesses des molécules d'un gaz s'étant répandu dans un réservoir, initialement à moitié vide derrière une cloison étanche intermédiaire, dont on a ouvert cette cloison.
(5)
The arrow of time Ilya Prigogine
Time Asymmetric Quantum Mechanics Arno R. Bohm, Manuel Gadella, Piotr Kielanowski
The extension of classical dynamics for unstable Hamiltonian systems T.Petrosky, I.Prigogine