Mais sans observateur, pas de notion d'information
shisha a écrit : 21 mai 2022, 23:39L'observateur a besoin d'information, mais l'information ne peut-elle pas exister même sans observateur? De l'information brute, sans qu'elles soient recueillies, traitées et ou exploitées par du vivant?
Pas plus que l'existence d'un regard sans yeux ou d'un sourire sans bouche.
L'information sur un objet n'existe pas sans le couple objet observé-(classe d')observateur(s) caractérisant par des informations son interaction avec cet objet. Qui plus est, l'information, pour être considérée "objective" (intersubjective en fait) requière une grille de lecture
commune au sein de cette classe d'observateurs. Je détaille ce point
très important (et difficile) ci-dessous :
Pourquoi l'eau d'un verre d'eau dans lequel on a laissé tomber une goutte d'encre devient-elle sensiblement uniformément grise au fur et à mesure de l'écoulement du temps ? Parce que
pour nous les zillons d'états dans lesquels l'eau nous apparait comme uniformément grise sont
indistingables à notre échelle d'observation. Dans l'espace de phase (espace des positions-vitesses du système observé) ces zillons d'états sont en nombre considérablement plus élevé que les états dans lesquels l'encre est plus concentrée à certains endroits qu'à d'autres.
De ce fait, cet état est stable, résistant aux agressions de l'environnement, reproductiblement lisible. C'est cette reproductibilité de "l'état" observé pour toute entité partageant la même grille de lecture (c'est le cas de tous les êtres vivants selon moi) qui
fait naitre la notion d'information.
Une information a été irréversiblement enregistrée au prix du sacrifice des zillons d'informations qui seraient nécessaires à la caractérisation complète de l'état positions-vitesses de toutes les molécules d'encre de l'un, particulier, de ces états qui nous apparaissent identiques.
shisha a écrit : 21 mai 2022, 23:39Un soleil tournant autour d'un centre de la galaxie à une période où le vivant n'existait pas, est à la fois un objet non vivant et un phénomène périodique et irréversible (dans son sens classique du terme en tout cas*).
Quand bien même, il n'y aurait personne pour recueillir et traiter ces infos, le temps avançait, des étoiles explosaient/s'effondraient et d'autres naissaient (il y a donc bien un avant, aprés, pendant, principe de causalité).
Que nous soyons là ou non pour "remonter dans le temps"/traiter ces infos ne change pas le "fait" que du point de vue de l'étoile "le passage du temps" s'opère bel est bien, avec notament un début et une fin.
*Car dans le sens que tu l'emploies, tu l'associes automatiquement à un observateur (pour une raison qui m'échappe).
Pour répondre, je poursuis avec l'exemple de la goutte d'encre (il faudra transposer et généraliser).
Tout enregistrement d'information classique (la seule chose que nous sachions recueillir et traiter) repose sur ce principe. Les informations que nous croyons "exister dans l'absolu" pour caractériser des "propriétés absolues" sont, en effet, enregistrées dans des bains thermiques.
Le sens commun (un piège dans le cas de sujets un peu touchy en physique, cf. la relativité de la simultanéité ou le caractère non objectif de l'état quantique (1)) nous dit : "Oui mais quelle importance ? Les informations sur les vitesses et positions de ces molécules d'encre existent bien,
en elles-mêmes, qu'elles soient observées ou ne le soient pas...
...oui
...d'une certaine façon
...mais d'une façon qui demanderait (si ces données étaient observées)
le recours à un principe similaire d'enregistrement irréversible d'information.
L'information que nous recueillons et manipulons
n'existe pas sans une grille de lecture appropriée. Aussi curieux que cela puisse paraître, c'est à la fois notre
interaction avec l'univers et
notre grille de lecture d'observateur macroscopique qui
confère à l'univers les propriétés que nous lui
attribuons indument. C'est l'illusion réaliste.
Qu'est-ce qui fait que nous classons les évènements
dont nous observons des traces comme évènements passés et les évènements dont nous n'observons "pas encore" les traces comme des évènements futurs par exemple ?
C'est "simple" (pas tant que ça) :
- nous pouvons observer certains os de dinosaure : cette information nous est accessible, décodable et reproductible dans le temps et entre observateurs, garantissant ainsi leur intersubjectivité.
- nous ne pouvons pas observer les os d'animaux qui "n'existent pas encore", un fait que nous ne parvenons pas à interpréter autrement que comme un fait objectif, indépendant de nous et indépendant de notre mode de recueil d'information et de notre grille de lecture.
Qu'en est-il ?
Les atomes qui constituent ces animaux futurs, ils existent déjà (je suis contraint de rester dans un mode d'expression classique contenant l'erreur que je pointe), mais ils ne sont pas observables car pas accessibles et rassemblés sous une forme qui nous soit décodable comme ensemble d'atomes formant un os d'animal.
- un évènement est classé évènement passé quand nous avons accès à des traces stables, facilement et repoductibement décodables de cet évènement,
- un évènement est classé évènement futur quand nous n'avons pas accès à des traces stables, facilement et reproductiblement décodables de cet évènement.
Notre grille de lecture et nos limitations d'accès à l'information confèrent à l'ensemble d'atomes rassemblés en un os d'un anaimal, une signification différente de l'ensemble d'atomes formant les os d'un animal qui, selon
notre catégorisation des évènements, naitra dans le futur.
Ces catégorisations et les informations qui les caractérisent (os d'animal, évènement passé/évènement futur...) ont une signification objective...
...pour nous, êtres vivants.
(1)
QBism, the Perimeter of Quantum Bayesianism
Christopher A. Fuchs
Quantum stuff do not exist
The world may be full of stuff and things of all kinds, but among all the stuff and all the things, there is no unique, observer-independent, quantum-state kind of stuff