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par Nocternity » 05 janv. 2009, 19:15
Est-ce qu’il faut réformer notre langue? Cette question est un peu impertinente lorsque l’on sait qu’on la réforme déjà. La réforme de l’orthographe, les rectifications ou la nouvelle orthographe, appelez la comme vous le voulez, avec ses recommandations a été acceptée à l’Académie en 1990 si je ne me trompe pas. Et si on regarde plus loin, on voit que la langue française en subit assez régulièrement des réformes. Certaines plus ou moins ambitieuses, plus ou moins réussies.
Cela fait donc 18 ans que ceux qui le désirent (il s’agit encore et toujours de règles suggérées et non pas imposées, une période transitoire dont on ne voit pas vraiment la fin pour des raisons que j’énoncerai plus bas) peuvent écrire nénuphar « nénufar », événement « évènement » et oignon « ognon ». Malheureusement (ou heureusement, dépendamment de vos sentiments, oui des sentiments car il ne s’agit que de cela), très peu nombreux sont les éditeurs qui ont embrassé la réforme. Quelques enthousiastes par-ci par-là, mais je vous mets au défi d’ouvrir votre journal quotidien et d’y repérer un « connaitre » ou une « ile » qui ne soit pas une erreur ayant échappé à la révision.
Pourquoi est-ce ainsi? Plusieurs raisons, mais surtout parce que 1 : les gens n’aiment pas (pour diverses raisons allant des habitudes à l’esthétique en passant par le « je me suis donné du mal pour apprendre l’accord du participe passé, alors que les autres le fassent aussi ») et 2 : les gens ne sont pas obligés. Si on me dit de m’astreindre à une tâche que je trouve rebutante, mais qu’à la fin on me dit que ce n’est pas obligatoire, pourquoi le ferais-je? Parce que ça m’amuse, possible. Bien des gens ne trouvent pas cela amusant.
Constat, nous avons une réforme sans crocs. Devrait-elle en posséder, des crocs? Je ne sais pas trop, ça me paraîtrait un peu de la dictature culturelle. Ça me mettrait mal à l’aise. Mais au moins, assurément, les jeunes des prochaines générations, eux, vont avoir adopté cette orthographe rectifiée! Or, aux dernières nouvelles, au Québec, la nouvelle orthographe n’est pas enseignée.
La première fois que j’en ai entendu parler, c’était à la sortie du Mille-patte sur un nénufar, et l’intérêt des médias a tôt fait de passer à autre chose. J’ai à nouveau côtoyé la réforme dans mes cours de français au niveau universitaire. Ça ne faisait pas l’objet d’un cours à lui tout seul, mais c’était plutôt dans le cadre du cours de révision de textes. Plus pour nous dire, ça l’existe et vous pourriez, par un hasard tout à fait admirable, être appelé à corriger un texte dont l’auteur serait un de ces zélés dont la touche de l’accent circonflexe de leur clavier est brisée. Et Dieu merci, nous ne nous sommes pas trop attardés sur le sujet, puisque dans la réalité du métier de réviseur que j’exerce aujourd’hui, l’orthographe rectifiée, comme dirait Julie Masse, c’est zéro.
Quant à ceux qui veulent transformer radicalement le français, je leur dirais : pour en faire quoi? Une langue plus facile à apprendre? Une langue parlée par plus de locuteurs? Un nouvel anglais? Si vous cherchez une langue universelle, vaudrait mieux bâtir sur une langue qui a déjà accompli beaucoup en ce sens : l’anglais.
Pour ma part, je n’aime pas la nouvelle orthographe. Pour des raisons purement sentimentales. Je suis, comme beaucoup, attaché à cette langue. Je l’aime comme elle est. Pour moi, une voûte ne sera jamais aussi majestueuse sans ^. Ça ne fait pas partie du monde que j’ai lu, et ça n’en fera jamais partie. Ça m’écorche la rétine. Mais bon, la langue vit, et ce n’est certes pas pour moi seul. En définitive, c’est l’usage qui en définira la course plus que tout.