Bonjour Jean-François, désolé pour le retard.
Jean-Francois a écrit :Qui le dit? Et, sur quoi ce baserait cette "conception du sujet"?
Qui le dit? les chercheurs (psychologues ou bien psychiatres) et même les cours de première année de psychologie clinique.
On ne peut pas remettre en question un savoir universitaire juste en se basant sur des a priori.
La conception du sujet se base sur le postulat de l'inconscient (cela amène une démysthification de la conscience humaine qui était auparavant perçue comme parfaite, étant le produit de Dieu, et une unicité de l'individu).
Jean-Francois a écrit :Surtout que vous contredisez votre affirmation sur l'importance de la psychanalyse pour la psychologie
Citez-moi.
Jean-Francois a écrit :je pense que la psychologie s'est développé en parallèle (et, jusqu'à un certain point, en dépit) de la psychanalyse):
Peut-être parce que pour vous la psychologie est une seule et unique discipline. Or la psychologie (vous le savez peut-être) est composée de 4 secteurs principaux:
psychologie clinique (majoritaire en France en terme d'effectif étudiant),
psychologie cognitive (majoritaire en terme d'influence au Canada et USA et aussi ma préférée

),
psychologie du développement et
psychologie sociale.
Or la psychologie clinique s'est développée avec la psychanalyse, ces 3 principaux fondateurs étant Witmer (mais son action n'a eu que peu d'action immédiate), Janet (il parle, dès 1887, plusieurs fois de "psychologie clinique" dans "
Névrose et idées fixes") et...Freud ("Maintenant, la connexion avec la psychologie telle qu'elle se présente dans les Etudes [sur l'hystérie] sort du chaos; j'aperçois les relations avec le conflit, avec la vie, tout ce que j'aimerais appeler
psychologie clinique"---lettre à Fliess, 1899).
En France l'édification d'une théorie de la psychologie clinique a été l'oeuvre de Lagache (Daniel), à la fois philosophe, psychiatre et psychanalyste. La psychologie clinique est avant tout l'investigation d'un sujet singulier en soi, en ce sens elle s'oppose à la méthode expérimentale par sa pratique (que l'on trouve en psy' cognitive, du développement ou sociale). Cependant Lagache admettait la relative infériorité de la psy' clinique sur la psychologie expérimentale mais pour lui "elle apparaît comme le mode d'approche le plus adapté aux conduites humaines concrètes c'est-à-dire à un ordre de faits psychologiques à la fois très étendu et primordial". C'est par la généralisation à partir des études de cas que la psychologie clinique construit son savoir.
Juliette Favez-Boutonnier, elle aussi philosophe, médecin et psychanalyste, a développé la perspective de Lagache. Elle participa à la reconnaissance de la psychologie par l'Université en proposant en 1967 un certificat de psychologie clinique à la Sorbonne dans le cadre de la licence de psychologie.
Il est vrai que ces deux auteurs importants ont différencié psychologie clinique, psychiatrie et psychanalyse dans leur pratique respective mais leurs travaux se sont toujours inspirés de conceptions théoriques freudiennes.
Jean-Francois a écrit :Les universités ne possèdent pas de Département de Psychanalyse mais celle-ci peut être enseignée dans des cours donnés en psychologie
Tout à fait même si "ensignée" est un bien grand mot pour la psychanalyse car on n'apprend pas la méthode thérapeutique et le savoir théorique rattaché à la psychanalyse se fait dans le cadre de la psychologie clinique (ou du développement par certains aspects).
Mais je suis d'accord sur le fond, même si on ne peut réellement comparer la psychanalyse à l'astrologie.
Jean-Francois a écrit :Le problème, à mon avis, est que la psychanalyse n'a pas vraiment dépassé ce savoir. Ce n'est pas en causant de soi, même selon une grille d'intrépétation établie par le Maître que l'on découvre réellement quelque chose sur la nature humaine, le fonctionnement du cerveau ou autre
Le sujet analysé parle de soi certes mais ce n'est pas cela que l'analyste retient. De plus ce dernier n'a pas de grille d'interprétation (singularité du sujet).
Ensuite pour ce qui est de la dialectique maître-élève ce n'est qu'une vue de l'esprit (à part pour quelques psychanalystes intégristes). Enfin la psychanalyse en tant que pratique n'a jamais eu une prétention expérimentale justement à cause du respect de la singularité du sujet.
Jean-Francois a écrit :Vos histoires "d'association libres" permettent surtout de rester à l'intérieur d'un système symbolique, plus que de comprendre un patient
Personnellement je pense le contraire, Pinel (1745-1824), à l'origine de la création de l'école psychiatrique française, a été l'un des premiers à "écouter les fous" (la psychanalyse ne traite pas les "fous", c'est-à-dire les psychotiques chroniques, ndrl) en leur appliquant un "traitement moral" "respectant les droits sacrés de l'humanité". Pinel appliqua un système de traitement en lien avec les valeurs des "philosophes des lumières", c'est-à-dire qu'il appliqua un système symbolique (donc le sens échappe en fin de compte au "fou" mais qu'importe) à une méthode de traitement. C'est exactement la même chose pour la psychanalyse. La psychanalyse permet de prendre en compte toute la singularité du sujet (toute son histoire telle qu'il la raconte) ce qui n'est pas le cas d'un traitement aux psychotropes. Attention je ne dit pas que la psychanalyse est mieux que la psychiatrie (Les deux ne traitent pas les mêmes sujets, même si beaucoups de névrotiques vont voir un psychiatre, mais il faut juste savoir relativiser sur la question).
Jean-Francois a écrit :Les psychologues et psychiatres ne se contentent pas de voir ce que le patient dit, ils comparent par rapport à un système qui n'est pas symbolique: qui est testé
Cela dépend de quelle psychologie vous parlez. Mais ce qui est sûr c'est que la psychanalyse n'a rien d'expérimental et de scientifique je suis d'accord. Il n'empêche que beaucoup d'études en psychologie clinique de cas se font sur une méthode qui emprunte beaucoup à la méthode psychanalytique.
Jean-Francois a écrit :C'est là où je diffère le plus. La légende veut que la psychanalyse se soit fait sur un mode scientifique... mais la réalité semble très différente: Freud* a inventé ces cas fondateurs et son système procède de l'arbitraire plus que de l'objectif. La psychanalyse ne résulte pas vraiment de l'observation mais des a priori de Freud. Si la naissance était scientifique, il n'y aurait aucune raison pour que le système lui-même ne le soit pas.
Attention ce n'est pas une légende en soi c'est une opinion que j'ai émis.
Freud n'a pas inventé ces cas fondateurs, là c'est une légende.
Quand à l'arbitraire c'est relatif, les personnes qui allaient le consulter le faisait en sans en être forcées. Après dire qu'une méthode inventée sans objectivité expérimentale est arbitraire est le genre de relation que je me garde de faire.
La psychanalyse ne résulte pas des à priori de Freud. Encore une fois il y a toute une histoire de la pathologie derrière Freud. Faire une fixation sur Freud c'est oublier qu'il avait une formation scientifique (de neurologue), qu'il a côtoyé de grand scientifiques de son époque (Charcot notamment) et qu'il n'est en rien un "gourou sorti de nulle part", et qu'enfin il n'est pas le seul fondateur de la psychanalyse (Joseph breuer, psychiatre, à inventé la méthode cathartique centrale dans le dispositif psychanalytique).
Jean-Francois a écrit :Remarquez que si la psychanalyse était fondée elle serait très certainement une part intégrale de la psychologie cognitive
C'est tout le contraire car le fossé théorique entre psy' cognitive et psychanalyse est très grand. La psychologie cognitive traite de fonctions et de processus mentaux (mémoire, apprentissages, résolution de problème, etc) purement conscients alors que la psychanalyse traite de processus uniquement inconscient.
Jean-Francois a écrit :La plupart des défenseurs rationnels de la psychanalyse qui postent sur ce forum sont très ambivalents: ils reconnaissent qu'elle n'est pas scientifique (et même, parfois, qu'elle manque d'objectivité), tout en cherchant à défendre une certaine valeur thérapeutique à celle-ci.
C'est tout à fait vrai mais ce que je défend (du moins j'essaie

) personnellement ce n'est pas sa valeur thérapeutique (qui n'a pas de valeur statistique d'ailleurs si ce n'est l'appréciation d'études de cas) mais le fait que la psychanalyse en tant que théorie (la métapsychologie de Freud) est présente à l'université dans différents secteurs psychologiques (clinique essentiellement) et a été à l'origine de nombreux travaux scientifiques même en psychiatrie.
Il y a un paradoxe entre le fait que la psychanalyse n'est pas scientifique (car sa méthode ultra-individuelle s'oppose au critère essentiel de reproduction de l'observation) et qu'elle serve différents secteurs autant psychologiques que médicaux dans la construction d'hypothèses et de travaux.
Mais peut-être qu'il s'agit là d'une spécificité française, là j'en sais rien. Je dis ça car au Canada et aux USA les sciences cognitives sont beaucoup plus développées, à juste titre d'ailleurs, qu'en France.
Jean-Francois a écrit :A mon avis, c'est un peu comme tenter de défendre l'homéopathie en reconnaissant que c'est de la foutaise en regard de ce qui est connu en chimie.
Seulement un peu alors

.
Les troubles psychiques ne sont pas comparables aux troubles somatiques.
Jean-Francois a écrit :Si vous voulez continuer à défendre-sans-défendre la psychanalyse, ça serait gentil de m'apporter la référence à l'étude qui aurait "[montré] une amélioration du rapport qu'entretient le sujet envers son modèle social". Et si vous pouviez me préciser ce que cela veut dire un tel "rapport" et en quoi cette amélioration est forcément due à la psychanalyse, ça serait encore plus aimable.
J'essairait de vous amener une étude de cas menée par une psychologue (d'inspiration psychanalytique) de ma fac.
Il ne' sagit pas de psychanalyse pure mais d'un traitement clinique d'inspiration (très inspiré même du fait que la psychologue analyse le discours de l'enfant pour trouver un traitement) je ne vous promet rien car c'est sur papier et il faudrait que je scanne (en plus elle est plutôt drôle).
Pour répondre à la notion de rapport: le sujet en question (un enfant) dans cette étude émet des comportements et attitudes qui ne sont pas en accord avec la "normalité" (entre guillemet car c'est relatif). Il a des difficultés scolaires et parle notamment en employant systématiquement toute une réthorique moyen-âgeuse, ce qui fait rire les autres enfants. Il a aussi tendance à nier le autres en les traitant de "gueux" et ne fais pas la différence entre les filles et les graçons. Il peint beaucoup en nommant ces toiles avec des termes scatologiques (genre "merdes plates") alors qu'il n'y a aucun rapport. Cependant il adore l'Histoire.
La psychologue va le suivre pendant un certain temps et va le recroiser plus tard alors qu'il est un brillant étudiant...en histoire, et vit en couple avec une femme.
La psychologue émet alors une hypothèse dont je ne me souviens plus le concept central mais qui fait le lien entre le suivi psychologique et l'amélioration du rapport du sujet à son environnement social (aux autres individus, aux normes , aux institutions , etc...).
Voilà j'ai été un peu lourd sur la forme mais j'espère que celà puisse modestement vous éclairer.
Un peu de bibliographie pour comprendre le lien entre psychologie, psychiatrie et psychanalyse:
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Introduction à la psychopathologie, Jean Ménéchal, 1997, Editions Dunod.
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Introduction à la psychologie clinique, Jean-Louis Pédinielli, 2005,EditionsArmand-Colin.
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La psychologie clinique, histoire et discours, de l'intêret de la psychanalyse, Marie-Jean Sauret, 1995, PUM.
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Intoduction à la psychiatrie clinique, E.Kraepelin, 1984, Navarin.
☼ "Pour expliquer un brin de paille, il faut démonter tout l'Univers" ☼ (Remy de Gourmont)