Le végétarisme et le scepticisme

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Feel O'Zof
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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#426

Message par Feel O'Zof » 29 mai 2009, 00:33

Salut Denis et Sceptigo,
Sceptigo a écrit :Pour éliminer cette variation d’intensité, je vais modifier un peu le scénario du combat de gladiateurs : les spectateurs regardent maintenant le combat de gladiateur par internet et ils n’ont aucun moyen de connaître le nombre de spectateurs qui assistent à ce combat. Le bonheur de chaque spectateur reste donc constant peu importe le nombre de spectateurs.

Si, en moyenne, les spectateurs ressentent chacun un bonheur d’intensité 10 et que les deux gladiateurs ressentent chacun un bonheur d’intensité -9 999, alors, selon mon éthique, le combat de gladiateurs devient éthiquement justifié à exactement 2000 spectateurs. Ce que je ne comprends pas dans ton calcul utilitariste, c’est pourquoi tu ne prends que le bonheur d’un seul spectateur, qui est d’intensité 10 dans mon exemple, et que tu le compares à celui des gladiateurs. Pourquoi n’additionnes-tu pas le bonheur de tous les spectateurs?
Je ne comprends tout simplement pas pourquoi je devrais l'additionner. Peu importe combien ils sont, le fait de ne pas avoir vu de combat de gladiateur leur sera aussi peu préjudiciable; qu'ils soient dix ou dix milliards. La «souffrance» que leur causerait le fait de ne pas avoir vu de combat de gladiateurs sera aussi facile à guérir - qu'il y ait un ou mille spectateurs.
Denis a écrit :Ça ressemble trop à : Si des gamins lanceurs de roches brisent une vitre à chacune de 20 maisons, c'est moins pire que s'ils brisent les 20 vitres d'une même maison.

Ça ressemble même à : Mieux vaut recevoir 1000 météorites d'un million de tonnes chacune qu'une seule météorite d'un milliard de tonnes.
Ton deuxième exemple est inapproprié si la cible des météorites est la même personne dans les deux cas (ou le même groupe de personnes). Dans ton premier exemple, par contre, je trouve qu'il est effectivement moins pire de briser 1 vitre à 20 maisons plutôt que 20 vitres à une maison. Il sera plus facile pour les propriétaires des 20 maisons de réparer chacun une seule vitre que pour le propriétaire d'une maison d'en réparer 20.

Je pense qu'on pourrait voir ça comme ça : Si les souffrances s'additionnent d'une personne à l'autre, on doit aussi additionner leur capacité de réparer (ou de s'adapter à) cette souffrance. Ces deux additions se neutralisent, en quelque sorte. C'est pourquoi amputer une personne des quatre membres est pire que de donner une pichnote sur les coudes de six milliards de personnes.
Sceptigo a écrit :Je vais modifier mon scénario des aveugles : les personnes qui deviendraient aveugles ne se connaissent pas. Donc, peu importe le nombre d’aveugles qu’il y a, l’intensité de leur malheur reste constante puisque ces aveugles ne communiquent pas entre eux. Si tu avais à choisir entre tuer une personne ou en rendre aveugles 50 000, devrais-tu tuer la personne? Selon toi, devrions-nous rendre aveugles 50 000 personnes sous prétexte qu’elles ressentent une souffrance moins grande que la mort d’une personne.
[/quote]Si les personnes rendues aveugles sont suffisamment éloignées de sorte que la cécité de l'un n'affecte aucunement la vie de l'autre, alors oui, je pense qu'il est préférable d'en rendre 50 000 aveugles plutôt que d'en tuer 1. Les 50 000 auront plus de facilité à s'adapter à leur cécité que le 1 ne pourra s'adapter à la mort...

Mais encore-là ce scénario est un peu différent par le fait que la cécité (contrairement aux vitres brisées et à la tristesse de ne pas voir de combat de gladiateurs) est définitive et que la mort n'est pas une souffrance en soi. Le dilemme est donc plus discutable que si j'avais le choix entre :
a) piler sur le petit orteil d'un milliard de personnes ou
b) écorcher vive une seule personne avant de la baigner dans l'alcool pure (ouch!)
Dans cette situation, à ceux qui diront le "a" cause plus de souffrance, il me semble que la question serait « plus de souffrance pour qui? » Oui, c'est une somme supérieure de souffrance dans l'univers, mais l'univers ne souffre pas! Je pense que les milliards de personnes de l'alternative "a" consentiraient toutes volontiers à se faire piler sur l'orteil si c'est pour éviter à une seule personne de subir une torture atroce... et ce, peu importe combien sont ces personnes.
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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#427

Message par Sceptigo » 29 mai 2009, 00:58

Si on s'en tient strictement à ta façon de faire tes calculs et qu'on ne peut pas additionner les souffrances de personnes différentes, rendre aveugles 10 000 personnes serait aussi pire, selon toi, qu'en rendre aveugle une seule?

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#428

Message par Feel O'Zof » 29 mai 2009, 01:19

Sceptigo a écrit :Si on s'en tient strictement à ta façon de faire tes calculs et qu'on ne peut pas additionner les souffrances de personnes différentes, rendre aveugles 10 000 personnes serait aussi pire, selon toi, qu'en rendre aveugle une seule?
Dans la vraie vie, il y a nécessairement un nombre de personnes à partir duquel la cécité de l'un va affecter l'autre. Pour un groupe donnée, il est plus facile de s'adapter à la cécité d'une personne qu'à celle de 10 000 personnes, et cela aura donc un impact indirecte sur chacun des membres du groupe (devenu aveugle ou non).

Mais imaginons que ces 10 000 personnes qui vont devenir aveugles vivent chacune sur une planète différente (et qu'il n'y a pas d'empire galactique ni aucune communication entre ces planètes). Dans cette hypothétique situation improbable... ça dépend! Considérons les deux alternatives :

A - Une personne devient aveugle
B - 10 000 personnes originaires de 10 000 planètes différentes deviennent aveugles

Si la personne de A fait aussi partie des 10 000 personnes de B, alors il serait illogique de choisir B puisque cela n'est bénéfique pour personne. Par contre, si l'on est assuré que la victime potentielle de A sera épargnée si l'on choisit B, alors c'est moins évident.

Intuitivement, j'aurais tendance à dire que l'on peut considérer l'étendue (le nombre de personnes affectées) comme un critère pertinent en soi (c'est-à-dire, dans les rares cas ou le nombre de victimes n'affecte aucun individu) dans les situations où toutes les autres variables sont égales. Toutefois, objectivement, peut-être que A et B sont équivalentes...

Même si dans cette situation hypothétique c'est mon éthique qui semble atroce, je suis heureux de constater que ce scénario est imaginaire. Dans d'autres cas historiquement réels - comme les combats de gladiateurs - mon éthique aurait prévenue les abus des groupes majoritaires sur les groupes minoritaires. L'argument « Nous sommes plus nombreux donc nos caprices passent avant vos intérêts vitaux! » n'étant pas recevable.

Je le répète :
Feel O'Zof a écrit :Si les souffrances s'additionnent d'une personne à l'autre, on doit aussi additionner leur capacité de réparer (ou de s'adapter à) cette souffrance.
Pour plus de détails sur mes opinions, consultez mon blogue philosophique et laissez-y vos commentaires.

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#429

Message par Denis » 29 mai 2009, 01:27


Salut Feel,

Tu dis :
je trouve qu'il est effectivement moins pire de briser 1 vitre à 20 maisons plutôt que 20 vitres à une maison. Il sera plus facile pour les propriétaires des 20 maisons de réparer chacun une seule vitre que pour le propriétaire d'une maison d'en réparer 20.
Je conteste ce bout-là.

Réparer~remplacer 20 vitres d'un coup est pas mal moins pénible que réparer~remplacer 20 fois une vitre.

Tu auras du mal à me convaincre que aller 20 fois à la quincaillerie pour, chaque fois, acheter une vitre et 20 grammes de mastic, c'est moins de trouble qu'y aller une seule fois pour y acheter 20 vitres et 4 kg de mastic. Tu peux essayer de m'en convaincre, mais je pense que tu auras du mal.

Tu dis aussi :
Ton deuxième exemple est inapproprié si la cible des météorites est la même personne dans les deux cas (ou le même groupe de personnes).
Dans mon exemple des 1000 météorites d'un million de tonnes (contre une seule d'un milliard de tonnes), il était implicite que les 1000 météorites frappaient la Terre à des endroits différents et dispersés. Pas tous à la même place. Pour ne pas alourdir la formulation, j'ai laissé ça sous-entendu et je t'ai fait confiance pour ne pas peau-de-bananer sur ce sous-entendu. On dirait que j'ai eu tort de te faire confiance. ;) 'le f'rai p'us.
Feel a écrit :amputer une personne des quatre membres est pire que de donner une pichnote sur les coudes de six milliards de personnes.
Pour ça, je suis pas mal d'accord. Tes pichenettes sont vraiment des micro-trottinettes et, de l'autre côté, c'est pas mal bulldozerien. Ton exemple deviendrait plus éloquent si tu augmentais continûment la vigueur de tes trottinettes, par exemple, les remplacer par une brûlure de cigarette sur le coude. On pourrait mieux voir où se trouve le "swing" où la balance éthique change d'avis.

Je pense que même toi tu admettras que si on on remplaçait tes pichenettes sur le coude par "couper 3 membres", mieux vaudrait démembrer complètement un seul individu qu'en démembrer aux trois-quarts six milliards.

Ton truc de ne considérer que le maximum n'est vraiment pas fool proof. Pas du tout du tout du tout.

Moi, c'est l'endroit où se trouve le "swing" qui m'intéresse. C'est là-dessus qu'il faudrait zoomer pour y voir plus clair. Pas à côté.

:) Denis
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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#430

Message par Feel O'Zof » 29 mai 2009, 01:48

Salut Denis,
Denis a écrit :Réparer~remplacer 20 vitres d'un coup est pas mal moins pénible que réparer~remplacer 20 fois une vitre.
Tout à fait. Mais une tâche donné est moins pénible si on se divise le travail à plusieurs personnes, tu es d'accord? Quand on est deux, ça va deux fois mieux! Et quand on est 20 pour remplacer 20 vitres, c'est moins pénible que d'être seul pour le faire. Non?
Denis a écrit :Dans mon exemple des 1000 météorites d'un million de tonnes (contre une seule d'un milliard de tonnes), il était implicite que les 1000 météorites frappaient la Terre à des endroits différents et dispersés. Pas tous à la même place. Pour ne pas alourdir la formulation, j'ai laissé ça sous-entendu et je t'ai fait confiance pour ne pas peau-de-bananer sur ce sous-entendu. On dirait que j'ai eu tort de te faire confiance. ;) 'le f'rai p'us.
Disons qu'une météorite tomberait à Québec, ça affecterait un Montréalais donné. Et si, en plus, une météorite tomberait sur chacune des grandes villes du monde à l'exception de Montréal (si on considère ça comme une grande ville...), ça affecterait encore plus notre Montréalais que s'il n'y avait qu'une météorite sur Québec. Donc il y a effectivement quelqu'un pour qui plus de météorites sur la Terre signifierait plus de souffrance. L'exemple n'est donc pas bon pour la démonstration.
Feel O'Zof a écrit :amputer une personne des quatre membres est pire que de donner une pichnote sur les coudes de six milliards de personnes.
Denis a écrit :Pour ça, je suis pas mal d'accord. Tes pichenettes sont vraiment des micro-trottinettes et, de l'autre côté, c'est pas mal bulldozerien. Ton exemple deviendrait plus éloquent si tu augmentais continûment la vigueur de tes trottinettes, par exemple, les remplacer par une brûlure de cigarette sur le coude. On pourrait mieux voir où se trouve le "swing" où la balance éthique change d'avis.
Notre divergence porte sur la pertinence du nombre de victimes, pas sur l'intensité. C'est la dessus qu'on doit focaliser pour mieux voir où réside notre désaccord. Essayons...
Précédemment, dans le redico, on a écrit :Mise en situation :
On sacrifie un gladiateur pour divertir un certain nombre de spectateurs.


F166 : S'il y a suffisamment de spectateurs (ce nombre pouvant être situé n'importe où entre zéro et l'infini), le sacrifice du gladiateur sera éthiquement justifiable.
Feel O'Zof : 0% | Denis : 15%
Donc, dans cette situation, combien de spectateurs devraient-il y avoir selon toi (approximativement) pour justifier éthiquement le meurtre du gladiateur? Et, dans mon exemple des pichnottes, combien de personnes à qui l'on épargnerait un choc dans le coude seraient requise pour justifier d'amputer des quatre membres une autre personne?
Pour plus de détails sur mes opinions, consultez mon blogue philosophique et laissez-y vos commentaires.

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#431

Message par Sceptigo » 29 mai 2009, 02:16

Feel O'Zof a écrit :Toutefois, objectivement, peut-être que A et B sont équivalentes...
Au moins, tu est cohérent.

J'ai simplement beaucoup de misère à m'imaginer comment tu t'y prends pour faire tes calculs éthiques en procédant de cette manière. Peux-tu me dire clairement la procédure que tu appliques face à un dilemme moral?

Quant à moi, je préfère prendre tout le bonheur créé et l'additionner.
Feel O'Zof a écrit :Donc, dans cette situation, combien de spectateurs devraient-il y avoir selon toi (approximativement) pour justifier éthiquement le meurtre du gladiateur? Et, dans mon exemple des pichnottes, combien de personnes à qui l'on épargnerait un choc dans le coude seraient requise pour justifier d'amputer des quatre membres une autre personne?
C'est très difficile, voire impossible, de pouvoir déterminer le nombre de personnes requises pour que le combat de gladiateurs soit justifié. Mais, il y a forcément un nombre de personne limite qui fait que le bilan du bonheur total devient positif.

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#432

Message par Feel O'Zof » 29 mai 2009, 03:14

Sceptigo a écrit :J'ai simplement beaucoup de misère à m'imaginer comment tu t'y prends pour faire tes calculs éthiques en procédant de cette manière. Peux-tu me dire clairement la procédure que tu appliques face à un dilemme moral?
Pour calculer la valeur d'une souffrance il faut considérer la capacité de la ou des victime(s) à encaisser cette souffrance. Une personne seule ne peut pas soulever un piano, mais à plusieurs c'est possible. Verser deux litres d'eau dans un verre le fera déborder abondamment, mais répartir cette eau dans plusieurs verres permettra d'éviter les dégâts.

Faisons une formule :

Souffrance brute - Capacité d'encaisser cette souffrance = Souffrance nette

Si on multiplie le premier élément de l'équation par le nombre d'individus, il faut également multiplier le deuxième. Donc, dans notre analogie du gladiateur, s'il y a effectivement un nombre de spectateurs à partir duquel la «souffrance brute» du gladiateur sera inférieure à celle qu'aurait subi la somme des spectateurs si on les avait privé d'assister à ce combat, la «souffrance nette» du gladiateur sacrifié sera toujours de loin supérieure à celle des spectateurs privés de combat, peu importe leur nombre.
Pour plus de détails sur mes opinions, consultez mon blogue philosophique et laissez-y vos commentaires.

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#433

Message par Denis » 29 mai 2009, 04:58


Salut Feel,

Tu dis :
Et quand on est 20 pour remplacer 20 vitres, c'est moins pénible que d'être seul pour le faire. Non?
Ça l'est plus pour 19 des 20 personnes et ça l'est beaucoup moins pour une seule (celle qui se farcirait tout le boulot si les 19 autres ne l'aidaient pas). Non ?

Tu dis :
Notre divergence porte sur la pertinence du nombre de victimes, pas sur l'intensité. C'est la dessus qu'on doit focaliser pour mieux voir où réside notre désaccord.
Pas d'accord.

Le nombre de victimes (ou de bénéficiaires) et l'intensité de leur malheur~souffrance (ou de leur bonheur~plaisir) comptent tous les deux. Autant que, dans l'évaluation de l'aire d'un rectangle, la largeur et la hauteur comptent tous les deux.
Feel a écrit :
Précédemment, dans le redico, on a écrit :Mise en situation :
On sacrifie un gladiateur pour divertir un certain nombre de spectateurs.


F166 : S'il y a suffisamment de spectateurs (ce nombre pouvant être situé n'importe où entre zéro et l'infini), le sacrifice du gladiateur sera éthiquement justifiable.
Feel O'Zof : 0% | Denis : 15%
Donc, dans cette situation, combien de spectateurs devraient-il y avoir selon toi (approximativement) pour justifier éthiquement le meurtre du gladiateur? Et, dans mon exemple des pichnottes, combien de personnes à qui l'on épargnerait un choc dans le coude seraient requise pour justifier d'amputer des quatre membres une autre personne?
Je n'ai jamais beaucoup aimé ton exemple de spectateurs qui prendraient plaisir à voir un type se faire zigouiller.

Si j'étais spectateur d'un tel événement, ça me procurerait plus de souffrance-malheur que de bonheur-plaisir. Je suppose que c'est pareil pour toi.

Dans ces conditions, plus le stade est plein, moins il y a de bonheur-plaisir dans l'assistance et la solution à ton problème est n = 0 (i.e. le stade est vide). C'est celle-là qui maximise le bonheur total et si le gladiateur est écorché quand même, c'est bien malheureux pour lui.

Je pense que la meilleure façon d'y voir clair, c'est d'arrêter de se demander combien ça prend de trottinettes pour tirer aussi fort qu'un bulldozer. Il faut diminuer les contrastes et zoomer dans le continuum entre les extrêmes. On pourra mieux voir à quoi ressemble la relation qu'il y a entre le nombre et l'intensité (pour équilibrer la balance éthique).

Tiens, je suggère qu'on commence par établir une liste de sévices qui seraient infligés à un homo sapiens adulte et valide, en convenant qu'il sera tiré au hasard (c'est important) après (c'est important aussi) que la décision éthique (de l'épargner ou pas, selon l'alternative) aura été prise.

Pêle-mêle, voici quelques suggestions se sévices possibles :

- On lui coupe un petit doigt, chirurgicalement, avec douleurs minimales.
- On lui coupe un cheveu.
- On l'oblige à manger 100 grammes de savon.
- On le tue sans douleur (disons, mini-bombe atomique durant son sommeil).
- On le tue ultra-cruellement après l'avoir atrocement torturé durant des jours, des semaines et des mois.
- On ne lui fait rien.
- On lui donne une chiquenaude sur un coude.
- On le force à déplacer à la main, sur 100 mètres, 100 briques de 3 kg chacune.
- On le rend sourd.

Bon. J'en ai trouvé 9 mais il reste encore de gros trous dans le continuum des intensités de souffrance-malheur. Si tu pouvais y ajouter quelques items, pour boucher les principaux trous, on pourrait arriver à un quasi-continuum à plusieurs chaînons où, d'un cas à l'autre, les tracteurs ne sont pas incomparables.

Faudra évidemment les ordonner, les items de notre liste. Ça ne devrait pas être trop difficile. Ensuite, on essayera de quantifier le modèle.

Évidemment, on pourra aussi relaxer les conditions. Par exemple admettre des plaisirs dans la liste, eux aussi balayant le continuum des malheurs négatifs. Ou encore on pourra y impliquer la personne qui prend la décision afin de voir où chacun place le compromis raisonnable entre le bonheur d'autrui et le sien.

Mais faut commencer par le commencement : enrichir notre banque de sévices susceptibles d'être affligés à un homo sapiens adulte et valide.

Je compte sur toi.

:) Denis
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Re: Je compte sur toi

#434

Message par Feel O'Zof » 29 mai 2009, 05:21

Salut Denis,
Feel O'Zof a écrit :Et quand on est 20 pour remplacer 20 vitres, c'est moins pénible que d'être seul pour le faire. Non?
Denis a écrit :Ça l'est plus pour 19 des 20 personnes et ça l'est beaucoup moins pour une seule (celle qui se farcirait tout le boulot si les 19 autres ne l'aidaient pas). Non ?
Je suis pas sûr de comprendre ce que tu veux dire. Mais, bref, on convient tous les deux qu'il est moins dommageable pour tout le monde de briser 1 vitre sur 20 maison (20 personnes qui se partagent la tâche de changer 20 vitres) que 20 vitres sur une maison (1 personne qui a 20 vitres à changer toute seule).
Feel O'Zof a écrit :Notre divergence porte sur la pertinence du nombre de victimes, pas sur l'intensité. C'est la dessus qu'on doit focaliser pour mieux voir où réside notre désaccord.
Denis a écrit :Pas d'accord.

Le nombre de victimes (ou de bénéficiaires) et l'intensité de leur malheur~souffrance (ou de leur bonheur~plaisir) comptent tous les deux. Autant que, dans l'évaluation de l'aire d'un rectangle, la largeur et la hauteur comptent tous les deux.
Mais je suis d'accord avec le fait que l'intensité compte. C'est avec le fait que le nombre compte que je suis en désaccord. C'est là-dessus que porte notre divergence. C'est pourquoi je te demande :

Si tu as le choix entre :
A - torturer atrocement une seule personne pendant des jours
B - piler une fois sur l'orteil d'un nombre N de personnes

Quelle valeur, selon toi, doit avoir N pour que A soit éthiquement supérieur à B?
Denis a écrit :Je n'ai jamais beaucoup aimé ton exemple de spectateurs qui prendraient plaisir à voir un type se faire zigouiller.

Si j'étais spectateur d'un tel événement, ça me procurerait plus de souffrance-malheur que de bonheur-plaisir. Je suppose que c'est pareil pour toi.

Dans ces conditions, plus le stade est plein, moins il y a de bonheur-plaisir dans l'assistance et la solution à ton problème est n = 0 (i.e. le stade est vide).
Beaucoup de Romains de l'Antiquité seraient en désaccord avec toi...
Anyway, le point n'est pas de porter un jugement de valeurs sur les plaisirs des spectateurs. C'est de savoir si un tel plaisir peu surpasser en poids éthique le désir de ne pas mourir dans l'arène lorsque le nombre de spectateurs est suffisant. Essaierais-tu de fuir subtilement la question? ;)
Denis a écrit :Mais faut commencer par le commencement : enrichir notre banque de sévices susceptibles d'être affligés à un homo sapiens adulte et valide.
Mais t'es sadique ou quoi? :P:
Je ne vois pas pourquoi l'on s'attarderait à l'intensité de la souffrance. Nous sommes d'accord pour dire qu'une douleur plus intense est pire qu'une douleur moins intense. Notre désaccord réside sur la pertinence de multiplier l'intensité par l'étendu. Je répète donc le problème :

Si tu as le choix entre :
A - torturer atrocement une seule personne pendant des jours
B - piler une fois sur l'orteil d'un nombre N de personnes

Quelle valeur doit avoir N pour que A soit éthiquement supérieur à B? Moi je répondrais que B est toujours supérieur à A indépendamment de la valeur de N. Et toi? :roll:
Pour plus de détails sur mes opinions, consultez mon blogue philosophique et laissez-y vos commentaires.

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Les items (1) à (12)

#435

Message par Denis » 29 mai 2009, 07:14


Salut Feel,

Tu dis :
bref, on convient tous les deux qu'il est moins dommageable pour tout le monde de briser 1 vitre sur 20 maison (20 personnes qui se partagent la tâche de changer 20 vitres) que 20 vitres sur une maison (1 personne qui a 20 vitres à changer toute seule).
Non. Je n'en conviens pas et ça reste une épine.

Je pense que c'est le contraire et je t'ai déjà présenté ce modeste tracteur :
Denis a écrit :Tu auras du mal à me convaincre que aller 20 fois à la quincaillerie pour, chaque fois, acheter une vitre et 20 grammes de mastic, c'est moins de trouble qu'y aller une seule fois pour y acheter 20 vitres et 4 kg de mastic. Tu peux essayer de m'en convaincre, mais je pense que tu auras du mal.
Bien sûr, si tous les dégâts sont concentrés sur une maison, rien n'empêche les voisins (qui n'ont subi aucun dégat) d'aller aider le sinistré. Ça pourrait même avoir du bon si ça permet à quelques voisins de mieux se connaître~apprécier. Ça, c'est, je pense, le plus robuste tracteur qui tire de ton côté. ;)

Et si, parmi ces voisins, il y a un vitrier professionnel et son apprenti, les réparations ne traîneront pas.
Feel a écrit :Mais je suis d'accord avec le fait que l'intensité compte. C'est avec le fait que le nombre compte que je suis en désaccord. C'est là-dessus que porte notre divergence.
On peut le voir comme ça.

Moi, je le vois surtout sous la forme : « pour moi les deux comptent alors que, pour toi, seule l'intensité compte ».

Mais j'admets que la nuance est fine entre nos deux façons de dire la même chose.
Feel a écrit :Si tu as le choix entre :
A - torturer atrocement une seule personne pendant des jours
B - piler une fois sur l'orteil d'un nombre N de personnes

Quelle valeur, selon toi, doit avoir N pour que A soit éthiquement supérieur à B?
Ta formulation laisse entendre que c'est MOI qui devrai torturer (atrocement, pendant des jours) ou piler sur les orteils. Ce n'est pas tout à fait clair et je vais traiter les deux cas de figure.

Cas 1)
Si c'est moi qui torture ou qui pile, il faut tenir compte, dans l'équation, de mon malheur de devoir torturer de mes mains ou piler de mes pieds. Ça m'écoeurerait d'aplomb. Surtout le premier.

La valeur de N serait probablement énorme. Dans les centaines de millions. Ça serait B autant que je pourrai tenir avant de m'épuiser. Mais si ça m'oblige à faire du 9 à 5 d'écrasage d'orteils durant des années~décennies, ça commence à ressembler à une torture qui m'affecterait moi-même, et ça complique l'équation éthique.

Cas 2)
Si c'est d'autres qui font la besogne. Ça serait encore dans les centaines de millions, même dans les milliards si on précise que les écrasements d'orteils ne causeront pas de fractures ou autres blessures susceptible de faire souffrir durant plusieurs jours.
Feel a écrit :Moi je répondrais que B est toujours supérieur à A indépendamment de la valeur de N. Et toi? :roll:
On est d'accord sur "N est énorme" mais je ne le considère pas infini, surtout si les écrasements d'orteils sont forts.

On pourra peut-être évaluer ce N quand on aura enrichi notre liste de sévices susceptibles d'être infligés à un homo sapiens adulte et valide qui serait tiré au hasard (c'est important) après (c'est important aussi) que la décision éthique (de l'épargner ou pas, selon l'alternative) aurait été prise.

J'avais 9 items. Tu viens de m'en suggérer deux nouveaux que j'ai ajoutés à la liste, en les rendant plus précis. J'en ai aussi ajouté un autre, puis j'ai ordonné ces "malheurs" de mon mieux, du plus bénin au plus infernal. Si tu souhaites inverser quelques chaînons, tu n'as qu'à le dire.
  • 1 - On ne lui fait rien.
    2 - On lui coupe un cheveu.
    3 - On lui donne une chiquenaude sur un coude.
    4 - On lui pile sur un orteil (sans fracture, ni douleur durant plus de 2 minutes).
    5 - On le force à déplacer à la main, sur 100 mètres, 100 briques de 3 kg chacune.
    6 - On l'oblige à manger 100 grammes de savon.
    7 - On lui coupe un petit doigt, chirurgicalement, avec douleurs minimales.
    8 - On le rend sourd.
    9 - On le tue sans douleur (disons, mini-bombe atomique durant son sommeil).
    10 - On lui coupe les 4 membres (à mi-bras et mi-cuisse), chirurgicalement et avec douleurs minimales.
    11 - On le torture atrocement durant une semaine (de telle sorte qu'il puisse se rétablir à > 99%, phisiquement et psychiquement, en moins de 3 mois de convalescence).
    12 - On le tue ultra-cruellement après l'avoir atrocement torturé durant des jours, des semaines et des mois.
Dans certains cas (ex. 9 et 10, ou 10 et 11), j'ai eu un peu de mal et j'aurais pu ordonner autrement.

Ta question est d'estimer le rapport N qu'il y a entre infliger (11) à une personne et infliger (4) à N personnes. Difficile d'estimer ça directement. On risque de peau-de-bananer entre les zillions et les zilliards. Mieux vaut y aller de proche à proche, maillon par maillon.

Quel serait ton N entre (7) et (8) ? Si tu devais choisir entre "N personnes (tirées au hasard) se font couper un petit doigt" ou "une personne (tirée au hasard) devient sourde", à quelle valeur de N se trouverait le point d'équilibre ?

Pour moi, ça tourne autour de 100. Disons, entre 50 et 200.

Pour toi ?

Si on parvient à s'entendre sur ce rapport-là (je propose 100), on pourra essayer de traiter un autre chaînon. Et si on ne parvient pas à s'entendre, on pourra essayer de trouver un nouveau "supplice" de gravité voisine de celles des cas difficiles à comparer.

Es-tu d'accord avec mon 100 ? Mets-tu beaucoup plus ? Beaucoup moins ?

Ça m'étonnerait que ça soit à ce chaînon-là que s'effectue le saut incommensurable (N infini) qui te tient à coeur. Si tu y tiens à tout prix, à ta discontinuité qualitative, où la places-tu, entre les items (1) à (12) ?

:) Denis
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Re: Les items (1) à (12)

#436

Message par Feel O'Zof » 30 mai 2009, 01:19

Salut Denis
Denis a écrit :Bien sûr, si tous les dégâts sont concentrés sur une maison, rien n'empêche les voisins (qui n'ont subi aucun dégat) d'aller aider le sinistré. Ça pourrait même avoir du bon si ça permet à quelques voisins de mieux se connaître~apprécier. Ça, c'est, je pense, le plus robuste tracteur qui tire de ton côté. ;)

Et si, parmi ces voisins, il y a un vitrier professionnel et son apprenti, les réparations ne traîneront pas.
Là tu es un peu de mauvaise foi. Tu disais précédemment que de briser les vitres sur vingt maisons différentes ferait en sorte qu'il faudrait aller vingt fois à la quincaillerie au lieu d'une... mais si les voisins peuvent s'aider dans la situation où une seule maison est atteinte, je ne vois pas pourquoi ils ne s'aideraient pas dans celle où les dommages sont répartis sur vingt maisons. Ils pourraient n'envoyer qu'une seule personne à la quincaillerie pour tout le monde.

Mais, comme je te dis, j'interprète plutôt cela comme de la mauvaise foi de ta part que de refuser d'admettre qu'il est moins pire de répartir une souffrance entre plusieurs personnes. C'est comme si tu me disais : «Si une personne ne peut soulever ce piano, alors ça donne rien de s'essayer à plusieurs puisque le piano a le même poids».
Feel a écrit :Mais je suis d'accord avec le fait que l'intensité compte. C'est avec le fait que le nombre compte que je suis en désaccord. C'est là-dessus que porte notre divergence.
Denis a écrit :Moi, je le vois surtout sous la forme : « pour moi les deux comptent alors que, pour toi, seule l'intensité compte ».

Mais j'admets que la nuance est fine entre nos deux façons de dire la même chose.
Je ne vois pas la pertinence de nommer l'intensité si c'est une variable sur laquelle nous sommes d'accord. Nous pourrions aussi nommer la durée dans ce cas.
Feel a écrit :Si tu as le choix entre :
A - torturer atrocement une seule personne pendant des jours
B - piler une fois sur l'orteil d'un nombre N de personnes

Quelle valeur, selon toi, doit avoir N pour que A soit éthiquement supérieur à B?
Denis a écrit :Ta formulation laisse entendre que c'est MOI qui devrai torturer (atrocement, pendant des jours) ou piler sur les orteils. Ce n'est pas tout à fait clair (...)
Tu as raison. Je reformule donc :

Supposons que l'on a les deux alternatives suivantes :
A - Une personne seule est torturée atrocement pendant des jours;
B - Un nombre N de personnes se cognent le petit orteil sur la patte d'une table à café;
Quelle valeur doit avoir N pour que B soit pire que A?

Tu réponds :
Denis a écrit :Ça serait encore dans les centaines de millions, même dans les milliards si on précise que les écrasements d'orteils ne causeront pas de fractures ou autres blessures susceptible de faire souffrir durant plusieurs jours.
Alors que moi je réponds que A sera toujours pire que B indépendamment de N. Nous avons clairement établie la frontière du pays de l'accord.
Denis a écrit :On est d'accord sur "N est énorme" mais je ne le considère pas infini, surtout si les écrasements d'orteils sont forts.
Ils ne sont pas fort. C'est ça l'idée. Une douleur infinitésimale ressentie par un nombre infini de personnes est moins pire qu'une douleur atroce ressentie par une seule personne.
Denis a écrit :Ta question est d'estimer le rapport N qu'il y a entre infliger (11) à une personne et infliger (4) à N personnes. Difficile d'estimer ça directement. On risque de peau-de-bananer entre les zillions et les zilliards. Mieux vaut y aller de proche à proche, mâillon par mâillon.

Quel serait ton N entre (7) et (8) ? Si tu devais choisir entre "N personnes (tirées au hasard) se font couper un petit doigt" ou "une personne (tirée au hasard) devient sourde", à quelle valeur de N se trouverait le point d'équilibre ?
Je vais expliquer mon point plus en détails, parce que d'augmenter l'intensité de la douleur de B n'est pas, en soi, suffisant pour que N ait soudainement de l'importance.

Normalement, dans la vraie vie - par opposition à ces scénarios philosophiques improbables - les individus sont en contact avec d'autres individus. Si je cause une souffrance à un individu donné, cela créera ce qu'on pourrait appeler un « halo de souffrance collatérale » autour de lui. C'est-à-dire que ses proches souffriront de savoir qu'il souffre ou de l'aider à moins souffrir. Ce halo de souffrance peut s'étendre loin, par exemple, celui qui lit dans les journaux qu'un parfait inconnu est mort, se trouve en périphérie de ce halo tandis que le frère de la victime est presque en son centre.

Donc le point c'est qu'il est tout à fait légitime de considérer le nombre de victimes comme important si l'on est dans une situation où les « halos de souffrance » se chevauchent. Si je rends aveugles dix habitants d'un village, ce sera pire que d'en rendre un seul aveugle, et ce pour tous les habitants du village; qu'ils soient personnellement devenus aveugle ou non. Même dans les périphéries les plus reculés du halo collatéral, le nombre compte. Par exemple, apprendre qu'une personne s'est noyé au Myanmar m'affectera moins que d'apprendre qu'un million d'habitants de ce pays sont morts dans un tsunami.

Une douleur anodine, comme de se cogner l'orteil, ne cause aucune souffrance collatérale. Ça ne s'additionne donc pas d'une personne à l'autre ce qui fait que même un nombre infinie de victimes ne compenserait pas pour une douleur d'intensité supérieur faisant moins de victimes.

Dans la réalité, le nombre de victimes et l'intensité de la douleur sont tous deux directement corrélé avec la portée de la souffrance collatérale et donc avec les chances que les halos de souffrance se chevauchent. Pour nous prêter à l'exercice que tu proposes sans interférence de la part de cette variable, il faudrait qu'on prenne pour acquis que chaque individu composant notre N vit sur une planète différente et n'a aucun contact d'aucune sorte avec les autres membres du N, quel que soit la valeur de cette variable. Mais encore là, nous-mêmes, qui évaluons les deux alternatives, nous constituons le point de chevauchement des dommages collatéraux. Cela justifie le commentaire que j'avais dis précédemment :
Feel O'Zof a écrit :Intuitivement, j'aurais tendance à dire que l'on peut considérer l'étendue (le nombre de personnes affectées) comme un critère pertinent en soi (c'est-à-dire, dans les rares cas ou le nombre de victimes n'affecte aucun individu) dans les situations où toutes les autres variables sont égales.
Bon, je prends une petite pause là...
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Je n'ai rien contre

#437

Message par Denis » 30 mai 2009, 02:11


Salut Feel,

Tu dis :
Bon, je prends une petite pause là...
Je n'ai rien contre.

Ça te donnera le temps de répondre à la question que, dans mon message d'avant, je t'ai posée 2 fois pour tenir compte des défauts du style libre (voir Caractéristique 1 et Caractéristique 7).

La revoici :
Quel serait ton N entre (7) et (8) ? Si tu devais choisir entre "N personnes (tirées au hasard) se font couper un petit doigt" ou "une personne (tirée au hasard) devient sourde", à quelle valeur de N se trouverait le point d'équilibre ?

Pour moi, ça tourne autour de 100. Disons, entre 50 et 200.

Pour toi ?
En passant, j'applique la Loi 15 et j'abaisse mon 100 à 70. Disons, entre 35 et 140.

À toi la balle.

:) Denis
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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#438

Message par Sceptigo » 01 juin 2009, 05:26

Denis a écrit :Ça te donnera le temps de répondre à la question que, dans mon message d'avant, je t'ai posée 2 fois pour tenir compte des défauts du style libre (voir Caractéristique 1 et Caractéristique 7).

La revoici :
Quel serait ton N entre (7) et (8) ? Si tu devais choisir entre "N personnes (tirées au hasard) se font couper un petit doigt" ou "une personne (tirée au hasard) devient sourde", à quelle valeur de N se trouverait le point d'équilibre ?

Pour moi, ça tourne autour de 100. Disons, entre 50 et 200.

Pour toi ?
Il me semble que la réponse était claire dans ses messages. Il dit qu'il n'y a aucune valeur de N tel qu'il devient préférable qu'une personne devienne sourde pour épargner N personnes qui se font couper un petit doigt.


Je vais essayer d'expliquer comment je vois les choses. Feel O'Zof, dis-moi ce qui ne va pas, selon toi, dans cette façon de voir les choses.

Représentons le bonheur par des pierres de différentes tailles où la grosseur des pierres représente l'intensité et où chaque pierre représente une personne différente. Lorsque j'ai un dilemme moral, je prends toutes les pierres obtenues selon une certaine alternative et je prends aussi toutes les pierres obtenues selon une autre alternative et je choisis l'alternative qui pèse le plus.

Ce que je reproche à ta façon de voir les choses, c'est de ne pas tenir compte de tout le bonheur. Il me semble que si on se donne comme objectif de maximiser le bonheur collectif, on devrait tenir compte de tout le bonheur.

Ça me fait penser à une question : Pourquoi rendre sourd est un mal plus grand que piler sur une petite orteil? Je suis à peu près sûr que ta réponse serait que rendre sourd crée plus de souffrance que piler sur une orteil. Mais, à mon avis, il faut se rendre compte que rendre sourd nous paraît comme un mal plus grand dans l’absolu que parce que ça crée plus de souffrance dans un duel une personne vs une personne. En réalité, rendre sourd n’est pas un mal plus grand dans l’absolu que piler sur une petite orteil.
Feel O'Zof a écrit :Une douleur infinitésimale ressentie par un nombre infini de personnes est moins pire qu'une douleur atroce ressentie par une seule personne.
Désolé, 0,000000000001 * infini > n'importe quel nombre fini :a2:

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Équilibrons les tracteurs

#439

Message par Denis » 01 juin 2009, 05:49


Salut Sceptigo,

À propos de Feel, tu dis :
Il dit qu'il n'y a aucune valeur de N tel qu'il devient préférable qu'une personne devienne sourde pour épargner N personnes qui se font couper un petit doigt.
Si c'est vraiment ce qu'il pense, et qu'il le déclare clairement, il aura du mal à se tirer d'affaire.

Son critère "minimax" (choisir l'option qui minimise la souffrance maximale individuelle) est bien mal pensé. J'aime mieux notre critère "minisum" (choisir l'option qui minimise la somme des souffrances).

Pour mieux le voir, remplaçons l'option "rendre sourd" par "on lui coupe les deux petits doigts".

Ma question devient alors :

Quel serait ton N ? Si tu devais choisir entre "N personnes (tirées au hasard) se font couper un petit doigt" ou "une personne (tirée au hasard) se fait couper les deux petits doigts", à quelle valeur de N se trouverait le point d'équilibre ?

Si son critère minimax lui retourne toujours un N infini, je vais crier « au fou ! ».

:) Denis
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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#440

Message par Feel O'Zof » 02 juin 2009, 00:37

Bonsoir me revoilà,
Sceptigo a écrit :Représentons le bonheur par des pierres de différentes tailles où la grosseur des pierres représente l'intensité et où chaque pierre représente une personne différente. Lorsque j'ai un dilemme moral, je prends toutes les pierres obtenues selon une certaine alternative et je prends aussi toutes les pierres obtenues selon une autre alternative et je choisis l'alternative qui pèse le plus.
Moi je me le représente plutôt de cette manière : Imaginons que la souffrance soit un liquide et que les êtres sensibles soient des récipients. Donc ce que l'on doit mesurer n'est pas la quantité totale de ce liquide, mais on doit simplement s'assurer qu'aucun récipients ne débordent. C'est pourquoi je considère que de donner deux coups de poings à une personne :cogne: est pire que de donner à deux personnes un coup de poing chacune. Ou, que voler 1000$ à une personne est pire que de voler à mille personnes 1$ chacune. Quand notre liquide est réparti dans plusieurs récipients, on est plus loin du débordement.
Sceptigo a écrit :Ce que je reproche à ta façon de voir les choses, c'est de ne pas tenir compte de tout le bonheur. Il me semble que si on se donne comme objectif de maximiser le bonheur collectif, on devrait tenir compte de tout le bonheur.
Je suis d'accord. Simplement, je ne considère pas qu'une personne qui se fait torturer souffre moins que cent milliards de personnes qui se cognent le pied. Je tiens compte de tout le bonheur! Seulement je ne l'additionne pas de cette façon simpliste. Je considère qu'une même dose de souffrance répartie entre plusieurs personnes est moins pire que si elle est injectée dans une seule personne.

C'est comme dans un jeu vidéo un peu, disons que tu as un personnage qui a 10 points de vie et que tu lui fais 20 points de dommages, il va mourir. Mais si tu répartis ces points de dommages sur plusieurs personnages, ils survivront. Il me semble que si on additionne les points de dommage, on doit aussi additionner les points de vie.
Denis a écrit :Quel serait ton N entre (7) et (8) ? Si tu devais choisir entre "N personnes (tirées au hasard) se font couper un petit doigt" ou "une personne (tirée au hasard) devient sourde", à quelle valeur de N se trouverait le point d'équilibre ?
Comme je l'ai dis, si les personnes appartiennent à la même communauté (et donc souffrent mutuellement de la souffrance des autres) alors on peut additionner... mais comme perdre le petit doigt n'est pas vraiment handicapant pour un humain et ne cause pratiquement aucune douleur collatérale additionnable, je pense que même si toute une communauté perdait ses petits doigts, il y aurait moins de dégât pour tout le monde que si une seule personne devenait sourde.
Denis a écrit :Quel serait ton N ? Si tu devais choisir entre "N personnes (tirées au hasard) se font couper un petit doigt" ou "une personne (tirée au hasard) se fait couper les deux petits doigts", à quelle valeur de N se trouverait le point d'équilibre ?
Je ne pense pas que perdre ses deux petits doigts soit bien bien pire que d'en perdre un seul. Ces deux souffrances sont suffisamment semblables pour que l'on considère une égalité des souffrances et donc que l'on utilise le nombre comme critère discriminant, tel que je l'ai dis précédemment :
Feel O'Zof a écrit :Intuitivement, j'aurais tendance à dire que l'on peut considérer l'étendue (le nombre de personnes affectées) comme un critère pertinent en soi (c'est-à-dire, dans les rares cas ou le nombre de victimes n'affecte aucun individu) dans les situations où toutes les autres variables sont égales.
Sceptigo a écrit :Ça me fait penser à une question : Pourquoi rendre sourd est un mal plus grand que piler sur une petite orteil? Je suis à peu près sûr que ta réponse serait que rendre sourd crée plus de souffrance que piler sur une orteil. Mais, à mon avis, il faut se rendre compte que rendre sourd nous paraît comme un mal plus grand dans l’absolu que parce que ça crée plus de souffrance dans un duel une personne vs une personne. En réalité, rendre sourd n’est pas un mal plus grand dans l’absolu que piler sur une petite orteil.
Ici on est totalement en désaccord. D'abord je ne pense pas que la souffrance puisse revendiquer un quelconque statut d'«absolu». Elle est, par nature, relative à celui qui la ressent. Ensuite, je pense que toute forme de vie à qui on le proposerait préférerait subir une souffrance équivalente à se faire piler sur l'orteil plutôt que de perdre définitivement l'un de ses sens.
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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#441

Message par Sceptigo » 02 juin 2009, 02:17

Feel O'Zof a écrit :Je considère qu'une même dose de souffrance répartie entre plusieurs personnes est moins pire que si elle est injectée dans une seule personne.
Tu dresses cette règle en impératif catégorique?
Feel O'Zof a écrit :Ici on est totalement en désaccord. D'abord je ne pense pas que la souffrance puisse revendiquer un quelconque statut d'«absolu».
C'est pour ça que j'avais pris soin de souligner le mot paraît.
Feel O'Zof a écrit :Ensuite, je pense que toute forme de vie à qui on le proposerait préférerait subir une souffrance équivalente à se faire piler sur l'orteil plutôt que de perdre définitivement l'un de ses sens.
C'est ce que j'avais dit! Ce n'est que dans un duel une personne vs une personne que perdre un sens est une souffrance plus grande que se faire piler sur l'orteil. En changeant le nombre de personnes, par exemple dans un duel un billion de personnes vs une personne, perdre un sens peut devenir une souffrance plus grande que se faire piler sur l'orteil.
Feel O'Zof a écrit :Moi je me le représente plutôt de cette manière : Imaginons que la souffrance soit un liquide et que les êtres sensibles soient des récipients. Donc ce que l'on doit mesurer n'est pas la quantité totale de ce liquide, mais on doit simplement s'assurer qu'aucun récipients ne débordent. C'est pourquoi je considère que de donner deux coups de poings à une personne est pire que de donner à deux personnes un coup de poing chacune. Ou, que voler 1000$ à une personne est pire que de voler à mille personnes 1$ chacune. Quand notre liquide est réparti dans plusieurs récipients, on est plus loin du débordement.
Moi, je vois les choses autrement. Je ne pense pas qu'il y ait de "débordement". Il n'y a que des souffrances d'intensités différentes dans un récipient infini. Par exemple, tu peux dire que rendre sourd est un débordement par rapport à se faire piler sur l'orteil, mais tu diras aussi que se faire torturer atrocement pendant plusieurs mois est aussi un débordement par rapport à rendre sourd. Finalement, il n'y a pas vraiment de "débordement", seulement des souffrances d'intensités différentes.

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#442

Message par Feel O'Zof » 02 juin 2009, 04:32

Sceptigo a écrit :Il n'y a que des souffrances d'intensités différentes dans un récipient infini.
Justement, ce qui ne me va pas dans ton système c'est qu'on dirait que tu considères que l'univers souffre...
Sceptigo a écrit :Tu dresses cette règle en impératif catégorique?
Pas du tout. L'utilitarisme ne connaît pas d'impératif catégorique. C'est toujours du cas par cas afin de maximiser le bonheur et de minimiser la souffrance pour tous.
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Quels sont tes N1, N2 et N3 ?

#443

Message par Denis » 02 juin 2009, 08:59


Salut Feel,

Dans mon "protocole expérimental", il est précisé que les victimes sont tirées au hasard. J'aurais dû être encore plus précis et spécifier la population considérée. Puisque c'est mon expérience, je choisis toute l'humanité adulte et valide (présentement vivante, nous inclus). Un bon 4~5 milliards d'individus.

À moins qu'on en tire des milions (pour les rendre sourds ou leur couper un doigt), les souffrances collatérales des parents et amis restent localisées et les N grappes de malheur sont séparées. Ce sont N expériences indépendantes. Dans ces conditions, le malheur total est N fois le malheur associé à une grappe moyenne.

Je conteste encore et toujours tes solutions qui, en faisant intervenir des rapports infinis, introduisent une discontinuité qualitative dans le continuum des malheurs~souffrances~épreuves. Je les conteste autant que je conteste ta règle du minimax.

Moi, je prétends que, de proche à proche, il n'y a pas de chaînon manquant et on peut toujours trouver des malheurs~souffrances~épreuves intermédiaires entre deux cas donnés.

Je te rappelle ma liste de 12 exemples et je vais essayer de zoomer sur un bout de l'intervalle allant des cas (7) à (8).
  • 1 - On ne lui fait rien.
    2 - On lui coupe un cheveu.
    3 - On lui donne une chiquenaude sur un coude.
    4 - On lui pile sur un orteil (sans fracture, ni douleur durant plus de 2 minutes).
    5 - On le force à déplacer à la main, sur 100 mètres, 100 briques de 3 kg chacune.
    6 - On l'oblige à manger 100 grammes de savon.
    7 - On lui coupe un petit doigt, chirurgicalement, avec douleurs minimales.
    8 - On le rend sourd.
    9 - On le tue sans douleur (disons, mini-bombe atomique durant son sommeil).
    10 - On lui coupe les 4 membres (à mi-bras et mi-cuisse), chirurgicalement et avec douleurs minimales.
    11 - On le torture atrocement durant une semaine (de telle sorte qu'il puisse se rétablir à > 99%, phisiquement et psychiquement, en moins de 3 mois de convalescence).
    12 - On le tue ultra-cruellement après l'avoir atrocement torturé durant des jours, des semaines et des mois.
Considérons les 4 amputations illustrées dans l'image suivante :

Image

Coupure verte : le petit doigt, au milieu.
Coupure noire : le majeur et l'annulaire, tel qu'indiqué.
Coupure bleue : le pouce.
Coupure rouge : la main au complet.

Toutes ces amputations seraient faites chirurgicalement et avec douleurs minimales. À la main droite pour tout le monde.

Si tu devais choisir entre une coupure noire ou N1 coupures vertes (à des adultes valides tirés au hasard sur Terre), pour quelle valeur de N1 hésiterais-tu, éthiquement ?

Si tu devais choisir entre une coupure bleue ou N2 coupures noires, pour quelle valeur de N2 hésiterais-tu ?

Si tu devais choisir entre une coupure rouge ou N3 coupures bleues, pour quelle valeur de N3 hésiterais-tu ?

Combien de coupures vertes (le petit doigt) valent une bleue (le pouce), sinon le produit N1N2 ?

Combien de noires (deux doigts) valent une rouge (la main), sinon le produit N2N3 ?

Combien de vertes valent une rouge, sinon le produit N1N2N3 ?

Ça m'étonnerait si c'était dans ce petit intervalle-là (du grand continuum) que tu plaçais ta mystérieuse discontinuité.

Pour moi, N1, N2 et N3 valent tous aux alentours de 3 (disons, de 2 à 4). S'ils valent tous 3, alors une coupure de main vaut 3x3x3 = 27 coupures de petits-doigts.

Ai-je fait une faute de calcul ?

Toi, quels sont tes N1, N2 et N3 ?

À toi la main.

:) Denis
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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#444

Message par Sceptigo » 02 juin 2009, 23:31

Feel O'Zof a écrit :Justement, ce qui ne me va pas dans ton système c'est qu'on dirait que tu considères que l'univers souffre...
Ce qui ne va pas dans ton système c'est qu'on dirait que tu considères que rendre sourd est toujours un mal plus grand que piler sur un orteil. Comme si rendre sourd était un mal plus grand dans l'absolu que piler sur un orteil. Moi, j'affirme que ce n'est pas le cas et que ça varie en fonction du nombre de personnes. L'univers n'a pas besoin de souffrir pour additionner les souffrances d'un individu à l'autre. En tenant compte de tous les individus, on tient compte de tout le bonheur.
Feel O'Zof a écrit :Justement, ce qui ne me va pas dans ton système c'est qu'on dirait que tu considères que l'univers souffre...
En ayant lu "Éthique du nombre" sur ton blog, je pense que tu ne comprends pas parfaitement comment je vois l'éthique. Je vais tenter de te l'expliquer.
Le 1er juin, sur son blog, Feel O'Zof a écrit :Un utilitariste orthodoxe considérera peut-être que le nombre N est très élevé. Il fera sans doute la formule « A/B = N », c'est-à-dire qu'il diviserait la souffrance « être torturé » par la souffrance « se cogner l'orteil » pour évaluer combien de cognements d'orteils vaut un an de tortures.
Dans mon calcul utilitariste, il n'y a aucune multiplication ou division. Je vais tenter de te l'expliquer en donnant des valeurs au bonheur. Je vais donner une valeur positive au bonheur et une valeur négative à la souffrance.

Reprenons l'exemple du combat de gladiateurs. On a deux alternatives : faire un combat de gladiateurs ou ne pas en faire un. Si on ne fait pas de combat de gladiateurs, le calcul est assez simple, 0 souffrance et 0 bonheur, donc ne pas faire de combat de gladiateurs n'est pas si mal que ça parce qu'au moins aucune souffrance n'est créée. Évaluons maintenant l'alternative "Faire un combat de gladiateurs" : un individu parmi les spectateurs ressent un bonheur intense de 5, un autre individu ressent un bonheur intense de 15, un autre ressent un bonheur intense de 8, un autre un bonheur intense de -7, etc. Disons qu'en moyenne, les spectateurs ressentent chacun un bonheur d'intensité 10. Je vais donc multiplier 10 par le nombre de spectateurs. Ici, j'utilise une multiplication, mais ce n'est que pour simplifier les calculs parce qu'en réalité, il faudrait additionner tous les bonheurs individuels de tous les spectateurs. Disons aussi qu'un des deux gladiateurs ressent un bonheur d'intensité -13 369 et l'autre un bonheur d'intensité -11 510. Admettons également qu'il y a 2500 spectateurs. Procédons maintenant au calcul : 10 + 10 + 10 + 10 + ...(2500 fois) + -13369 + -11510 = 121. On remarque que faire un combat de gladiateurs dans ces conditions produit un bilan de bonheur de 121 et que ne pas en faire un produit un bilan de bonheur de 0.
Le 1er juin, sur son blog, Feel O'Zof a écrit :Mon point est que si l'on multiplie la souffrance par le nombre de victimes, on doit aussi multiplier la capacité d'encaisser cette souffrance par le nombre de victimes. Prenons la formule suivante :

Souffrance brute – Capacité d'encaisser = Souffrance nette

Si l'on multiplie la première variable de cette équation par le nombre de victimes, on doit le faire pour la deuxième variable aussi. Ces deux multiplications s'annulent dans la soustraction et ne paraissent plus dans le résultat final.
J'ai beaucoup de mal avec ta formule. Principalement pour deux raisons. Tout d'abord, tu dis qu'en multipliant la première variable par une constante (le nombre de personnes), on doit nécessairement multiplier la deuxième variable par cette même constante et que cette constante, qu'elle soit présente ou non, n'affecte pas le résultat final. Ce qui est faux. Remplaçons "souffrance brute", "capacité d'encaisser" et "souffrance nette" par des valeurs fictives : 10 - 7 = 3. Si on multiplie les deux nombres à gauche de l'égalité par une constante, disons 4, on obtient : 10*4 - 7*4 = 12. On remarque que multiplier les termes à gauche par 4 quadruptle aussi le terme à droite de l'égalité. Ma critique serait invalide si tu remplaçais la soustraction dans ta formule par une division. Ensuite, la deuxième difficulté que j'ai avec ta formule est une question d'unité. Pour que de la souffrance moins quelque chose donne de la souffrance, il faut que ce quelque chose soit mesuré en terme de souffrance, ce que j'ai beaucoup de difficulté à faire avec "capacité d'encaisser".
Le 1er juin, sur son blog, Feel O'Zof a écrit :Toutefois, je cause autant de souffrance nette, puisque mille personnes se remettent aussi facilement de mille pichnottes qu'une seule personne d'une seule pichnotte.
La capacité de se remettre des 1000 personnes pichnottées est simplement déplacée vers une seule personne...

Ce que j'ai du mal à comprendre dans ton système, c'est que tu admettes que mentir et tuer ne sont pas des mals en soi, mais que tu aies tant de difficultés à admettre qu'un combat de gladiateurs peut être justifié dans certaines circonstances.

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Re: Quels sont tes N1, N2 et N3 ?

#445

Message par Feel O'Zof » 13 juin 2009, 03:15

Salut Denis,
Denis a écrit :Si tu devais choisir entre une coupure bleue ou N2 coupures noires, pour quelle valeur de N2 hésiterais-tu ?

Si tu devais choisir entre une coupure rouge ou N3 coupures bleues, pour quelle valeur de N3 hésiterais-tu ?

Combien de coupures vertes (le petit doigt) valent une bleue (le pouce), sinon le produit N1N2 ?

Combien de noires (deux doigts) valent une rouge (la main), sinon le produit N2N3 ?

Combien de vertes valent une rouge, sinon le produit N1N2N3 ?
Pour moi, la valeur de tous ces N est celle à partir de laquelle ça cause plus de souffrance générale pour tout le monde qu'il y ait cette quantité de «petite souffrance» par rapport à la «grande souffrance» d'une seule personne. Il va de soi que plus la petite souffrance et la grande souffrance sélectionnées sont semblables, moins le critère d'intensité compte et plus on peut utiliser d'autres critères (dont le nombre de victimes) pour évaluer quelle situation est la pire.

Dans ces situations particulières que tu me soumets, je ne saurais dire exactement quelle est la valeur de ces N, mais je pense que les souffrances proposées sont suffisamment rapprochées pour que l'on puisse considérer que N fait partie des nombres entiers. Plus les victimes seront proches et plus N sera petit. Mais, entre une gigantesque souffrance intense et N ridicules petites souffrances, je pense que la valeur du N n'a pas de pertinence.
Pour plus de détails sur mes opinions, consultez mon blogue philosophique et laissez-y vos commentaires.

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#446

Message par Feel O'Zof » 13 juin 2009, 03:52

Salut Sceptigo,
Sceptigo a écrit :Reprenons l'exemple du combat de gladiateurs. (...) Disons qu'en moyenne, les spectateurs ressentent chacun un bonheur d'intensité 10. (...) Disons aussi qu'un des deux gladiateurs ressent un bonheur d'intensité -13 369 et l'autre un bonheur d'intensité -11 510. Admettons également qu'il y a 2500 spectateurs. Procédons maintenant au calcul : 10 + 10 + 10 + 10 + ...(2500 fois) + -13369 + -11510 = 121. On remarque que faire un combat de gladiateurs dans ces conditions produit un bilan de bonheur de 121 et que ne pas en faire un produit un bilan de bonheur de 0.
C'est ta façon de procéder. Moi je considère qu'un bonheur de 10 ne vaut pas une souffrance de 10 000 même s'il est ressentie par 1000 personnes. S'abstenir d'acquérir 10 est un plus petit sacrifice que de perdre 10 000. Et, il est aussi facile pour une personne de renoncer à un bonheur de 10 que pour milles personnes de renoncer à 10 unités de bonheur chacune.

Imagine que c'est comme dans un jeu vidéo et que chaque individu a des «points de vie». Si je fais perdre 10 points de vie à un individu qui en a 50, ça revient au même que de faire perdre 10 points de vie chacun à 1000 individu ayant 50 points de vie chacun. Si on multiplie les dommages, on doit multiplier les points de vie également.

10/50 = 20%
10 000 / 50 000 = 20% aussi

Donc une souffrance de 10 pour un individu qui peut en encaisser 50 est aussi pire qu'une souffrance de 10 000 pour une foule qui peut en encaisser 50 000. Je dirais que le nombre compte dans ce genre d'égalité seulement parce que la première victime de la deuxième alternative s'annule avec l'unique victime de la première alternative (puisqu'il subit la même chose dans les deux cas, il ne fait pas plus partie de notre choix que n'importe quelle autre souffrance extérieure qui n'est pas impliqué), donc ça devient l'équivalent de « une souffrance de 9990 répartis sur une foule qui peut en encaisser 49 950... ou aucune souffrance du tout? » Mais dans une situation où l'on aurait à choisir entre faire subir une souffrance de 45 à un individu qui peut en subir 50 (90%) ou une souffrance de 5 000 répartie équitablement dans une foule qui peut en assumer 50 000 (10%), alors je préférerais la deuxième option.
Sceptigo a écrit :Ce que j'ai du mal à comprendre dans ton système, c'est que tu admettes que mentir et tuer ne sont pas des mals en soi, mais que tu aies tant de difficultés à admettre qu'un combat de gladiateurs peut être justifié dans certaines circonstances.
C'est que je ne vois vraiment pas de situation dans laquelle ce pourrait être éthique. Contrairement au mensonge, ça cause toujours une souffrance plus grande que le bonheur que ça procure.

Mais je sais pas si ça vaut vraiment la peine de continuer de s'ostiner là-dessus. Je pense que j'ai clairement expliquée mon opinion et que si on continue, je ne ferai que me répéter. On est en désaccord, c'est comme ça. C'est pas grave, il y a tellement de choses sur lesquelles on est d'accord. Probablement, sur la quasi totalité de ces sujets, ainsi que sur le fait que l'utilitarisme est supérieur à toute autre éthique et que le végétarisme c'est bien. Alors quand bien même qu'on n'aurait pas réussi à démêler l'importance exacte du nombre de victimes dans le bilan de bonheur/souffrance, c'est pas plus grave que ça.
Pour plus de détails sur mes opinions, consultez mon blogue philosophique et laissez-y vos commentaires.

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#447

Message par Sceptigo » 13 juin 2009, 04:15

Feel O'Zof a écrit :On est en désaccord, c'est comme ça. C'est pas grave, il y a tellement de choses sur lesquelles on est d'accord. Probablement, sur la quasi totalité de ces sujets, ainsi que sur le fait que l'utilitarisme est supérieur à toute autre éthique et que le végétarisme c'est bien.
Je dirais même qu'on est d'accord sur la totalité de CES sujets, excepté l'éthique. C'est encore mieux! :a4:

Bon, je vais ajouter de l'eau à ton moulin.

Ces derniers jours, j'ai cherché sur internet à propos de l'utilitarisme. J'ai trouvé ce qui nous différenciait. Deux théories s'opposent : le "total utilitarianism" et le "average utilitarianism". En voici des définitions :

Total utilitarianism : C'est la position à laquelle j'adhère qui consiste à prendre tous les bonheurs et à les additionner.

Average utilitarianism : C'est la position à laquelle, je pense, tu adhèreras peut-être après en avoir pris connaissance. Ça consiste à chercher à maximiser le bonheur moyen. Je vais m'expliquer à l'aide d’un exemple. Si on doit choisir entre torturer une seule personne ou en torturer 10 000 isolées les unes des autres, alors, selon cette théorie, les deux alternatives sont éthiquement égales parce que le bonheur par personne est égal. Ou encore, si on doit choisir entre rendre sourde une personne ou piler sur un orteil de billion de personnes, alors on doit choisir la seconde alternative puisque le bonheur par personne est plus élevé.

Si tu y adhères, ça invalide mes arguments qui étaient que tu considères que rendre sourd est un mal plus grand dans l’absolu que piler sur un orteil et que tu ne tiens pas compte de tout le bonheur. Je me retrouve ainsi sans argument. Malheureusement, tu n’as pas apporté d’arguments contre ma position… Nous sommes donc tous les deux sans argument. Qui a raison? :a1:

Je conserve toutefois mes objections face à ta formule (Souffrance brut – Capacité d’encaisser = Souffrence nette).

Voici des liens sur ces deux théories, si ça t’intéresse : (1), (2).

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#448

Message par Feel O'Zof » 13 juin 2009, 23:49

Oui je pense que cet Average utilitarianism correspond plutôt à ma perception... C'est pas tout à fait ça quand même, disons que dans certains cas je serais peut-être même en désaccord avec cette position, mais c'est ce qui lui ressemble le plus.

Par exemple, dans la situation :
Sceptigo a écrit :Si on doit choisir entre torturer une seule personne ou en torturer 10 000 isolées les unes des autres, alors, selon cette théorie, les deux alternatives sont éthiquement égales parce que le bonheur par personne est égal.
Si la victime de la première alternative fait également partie de 10 000 de la seconde (ou si elle est pigé dans le même échantillon), alors je serais en désaccord pour dire que les deux alternatives se valent... Mais, dans le fond, c'est pas parce que je m'opposerais au fait d'utiliser le bonheur moyen, c'est juste que je considérais que cette victime - qui le sera peu importe l'alternative choisie - devrait être exclue de la considération du problème (donc ce ne serait pas 1 contre 10 000 mais 0 contre 9 999).
Sceptigo a écrit :tu considères que rendre sourd est un mal plus grand dans l’absolu que piler sur un orteil
Dans l'absolu, non. Il y a sûrement une situation tordue et fantastique que l'on pourrait imaginer dans laquelle devenir sourd serait moins pire que de se faire piler sur l'orteil... En fait, je disais des souffrances précises pour illustrer mon propos mais j'aurais tout simplement pu dire : « plusieurs minuscules souffrances, subies par des personnes différentes, versus une énorme souffrance intense ressentie par une seule personne »
Pour plus de détails sur mes opinions, consultez mon blogue philosophique et laissez-y vos commentaires.

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#449

Message par Sceptigo » 18 juin 2009, 21:51

Feel O'Zof a écrit :Dans l'absolu, non. Il y a sûrement une situation tordue et fantastique que l'on pourrait imaginer dans laquelle devenir sourd serait moins pire que de se faire piler sur l'orteil... En fait, je disais des souffrances précises pour illustrer mon propos mais j'aurais tout simplement pu dire : « plusieurs minuscules souffrances, subies par des personnes différentes, versus une énorme souffrance intense ressentie par une seule personne »
C'est justement là que ça coince. Quelle méthode utilises-tu pour dire qu'une souffrance est une moins grande souffrance qu'une autre? Tu te demandes si pour une personne, ça cause plus de souffrance de devenir sourd ou de se faire piler sur un orteil? D’accord, mais pourquoi est-ce que ça serait encore le cas lorsque le nombre de personnes change? Si tu dis que devenir sourd est une pire souffrance que se faire piler sur un orteil parce que ça l’est pour une personne, tu ne peux plus dire la même chose lorsque le nombre de personne change ou, si tu veux pouvoir continuer de l’affirmer, tu dois te trouver une autre méthode, un autre critère. C’est ce que je voulais dire quand je parlais d’absolu. Tu sembles trop catégorique quand tu dis qu’une telle souffrance est une pire souffrance qu’une autre, un peu comme si ça avait été dicté par un être supérieur que devenir sourd est pire que se faire piler sur un orteil. J’ai de la misère à t’exprimer ce que je veux dire.

Je pense que notre problème, c’est qu’on se représente pas le bonheur de la même manière. Est-on au moins d’accord que les bonheurs peuvent être représentés sur une échelle où des valeurs positives représentent des bonheurs et des valeurs négatives représentent des malheurs? À te lire, surtout quand tu parles de facilité à guérir, de capacité d’encaisser, etc., je trouve que tu zigonnes avec toutes sortes de termes et qu’à chaque nouveau dilemme, tu utilises des méthodes différentes pour déterminer ce qui serait préférable.

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Re: Le végétarisme et le scepticisme

#450

Message par Feel O'Zof » 19 juin 2009, 00:54

Sceptigo a écrit :Tu sembles trop catégorique quand tu dis qu’une telle souffrance est une pire souffrance qu’une autre, un peu comme si ça avait été dicté par un être supérieur que devenir sourd est pire que se faire piler sur un orteil. J’ai de la misère à t’exprimer ce que je veux dire.
Pas besoin d'un être supérieur. Juste à «calculer» ce que ressent la victime ou à lui demander laquelle des deux souffrances elle préférerait subir.
Sceptigo a écrit :Est-on au moins d’accord que les bonheurs peuvent être représentés sur une échelle où des valeurs positives représentent des bonheurs et des valeurs négatives représentent des malheurs?
C'est une façon de représenter les bonheurs et les malheurs... mais, dans les faits, c'est souvent plus complexe. En fait ça dépend comment on fait notre calcul et quelles attributs de la conséquence proposée on utilise pour la chiffrer. Par exemple, si l'on tient compte de l'intensité d'un bonheur/souffrance, on doit aussi tenir compte de sa durée, des conséquences à long terme, etc.

C'est à ça que je faisais allusion quand je parlais de «facilité à guérir» et de «capacité d'encaisser». C'était simplement considérer autre chose que la seule douleur immédiate du moment mais évaluer vraiment toutes les conséquences à long termes. Dans cette perspective, une micro-douleur ressentie simultanément par un milliards de personne pendant une courte période est moins pire que de torturer et d'estropier une seule personne. Je ne considère pas que le nombre de victimes soit une variable plus importante que les autres (durée, intensité, etc.) et je considère que frapper dix personnes n'est pas exactement dix fois pire que d'en frapper une seule. Pour moi, multiplier la valeur d'une souffrance par le nombre de victimes n'est pas la bonne façon de procéder. Sinon, on pourrait - pourquoi pas? - choisir aussi de le multiplier par le nombre de secondes qu'il dure (ou de minutes, ou d'heures... comment savoir?). Moi je pense personnellement qu'au lieu de dire «Combien vaut frapper une personne à la figure?» et de multiplier ça par dix s'il y a dix victimes, on devrait se demander directement «Combien vaut frapper ces dix personnes à la figure?» et l'on se rendrait compte que si l'on réduirait le nombre de victimes à neuf, ce ne serait pas nécessairement exactement 10% moins pire.
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