Dans cet article, on trouve l'affirmation suivante:
"Unfortunately for Wilson, this reductionist program has long since been abandoned because of insurmountable technical obstacles, even in the case of reducing biology to chemistry. [3] Reductionism is dead, whereas nonreductive integration is very much alive. [4]".
Le réductionnisme dont il est question est l'idée que tout peut être réduit - par étape - à la matière, à la physique dans un sens. Selon les mots de Wilson, cités dans l'article: "all tangible phenomena, from the birth of stars to the workings of social institutions, are based on material processes that are ultimately reducible, however long and tortuous the sequences, to the laws of physics."
Il est vrai qu'une démarche réductionniste stricte devient rapidement impossible vue la quantité de données qu'il faut traiter et de variables dont il faut tenir compte. Toutefois, est-il vrai que le réductionnisme est mort?
Jean-François
L'échec du réductionnisme?
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Je ne pense pas que le réductionnisme soit mort. Mais je ne pense pas non plus qu'il soit intelligent d'en faire un programme scientifique (comme Wilson, obsédé par la convergence des sciences à tout prix). À mon avis c'est simplement une description de ce qu'on fait: réduire les systèmes complexes à leurs éléments déterminants. Mais le but c'est pas cette réduction en elle-même -- c'est la compréhension (description+prédiction) de ces systèmes. Ceci implique qu'à un certain niveau on peut s'arrêter de réduire puisque les facteurs du prochain étage de réduction ne sont plus déterminants. Par exemple, je ne doute pas qu'on puisse un jour «réduire» (faut faire attention: y en a qui verront seulement le côté péjoratif du mot qui est pourtant utilisé de façon parfaitement neutre dans cette discussion) la vie humaine à ses quanta (bio->chimie->physique). Seulement, la théorie des quanta n'expliquera en rien la vie humaine, elle ne fait que décrire le cadre très large de ses conditions de possibilité.
Quant à l'autre question, «la science rend-elle ignorant», l'auteur explique que la neuroscience, dans son état embryonnaire actuel, remplace mal nos anciens systèmes de connaissance de nous-mêmes. C'est un faux problème:
1) 99,999% des gens ignorent tout de la neuroscience et fonctionnent toujours avec des canons culturels
2) ces canons culturels sont souvent très stupides -- certainement plus englobants, mais aussi plus insignifiants que la connaissance scientifique actuelle
3) de toute façon je ne pense pas que le concept même de «nous-mêmes» soit bien scientifique, voire observable ou même particulièrement intelligent. Autrement dit, l'auteur est en train de blâmer la science parce qu'elle ne s'imbrique pas dans ses préjugés culturels -- autrement dit, pour son côté scientifique.
Y a peut-être de meilleurs exemples de ce qu'il veut dire, mais je n'en vois pas dans le texte.
La solution de l'auteur à son faux problème est l'intégration du culturel au scientifique. Évidemment, au sens où l'interface science-culture est un sujet scientifique en lui-même, c'est un programme intéressant. Mais l'objectif ultime d'«intégrer» les deux, je vois pas comment y arriver (en fait je ne vois pas non plus exactement ce que ça veut dire).
Quant à l'autre question, «la science rend-elle ignorant», l'auteur explique que la neuroscience, dans son état embryonnaire actuel, remplace mal nos anciens systèmes de connaissance de nous-mêmes. C'est un faux problème:
1) 99,999% des gens ignorent tout de la neuroscience et fonctionnent toujours avec des canons culturels
2) ces canons culturels sont souvent très stupides -- certainement plus englobants, mais aussi plus insignifiants que la connaissance scientifique actuelle
3) de toute façon je ne pense pas que le concept même de «nous-mêmes» soit bien scientifique, voire observable ou même particulièrement intelligent. Autrement dit, l'auteur est en train de blâmer la science parce qu'elle ne s'imbrique pas dans ses préjugés culturels -- autrement dit, pour son côté scientifique.
Y a peut-être de meilleurs exemples de ce qu'il veut dire, mais je n'en vois pas dans le texte.
La solution de l'auteur à son faux problème est l'intégration du culturel au scientifique. Évidemment, au sens où l'interface science-culture est un sujet scientifique en lui-même, c'est un programme intéressant. Mais l'objectif ultime d'«intégrer» les deux, je vois pas comment y arriver (en fait je ne vois pas non plus exactement ce que ça veut dire).
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Je suis d'accord avec toi pour ne pas voir le réductionnisme comme mort. Je suis aussi d'accord pour dire qu'à partir d'un certain degré, il perd de sa pertinence. Comme tu dis:
J'ai un peu plus de mal à te suivre après, surtout:
Me semble que la question de la conscience (donc, du "soi") échappe à l'investigation scientifique. On ne peut nier que des résultats commencent à sortir, même s'il y a encore loin d'ici à une théorie solide.
Jean-François
Stéphane a écrit :Mais le but c'est pas cette réduction en elle-même -- c'est la compréhension (description+prédiction) de ces systèmes. Ceci implique qu'à un certain niveau on peut s'arrêter de réduire puisque les facteurs du prochain étage de réduction ne sont plus déterminants
J'ai un peu plus de mal à te suivre après, surtout:
Je suis d'accord pour trouver son texte confus. Toutefois, contrairement à toi, j'ai l'impression qu'il défend plutôt l'idée qu'on doit trouver un moyen pour faire passer plus de science du côté des "préjugés culturels", sans que ce passage entraîne de perte notable de la la "qualité" des connaissances scientifiques (j'extrapole, là). Sur le "comment", je reste aussi dans l'expectative. Il me semble qu'il défend surtout le "pourquoi le faire" (ou plutôt: "pourquoi mon programme m'a valu un poste"), sans être véritablement original.ces canons culturels sont souvent très stupides -- certainement plus englobants, mais aussi plus insignifiants que la connaissance scientifique actuelle
C'est une question de mots, là. J'ai compris son exemple comme une manière de faire comprendre comment la science aborde la question de la conscience (à partir du fonctionnement cérébral et non de préjugés, culturels justement), et en quoi cette approche donne des résultats culturellement contre-intuitifs.de toute façon je ne pense pas que le concept même de «nous-mêmes» soit bien scientifique, voire observable ou même particulièrement intelligent. Autrement dit, l'auteur est en train de blâmer la science parce qu'elle ne s'imbrique pas dans ses préjugés culturels -- autrement dit, pour son côté scientifique
Me semble que la question de la conscience (donc, du "soi") échappe à l'investigation scientifique. On ne peut nier que des résultats commencent à sortir, même s'il y a encore loin d'ici à une théorie solide.
Jean-François
JF:
«j'ai l'impression qu'il défend plutôt l'idée qu'on doit trouver un moyen pour faire passer plus de science du côté des "préjugés culturels",»
c'est sûr, mais c'est pas exactement révolutionnaire comme idée. Ça justifierait peut-être un service de vulgarisation/diffusion des connaissances dans une université ou quelque chose du genre. Mais un programme scientifique?
Il explique:
« the neural activity associated with a choice appears to precede your conscious experience of that choice. This is just the beginning. Do these facts contradict the received cultural understanding of the self? Do they reinforce it? Or are they not facts about the self at all but about something else? I don’t know. I’m not sure that anyone does at this point.»
et conclue:
«The point is not that some people don’t yet understand the latest relevant science. Rather, the latest science makes it the case that we no longer understand what we once did about the self.»
En fait, son premier sujet d'étude devrait être, «suis-je la seule personne à poser le problème ce cette manière». Ce que je disais, c'est qu'il est fort probable que ce soit le cas -- ou du moins, qu'il fasse partie d'une infime minorité. Alors son discours au sujet de la Culture avec un grand Q et «Notre» compréhension de «Nous Mêmes» est pas trop convainquant.
«j'ai l'impression qu'il défend plutôt l'idée qu'on doit trouver un moyen pour faire passer plus de science du côté des "préjugés culturels",»
c'est sûr, mais c'est pas exactement révolutionnaire comme idée. Ça justifierait peut-être un service de vulgarisation/diffusion des connaissances dans une université ou quelque chose du genre. Mais un programme scientifique?
Il explique:
« the neural activity associated with a choice appears to precede your conscious experience of that choice. This is just the beginning. Do these facts contradict the received cultural understanding of the self? Do they reinforce it? Or are they not facts about the self at all but about something else? I don’t know. I’m not sure that anyone does at this point.»
et conclue:
«The point is not that some people don’t yet understand the latest relevant science. Rather, the latest science makes it the case that we no longer understand what we once did about the self.»
En fait, son premier sujet d'étude devrait être, «suis-je la seule personne à poser le problème ce cette manière». Ce que je disais, c'est qu'il est fort probable que ce soit le cas -- ou du moins, qu'il fasse partie d'une infime minorité. Alors son discours au sujet de la Culture avec un grand Q et «Notre» compréhension de «Nous Mêmes» est pas trop convainquant.
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