#181
Message
par Tania » 18 févr. 2011, 16:55
Avec Patrick Tort on est bien loin du relativisme moral:
<< Nous le résoudrons en développant simplement la logique même de la théorie sélective. La *sélection naturelle - il s'agit chez Darwin d'un point fondamental - sélectionne non seulement des *variations organiques présentant un *avantage adaptatif, mais aussi des *instincts. Parmi ces *instincts avantageux, ceux que Darwin nomme les *instincts sociaux ont été tout particulièrement retenus et développés, ainsi que le prouvent le triomphe universel du mode de vie social au sein de l'humanité, et la tendancielle hégémonie des peuples "civilisés". Or dans l'état de "*civilisation", résultat complexe d'un accroissement de la rationalité, de l'emprise grandissante du sentiment de "*sympathie" et des différentes formes morales et institutionnelles de l'*altruisme, on assiste à un renversement de plus en plus accentué des conduites individuelles et sociales par rapport à ce que serait la poursuite pure et simple du fonctionnement sélectif antérieur : au lieu de l'élimination des moins aptes apparaît, avec la *civilisation, le devoir d'assistance qui met en oeuvre à leur endroit de multiples démarches de secours et de réhabilitation ; au lieu de l'*extinction naturelle des malades et des infirmes, leur sauvegarde par la mobilisation de technologies et de savoirs (hygiène, médecine, sport) visant à la réduction et à la *compensation des déficits organiques ; au lieu de l'acceptation des conséquences destructrices des hiérarchies naturelles de la force, du nombre et de l'aptitude vitale, un interventionnisme rééquilibrateur qui s'oppose à la disqualification sociale. Par le biais des *instincts sociaux, la *sélection naturelle, sans "saut" ni rupture, a ainsi sélectionné son contraire, soit : un ensemble normé, et en extention, de *comportements sociaux anti-éliminatoires - donc anti-sélectifs au sens que revêt le terme de *sélection dans la théorie développée par *L'origine des espèces -, ainsi, corrélativement, qu'une éthique anti-sélectionniste (= anti-éliminatoire) traduite en principes, en règles de conduite et en lois. L'émergence progressive de la morale apparaît donc comme un phénomène indissociable de l'évolution, et c'est là une suite normale du matérialisme de Darwin, et de l'inévitable extension de la théorie de la *sélection naturelle à l'explication du devenir des sociétés humaines. Mais cette extension, que trop de théoriciens, abusés par l'écran tissé autour de Darwin par la philosophie évolutionniste de *Spencer, ont interprétée hâtivement sur le modèle simpliste et faux du "*darwinisme social" libéral (application aux sociétés humaines du principe de l'élimination des moins aptes au sein d'une concurrence vitale généralisée), ne peut en toute rigueur s'effectuer que sous la modalité de l'effet réversif, qui oblige à concevoir le renversement même de l'opération sélective comme base et condition de l'accession à la "*civilisation". C'est ce qui interdit définitivement que la *sociobiologie, qui défend au contraire, à l'opposé de toute la logique anthropologique de Darwin, l'idée d'une continuité simple (sans renversement) entre *nature et société, puisse à bon droit se réclamer du *darwinisme. L'opération réversive est ce qui fonde la justesse finale de l'opposition *nature / culture, en évitant le piège d'une "rupture" magiquement installée entre ses deux termes : la continuité évolutive, à travers cette opération de renversement progressif liée au développpement (lui-même sélectionné) des *instincts sociaux, produit de cette manière non pas une rupture effective, mais un effet de rupture qui provient de ce que la *sélection naturelle s'est trouvée, dans le cours de sa propre *évolution, soumise elle-même à sa propre loi - sa forme nouvellement sélectionnée, qui favorise la protection des "faibles", l'emportant, parce qu'avantageuse, sur sa forme ancienne, qui privilégiait leur élimination. L'avantage nouveau n'est plus alors d'ordre biologique : il est devenu social. >>
Patrick Tort.
Tania: Attribuer ce type d'évolution à la théorie matérialiste de Darwin est plutôt audacieux, mais en attendant les faits sont là: Même les athées matérialistes se posent des questions quant à l'évolution de la morale. Insister sur le terrain du relativisme moral est insensé.
Voilà une autre argumentation intéressante contre le relativisme moral:
Le conformisme social ou légal rend impossible le progrès en matière de morale.
...Il n'y a pas de place pour les anti-conformistes et les réformateurs dans le genre de société conformiste auquel nous engage le relativiste. En effet, dans une société relativiste, tout le monde est conformiste. Par ailleurs, les lois seraient édictées à l'unanimité, puisque la contestation ou la critique individuelle n'a aucun sens. Il n'y a pas non plus de progrès moral possible. L'histoire de l'humanité regorge d'exemples de réformateurs et d'anti-conformistes dont le point de vue, isolé au départ, a gagné ensuite de plus en plus d'adhérents. Si la société avait été relativiste, jamais nous aurions vu ces grands réformateurs, tels Socrate, Jésus, Luther, Rousseau, Marx, Martin Luther King, Gandhi, Mao Tsé-Toung, et j'en passe, sortir de la masse afin de lutter contre l'esclavage et l'oppression des démunis, et faire progresser la reconnaissance des droits de l'homme, des Noirs, des femmes et des animaux. Ces réformateurs ont critiqué certaines lois, habitudes, coutumes ou moeurs des sociétés dans lesquelles ils vivaient. Ils les ont critiqués parce qu'ils les jugeaient moralement inadmissibles. Ils ont fait appel à des idées définissant le bien et le mal, par opposition à ce que pensaient la plupart des gens à leur époque. Il n'est pas facile de dire ce qu'est le bien et le mal, mais c'est une idée que la plupart d'entre nous comprend, à moins d'être des conformistes obéissant servilement aux règles sociales, comme nous y invite le relativisme.
Conclusion:
Par conséquent le relativisme n'est pas valable.
Lorsqu'on développe la conception de la société à laquelle nous engage le relativisme, on peut conclure que le relativisme n'est certainement pas une position philosophique valable.
Références:
Une argumentation contre le relativisme
par Jean Laberge, du cégep du Vieux Montréal
• Claire DENIS, David DESCENT, Jacques FOURNIER, Gille MILLETTE, Individu et société. Montréal, McGraw-Hill, 1991.
• John HOSPERS, Human Conduct. Problems of Ethics. New York, 1982, 2e édition, chapitre 1.
• Kai NIELSEN, Reason and Practice. A Modern Introduction to Philosophy. New York, Harper & Row, 1971, chapitre 23.
• Peter SINGER, éd., A Companion to Ethics, Londres, Blacwell, Blackwell Companions to Philosophy, 1993, pages 38-39.
Ca me parait clair et sans bavure. L'incident est clôt.
Tania