BeetleJuice,
Tu affirmais que les révélations des mémos diplomatiques dans l'affaire "Wikimachin" ne faisaient que confirmer ce que n'importe qui d'un peu renseigné aurait pu deviner. J'étais assez en accort avec toi.
Avant hier, quand même, j'écoutais un générale de OTAN affirmer que les frappes de notre avion avaient pour but «d'aider les populations civiles Lybienne». Belle version officielle! Je n'ai pas pu me retenir d'avoir un pincement. Je me suis demandé ce qu'un gars bien renseigné comme toi "devinait" des intentions véritables des forces occidentales.
Je te pose la question au cas o;u tu aurais une opinion. Si tu n'en a pas, ne te sent pas obligé
Amicalement,
Spécial K
BeetleJuice et la Lybie
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« Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire. » George Orwell
- BeetleJuice
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Re: BeetleJuice et la Lybie
Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. J'ai été plus précis que ça.Spécial K a écrit :Tu affirmais que les révélations des mémos diplomatiques dans l'affaire "Wikimachin" ne faisaient que confirmer ce que n'importe qui d'un peu renseigné aurait pu deviner.
J'ai dit que les mémos, dans leur globalité, ne faisait que confirmer les grandes lignes du fonctionnement du monde tel que pouvait déjà le prévoir ceux qui prennent le temps de se renseigner un peu et qu'on constatait que, loin de mentir à leur citoyen, les Etats sont en fait assez transparent sur leurs actions, même s'ils n'en dévoile pas tous les buts (buts que l'on peut, cependant, globalement prévoir)
Chaque détails révélés par Wikileak n'était pas prévisible non plus, mais globalement, il n'y avait rien de surprenant et le portrait du monde dressé correspondait à peu près à ce que des spécialistes de la politique et de la géopolitique avaient déjà dit.
(Je précise, parce que votre phrase laisse pensé que n'importe quel détail était prévisible.)
La libye est un conflit récent.Avant hier, quand même, j'écoutais un générale de OTAN affirmer que les frappes de notre avion avaient pour but «d'aider les populations civiles Lybienne». Belle version officielle! Je n'ai pas pu me retenir d'avoir un pincement. Je me suis demandé ce qu'un gars bien renseigné comme toi "devinait" des intentions véritables des forces occidentales.
Je te pose la question au cas o;u tu aurais une opinion. Si tu n'en a pas, ne te sent pas obligé
J'aurais tendance à dire qu'il y a actuellement trop peu de matière pour juger précisément des buts de cette histoire.
Cela dit, on peut spéculer des buts poursuivis quand même en analysant la situation de la région avant crise.
(je préviens que je vais d'abord analyser l'espace musulman dans sont ensemble pour en revenir à la Libye par la suite.)
Avant crise, le maghreb et le Machrek avait un rôle stratégique important de sécurisation des frontières de l'Europe face à l'immigration et de stabilité des acheminements en hydrocarbure, tout en adoptant une politique conciliante pour la gestion des flux commerciaux, notamment pour le canal de Suez.
Les dictatures en place, pour la plupart, montrait aussi patte blanche pour l'allié stratégique américain qu'est Israël.
Dans ce système, l'Otan entretenait un ensemble de pouvoir régionaux reposant sur des piliers stabilisant la région (je me permets une analyse au delà du seul magrheb pour tenter de comprendre):
Les américains faisait reposer leur influence sur l'ensemble du monde musulman (turc, arabe, persan, berbère):
-la Turquie, qui sert comme d'habitude de pont entre l'orient et l'occident en étant dans l'Otan tout en étant partie du monde musulman et dont l'Islam politique était acceptable car l'Etat était encore sous influence des militaires (qui ne contrôle pas l'Etat, mais qui reste une force de pression)
C'est aussi un moyen de mettre en avant le monde turc musulman face au monde perse musulman avec l'Iran.
-L'Egypte, qui restreignait l'influence des islamistes dans la région du maghreb, qui faisait contrepoids en influence à l'Arabie saoudite, l'empêchant de s'imposer comme leader de tout le monde arabe, qui stabilisait la frontière sud d'Israël et donc la région autour.
-L'arabie Saoudite, qui contrôle le golfe et l'empêche de se tourner vers d'autre région du monde que les USA en échange de la protection de ceux-ci et qui sert de second contrepoids dans la région avec l'Egypte, les deux se disputant la première place au sein des pays de la ligue arabe et se disputant la place de première puissance régionale avec la Turquie et l'Iran.
-Israël, qui est protégé par les 3 autres piliers, et qui est une sorte de protectorat américain dans la région (non qu'Israël soit réellement un protectorat, ce que je veux dire c'est qu'Israël est une sorte de cheval de Troie dans la zone arabe sous protection des USA.)
-Le Pakistan, pour la zone turque, qui sert de point un peu stable dans l'Asie centrale mouvementé.
Les Européens n'ont pas tout à fait les même pilier, portant leurs ambitions moins loin que les USA, donc se reposant plus sur:
-L'Algérie
-La Tunisie
-L'Egypte (via l'influence des USA)
-La Turquie
Mais c'est le même principe: assurer le calme de la région et des régime amis pour sécuriser des flux et garantir une influence sur ces flux contre l'influence d'autre puissance.
Pour les américains, c'est l'influence de l'Iran qui est contrée et indirectement, de la Chine et de la Russie qui le soutiennent.
Pour les Européens, c'est l'influence des Islamistes qu'ils ne veulent pas voir débarquer en Europe et menacer la stabilité de la frontière sud, mais aussi, dans une moindre mesure, de l'Iran aussi, qui était au coeur du grand jeu de l'asie centrale, jusqu'à il y a peu.
Les révoltes arabes ont, en quelque sorte, consacrées une situation qui était déjà discernable: le délitement progressif de cet ordre et notamment de l'ordre américain (les Européens ayant moins investie en diplomatie d'influence et ayant des liens de plus longues dates, ont "moins perdu" au final, même s'ils sont les premiers touchés actuellement.)
En clair, depuis quelques années les alliées stratégiques servant de piliers commence à être une source d'ennuis de plus en plus forte, au point de réduire leur bénéfice stratégique. Sans parler du fait que les intérêts vitaux des 2 ensembles régionaux que sont les pays Européens et les USA ont changé (le centre de gravité des USA se détournant de l'atlantique nord pour se tourner d'avantage vers le pacifique et l'atlantique sud, les Européens étant moins préoccupé par le sud que par l'Est et l'espace russe et caucasien depuis un moment.)
C'est d'abord Israël qui a commencé à être un boulet à mesure que sa politique très agressive a été de plus en plus mal perçue par le reste du monde et à développer un fort sentiment anti-occidental dans la région, au point que l'influence des pays arabe sur leur pair se mesure quasiment en degré d'opposition à Israël.
La Turquie a par exemple gagné son influence récente en cessant une partie de ses partenariats stratégiques avec Israël et notamment avec l'affaire de la flotille humanitaire qui a été autorisé par la Turquie et dont un bateau battait pavillon Turque.
A l'inverse, l'Arabie Saoudite et l'Egypte, laxiste vis à vis d'Israël aux yeux des musulmans de la région, ont beaucoup perdu en influence et en rayonnement, d'autant plus l'Arabie Saoudite qui est un royaume musulman et se revendiquait de l'Islam politique.
Ensuite, ça a été la Turquie. Les démêlés avec l'Union Européenne qui freine son adhésion et son développement économique l'ayant amené à revoir sa vision stratégique pour reprendre son rôle de pont entre l'orient et l'occident, en redevenant le leader régional du moyen-orient et donc l'interlocuteur privilégié de l'Europe pour le dialogue dans la région, rôle que l'empire Ottoman occupait déjà.
Ce changement de cap à imposer un rapprochement avec le monde musulman et fatalement de cesser d'être l'arrière cour du monde occidental pour devenir l'avant garde du moyen-orient. De fait la Turquie c'est posé en médiateur avec l'Iran, contre l'avis des occidentaux, et à clairement montrer son détachement progressif de l'orbite de l'OTAN.
Ensuite, ce sont les révoltes arabes qui ont pérennisé la fin des derniers piliers, sauf l'Algérie pour le moment, avec la chute du régime Egyptien ami et donc un très probable retour sur le devant de la scène de l'Egypte, la chute de la Tunisie, marquant le retour de l'Islam dans l'identité du maghreb* au détriment de gens comme Khadafi, par exemple, qui, bien que se revendiquant musulman, a un régime plus basé sur des idées sortant de la guerre froide (son régime ayant une doctrine de socialisme islamique, doctrine qui a eu un écho pendant la guerre froide mais qui n'est plus aujourd'hui une idéologie porteuse.)
*je ne dis pas que la Tunisie sera islamique, mais en faisant sauter le verrou de la dictature de Ben Ali, les tunisiens ont pu se redéfinir et redéfinir leur identité et je pense que l'Islam sera la base de cette identité, sans pour autant que ça débouche sur un intégrisme. Simplement une redéfinition nationale autour d'un passif religieux et culturel lourd et qui réuni plus la population que le reste de l'expérience coloniale et post-coloniale que représentait Ben Ali.
Au milieu de ça, et pour y revenir: la Libye.
La situation de la Libye est différente parce qu'il ne s'agit pas d'un pays aussi anciennement structuré que la plupart des autres pays du monde musulman. La Libye a longtemps été l'arrière cours d'une puissance régionale, que ce soit les Ottoman, les Mamlelouk, les royaumes tunisiens...
Donc la révolte n'est pas, là bas, similaire à la révolte de l'Egypte ou de la Tunisie, mais, à mon sens, d'avantage une révolte inter-tribal que populaire, et c'est plus proche des problèmes qu'on retrouve avec les éthnies dans les pays d'Afrique subsaharienne qu'autre chose.
En clair, la Libye, qui n'a une existence unitaire que récente, a connu 30 ans de dictature par un dictateur qui a joue justement sur le soutien des tribus, favorisant certaine au détriment d'autre.
Face à ce type d'inégalité dans l'accès au pouvoir, la Libye, qui a connu un fort développement (et développement=grossissement de la population suffisamment cultivées et riche pour trouver inadmissible de ne pas avoir son mot à dire sur la vie du pays), c'est embrasé en partant des régions les plus historiquement hostiles à Khadafi car contenant les tribus les plus maltraités par le régime (l'Est, donc.)
Ca ne veut pas pour autant dire que c'est une guerre de l'Est contre l'Ouest, mais le contentieux initial à la révolte n'est pas tout à fait le même qu'ailleurs et il y a de grande chance que l'enlisement ait transformé la révolte en guerre Est-Ouest, à mesure que ceux qui se révoltaient pour d'autres raisons abandonnent la partie face à la répression.
Dans ce bazar: que viennent faire les occidentaux ?
A mon sens, ils ne sont pas là par calcul de longue date et plus par urgence pour éviter que la situation n'échappe totalement à leur contrôle. (d'où le caractère un peu désordonnée de l'action, qui n'a toujours pas de motif stratégique clairement affiché, ni de stratégie précise sur le terrain)
Les occidentaux ont clairement perdu leurs piliers dans la région, même Israël, que la politique paranoïaque et le retournement des autres piliers a transformé d'avantage en déstabilisateur régional de plus en plus couper de la politique de la région, qu'en point d'accès à la région pour l'occident.
Mais, là où les régimes tunisiens et égyptiens ont laissé une société civile organisé et des pouvoirs apte à assurer une transition (démocratique ou pas), la Libye, elle, cours probablement au chaos en renversant Khadafi. Alors qu'en Egypte et en Tunisie, même s'il sera probablement impossible de retrouver l'influence perdue, il sera possible de s'entendre, la Lybie, elle, est soit au main d'un dictateur imprévisible, soit risque le chaos.
De là, on pourrait ce dire qu'il vaut mieux le laisser là pour assurer la stabilité. C'est le pari de l'Italie par exemple, même si son alliance avec les autres pays d'Europe et l'OTAN lui force la main pour s'engager dans l'action militaire (ses choix sont de toute manière limités, Khadafi n'étant pas un allié fiable, au contraire des autres pays européens, malgré leur versatilité.)
Sauf que Khadafi, qui était pro-occident, n'est pas fiable et qu'une transition dans la région permettrait de retrouver un allié stratégique d'autant plus interessant qu'il exporte du pétrole.
A mon avis, c'est le pari de la France et du royaume Uni, c'est à dire se prémunir de l'absence de fiabilité de Khadafi, qui manœuvre la géopolitique au gré de ses désirs et peut très bien décider que le meilleur partenaire c'est la chine ou la Russie, en facilitant militairement une transition et, plus probablement, une partition du pays (à mon avis, l'hypothèse de la partition, créant une entité proche de l'Egypte sous contrôle des ex-rebelles et sous aides occidentales a été envisagé, ce qui réduirait les capacités de nuisance de Khadafi tout en sécurisant isolant l'Egypte où l'on craint un sursaut des islamiste, coincé entre Israël et une nouvelle Libye qui ne risquera pas de financer le terrorisme.)
A mon avis, c'est un peu un calcul dans l'urgence pour s'éviter aussi d'avoir un Khadafi qui augmente son influence sur la région alors que celle-ci s'embrase, l'Europe préférant un Maghreb Egyptien plutôt qu'un Maghreb Libyen.
Mais ça reste un pari risqué et décidé dans l'urgence à cause d'impératif de politique intérieure (l'action en Libye rattrapant l'inaction en Tunisie et Egypte.) et sur une logique qui a montré ces limites (mettre en place des régimes amis dans la régions ne pouvant s'appuyer que sur l'aspiration populaire pour éviter un Irak Bis ou des révoltes type Tunisienne dans 20 ans)
Ca c'est ce que je vois de la situation actuelle, même si d'aucun y verront comme d'habitude, un complot savamment préparé des USA via l'OTAN pour faire main basse sur le pétrole Libyen (alors que l'OTAN passe plus de temps à sécuriser les lieux de productions qu'à les contrôler de fait.)
Mais comme dit au début: le conflit étant très récent, c'est impossible de faire plus que de la spéculation sur de maigres éléments, donc il se peut que je me trompe complètement, d'autant plus que je connais mal la structure sociale et politique de la Libye (alors que je connaissais bien mieux la structure de l'Iran, par exemple.)
Voilà, c'est un peu long comme réponse, mais c'est ce que je pense. Comme je n'ai pas formellement de preuve (j'ai précisé que c'était de la spéculation à partir de situation constaté et non des faits) les lecteurs en font ce qu'ils veulent.
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)
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Re: BeetleJuice et la Lybie
Disons que le côté inter-tribal, ou inter-clanique, y est beaucoup plus prépondérant que dans les autres pays, mais fondamentalement on se retrouve dans la même problématique:BeetleJuice a écrit :Au milieu de ça, et pour y revenir: la Libye.
....
Donc la révolte n'est pas, là bas, similaire à la révolte de l'Egypte ou de la Tunisie, mais, à mon sens, d'avantage une révolte inter-tribal que populaire, et c'est plus proche des problèmes qu'on retrouve avec les éthnies dans les pays d'Afrique subsaharienne qu'autre chose.
Des populations de plus en plus éduquées voient leur passer sous le nez les emplois rémunérateurs dans les principaux domaines de développement économique, qu'il s'agisse du pétrole, de l'urbanisme, de l'industrie en général ou même du tourisme, en conjonction avec la fermeture progressive et systématique de la soupape que constitue l'émigration vers l'Occident. En gros, elles ne supportent plus que leurs gouvernants vendent les ressources du pays à l'encan à leur seul bénéfice et importent de la main-d'oeuvre étrangère (chinoise, coréenne pour les grands travaux pharaoniques mais mal faits comme routes et installations pétrolières ou l'agriculture, d'Afrique sub-saharienne pour les milices ou les tâches les plus "viles", occidentale pour l'enseignement, le tourisme ou le commerce de détail, ...).
A mon avis, ils se sont avisés, mais un peu tard, de la gaffe majeure qu'a été de laisser Khadaffi rejoindre la scène internationale comme s'il en était un acteur normal, et ont saisi l'occasion de se débarrasser d'un bien encombrant boulet. Je pense aussi que chacun des pays impliqués ajoute une motivation différente, entre l'Italie qui est saoulée de migrants, la France qui se doit de faire oublier ses options calamiteuses ailleurs (et sa collusion avec le clan Khadaffi dans bien des domaines économico-politiques), l'Angleterre qui n'a toujours pas digéré Lockerbie, les pays Arabes qui se demandent qui Khadaffi va soutenir à domicile, etc.Dans ce bazar: que viennent faire les occidentaux ?
A mon sens, ils ne sont pas là par calcul de longue date et plus par urgence pour éviter que la situation n'échappe totalement à leur contrôle. (d'où le caractère un peu désordonnée de l'action, qui n'a toujours pas de motif stratégique clairement affiché, ni de stratégie précise sur le terrain)
Chaos d'autant plus prévisible que les forces loyales à Khadaffi sont acculées: si le régime tombe, il n'y aura personne pour les payer, encore moins pour les accueillir. On ne sait hélas que trop de quoi sont capables des troupes en pareilles situation.Mais, là où les régimes tunisiens et égyptiens ont laissé une société civile organisé et des pouvoirs apte à assurer une transition (démocratique ou pas), la Libye, elle, cours probablement au chaos en renversant Khadafi. Alors qu'en Egypte et en Tunisie, même s'il sera probablement impossible de retrouver l'influence perdue, il sera possible de s'entendre, la Lybie, elle, est soit au main d'un dictateur imprévisible, soit risque le chaos.
Complot certes pas, calcul de probabilités sans aucun doute. Je suis prête à parier ma chemise que la prompte reconnaissance du gouvernement Lybien transitoire par la France ne relève pas uniquement d'un angélisme droit-de-l'hommiste de la part de notre cher président, non plus que la position attentiste de la Chine et de la Russie soit motivée par le strict droit international ...Ca c'est ce que je vois de la situation actuelle, même si d'aucun y verront comme d'habitude, un complot savamment préparé des USA via l'OTAN pour faire main basse sur le pétrole Libyen (alors que l'OTAN passe plus de temps à sécuriser les lieux de productions qu'à les contrôler de fait.)
On en est tous un peu là ...Mais comme dit au début: le conflit étant très récent, c'est impossible de faire plus que de la spéculation sur de maigres éléments, donc il se peut que je me trompe complètement, d'autant plus que je connais mal la structure sociale et politique de la Libye (alors que je connaissais bien mieux la structure de l'Iran, par exemple.)
"As democracy is perfected, the office of President represents, more and more closely, the inner soul of the people. On some great and glorious day, the plain folks of the land will reach their heart's desire at last and the White House will be adorned by a downright moron." - H. L. Mencken
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Re: BeetleJuice et la Lybie
Oui, bien sur, c'est ce que j'ai dit d'ailleurs, à savoir que, contrairement à ce qu'en dit Khadafi, ça n'a pas été une révolte inter-tribal au début. Même si ce sont d'abord les tribus discriminées qui se sont révoltées, elles l'ont fait comme partout dans le monde arabe, pour les raisons que vous détaillez.Florence a écrit :Disons que le côté inter-tribal, ou inter-clanique, y est beaucoup plus prépondérant que dans les autres pays, mais fondamentalement on se retrouve dans la même problématique:
Des populations de plus en plus éduquées voient leur passer sous le nez les emplois rémunérateurs dans les principaux domaines de développement économique, qu'il s'agisse du pétrole, de l'urbanisme, de l'industrie en général ou même du tourisme, en conjonction avec la fermeture progressive et systématique de la soupape que constitue l'émigration vers l'Occident. En gros, elles ne supportent plus que leurs gouvernants vendent les ressources du pays à l'encan à leur seul bénéfice et importent de la main-d'oeuvre étrangère (chinoise, coréenne pour les grands travaux pharaoniques mais mal faits comme routes et installations pétrolières ou l'agriculture, d'Afrique sub-saharienne pour les milices ou les tâches les plus "viles", occidentale pour l'enseignement, le tourisme ou le commerce de détail, ...).
Cependant, la révolte s'étant clairement changé en rébellion armée, je pense que maintenant, la guerre est surtout inter-tribale. Et pour une raison assez simple: une révolte spontanée de la classe moyenne qui revendique une ouverture de l'accès à la politique et aux emplois s'essouffle rapidement si elle fait face à une répression efficace.
On en a eu l'exemple lors de la contre-révolution de 1848 en Europe.
Si une révolte spontanée se change en rébellion malgré une répression organisée, c'est qu'il y avait déjà un lien entre les rebelles et en Libye, le lien, même s'il est ténu, c'est le système tribal résiduel. Les autres couches de populations qui se sont soulevée pour les motifs socio-économique décrit, ont, elles, baissé les bras face à la répression.
Malgré tout, ça montre tout le caractère explosif de la Libye et pourquoi il sera impossible de revenir en arrière pour Khadafi. Car même si une partie de la rébellion est redevenue partie prenante de la majorité silencieuse, il n'empêche que cette majorité lui sera désormais hostile silencieusement et sera désormais prompt à se lever à nouveau si elle estime que le jeu en vaut la chandelle.
En réprimant la révolte, Khadafi a gagné du temps et coupé l'élan du changement politique, mais il a durablement changé les rapports de forces car la majorité silencieuse le voit désormais pour ce qu'il est: un dictateur sanguinaire et surtout: faillible et il n'y a rien de pire pour un dictateur que de permettre à sa population de le désacraliser, même si la population n'agit pas sur le moment.
S'il est désacralisé, le dictateur n'est plus légitime et donc renversante si la population se trouve une motivation.
L'affaire peut évidement se tasser, elle l'a déjà fait avant (en 1993, je crois, le pays a connu aussi de forte révolte et ça c'est tassé), mais ça prendra un temps qu'à mon avis, Khadafi n'a plus.
Toute action guerrière part de toute manière d'un calcul d'intérêt. Même les croisades n'était pas purement idéologique, c'est dire...Complot certes pas, calcul de probabilités sans aucun doute. Je suis prête à parier ma chemise que la prompte reconnaissance du gouvernement Lybien transitoire par la France ne relève pas uniquement d'un angélisme droit-de-l'hommiste de la part de notre cher président, non plus que la position attentiste de la Chine et de la Russie soit motivée par le strict droit international ...
C'est évident que tout cela est aussi une bataille pour obtenir un allié stratégique, sécurisé une région productrice et assurer des facilités d'échanges entre le gagnant et ceux qui l'on soutenu.
Malgré tout, je ne pense pas que les considérations idéologiques soient totalement exclue de la pensée. Après tout, ce sont ces considérations qui font qu'on choisi un camps. C'est parce que la France, les USA, l'Angleterre croit aux droits de l'homme qu'elles ont entrepris d'aider les rebelles, malgré le caractère hasardeux de l'affaire et c'est parce que la Chine, la Russie, le Brésil ou l'Inde croient que le droit d'ingérence est une mauvaise chose que ses pays sont attentiste, voir soutiennent officieusement Khadafi.
Même si tout cela relève d'un calcul d'intérêt aussi, les options possibles sont aussi limité par le champs de l'idéologie défendu. La France, parce que sa population est humanistes, n'auraient pas pu se permettre de soutenir Khadafi et auraient difficilement pu se permettre de ne pas intervenir au moins un peu et cela même si ça avait été dans son intérêt.
Oui, mais ça reste très stimulant d'essayer de comprendre les évènements en marche. C'est bien plus enrichissant, même quand on se trompe dans l'analyse, que de s'en tenir à des explications simplistes de complot ou du café du commerce.On en est tous un peu là ...
Ca parait peut-être bizarre, mais c'est quand je spécule sur l'analyse d'une situation compliquée que je suis le plus optimiste alors que quand je me contente d'écouter ce qu'on en dit, je sombre souvent dans le pessimisme à propos de mes semblables.
Je crois que c'est bon pour le moral d'essayer de comprendre finement ce qui se passe dans les sociétés humaines, parce que c'est là qu'on comprend l'ingéniosité de l'humain, bien plus que si on s'en tient à du discours tout fait. Du coup, même quand on diagnostique une catastrophe, le fait de le faire avec un soucis d'objectivité laisse toujours un sentiment que ça permettra quand même à ceux qui viendront derrière de rétablir une meilleure situation.
Il ne s'agit pas de faire de l'angélisme avec la construction d'un monde meilleurs, mais même une catastrophe permet à l'humain de s'adapter et analyser celle là et spéculer sur ses conséquences permet de prendre la mesure de cette possible adaptation et ça repousse facilement la litanie trop facile sur "la folie des hommes".
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)
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Re: BeetleJuice et la Lybie
Pas tant que ça et surtout parce que une bonne partie de l'armée régulière, comme un nombre de personnages politiques cruciaux, ont changé de camp. The Economist (9 avril) résume assez bien l'affaire.BeetleJuice a écrit :Oui, bien sur, c'est ce que j'ai dit d'ailleurs, à savoir que, contrairement à ce qu'en dit Khadafi, ça n'a pas été une révolte inter-tribal au début. Même si ce sont d'abord les tribus discriminées qui se sont révoltées, elles l'ont fait comme partout dans le monde arabe, pour les raisons que vous détaillez.
Cependant, la révolte s'étant clairement changé en rébellion armée, je pense que maintenant, la guerre est surtout inter-tribale. Et pour une raison assez simple: une révolte spontanée de la classe moyenne qui revendique une ouverture de l'accès à la politique et aux emplois s'essouffle rapidement si elle fait face à une répression efficace.
On en a eu l'exemple lors de la contre-révolution de 1848 en Europe.
Si une révolte spontanée se change en rébellion malgré une répression organisée, c'est qu'il y avait déjà un lien entre les rebelles et en Libye, le lien, même s'il est ténu, c'est le système tribal résiduel. Les autres couches de populations qui se sont soulevée pour les motifs socio-économique décrit, ont, elles, baissé les bras face à la répression.
A mon avis non plus et je pense qu'il (ou plutôt ses voyous de fils) le sait et tente de gagner du temps et/ou se garder un territoire.Malgré tout, ça montre tout le caractère explosif de la Libye et pourquoi il sera impossible de revenir en arrière pour Khadafi. Car même si une partie de la rébellion est redevenue partie prenante de la majorité silencieuse, il n'empêche que cette majorité lui sera désormais hostile silencieusement et sera désormais prompt à se lever à nouveau si elle estime que le jeu en vaut la chandelle.
En réprimant la révolte, Khadafi a gagné du temps et coupé l'élan du changement politique, mais il a durablement changé les rapports de forces car la majorité silencieuse le voit désormais pour ce qu'il est: un dictateur sanguinaire et surtout: faillible et il n'y a rien de pire pour un dictateur que de permettre à sa population de le désacraliser, même si la population n'agit pas sur le moment.
S'il est désacralisé, le dictateur n'est plus légitime et donc renversante si la population se trouve une motivation.
L'affaire peut évidement se tasser, elle l'a déjà fait avant (en 1993, je crois, le pays a connu aussi de forte révolte et ça c'est tassé), mais ça prendra un temps qu'à mon avis, Khadafi n'a plus.
[hors sujet]ça me rappelle une excellente BD dans Pilote il y a bien longtemps, une version dévoyée des "belles histoires de l'Oncle Paul" sur les croisades. Le pape, à l'annonce d'une xième rupture de la trève de dieu entre deux barons quelconques, s'exclame "Encore ? C'est la 347ème fois cette année ! Je sais, une croisade, on les envoie se battre à Jérusalem et on aura la paix un moment !"[/hors sujet]Toute action guerrière part de toute manière d'un calcul d'intérêt. Même les croisades n'était pas purement idéologique, c'est dire...
Pas tant le droit d'ingérence, qui ne les menace guère, que le mauvais exemple de ces populations capricieuxes qui voudraient une application effective du droit des peuples à se gouverner eux-mêmes ...C'est évident que tout cela est aussi une bataille pour obtenir un allié stratégique, sécurisé une région productrice et assurer des facilités d'échanges entre le gagnant et ceux qui l'on soutenu.
Malgré tout, je ne pense pas que les considérations idéologiques soient totalement exclue de la pensée. Après tout, ce sont ces considérations qui font qu'on choisi un camps. C'est parce que la France, les USA, l'Angleterre croit aux droits de l'homme qu'elles ont entrepris d'aider les rebelles, malgré le caractère hasardeux de l'affaire et c'est parce que la Chine, la Russie, le Brésil ou l'Inde croient que le droit d'ingérence est une mauvaise chose que ses pays sont attentiste, voir soutiennent officieusement Khadafi.

Tout à fait. Ca change agréablement des divagations conspirateuses ou nouillageuses.Oui, mais ça reste très stimulant d'essayer de comprendre les évènements en marche. C'est bien plus enrichissant, même quand on se trompe dans l'analyse, que de s'en tenir à des explications simplistes de complot ou du café du commerce.On en est tous un peu là ...
Pareil. Je le vois aussi dans mon domaine professionnel: permettre à un patient de comprendre les mécanismes de ce qui le fait souffrir est bien plus efficace pour l'aider à le combattre et à le gérer que de lui servir des homélies ...Ca parait peut-être bizarre, mais c'est quand je spécule sur l'analyse d'une situation compliquée que je suis le plus optimiste alors que quand je me contente d'écouter ce qu'on en dit, je sombre souvent dans le pessimisme à propos de mes semblables.
Je crois que c'est bon pour le moral d'essayer de comprendre finement ce qui se passe dans les sociétés humaines, parce que c'est là qu'on comprend l'ingéniosité de l'humain, bien plus que si on s'en tient à du discours tout fait. Du coup, même quand on diagnostique une catastrophe, le fait de le faire avec un soucis d'objectivité laisse toujours un sentiment que ça permettra quand même à ceux qui viendront derrière de rétablir une meilleure situation.
Il ne s'agit pas de faire de l'angélisme avec la construction d'un monde meilleurs, mais même une catastrophe permet à l'humain de s'adapter et analyser celle là et spéculer sur ses conséquences permet de prendre la mesure de cette possible adaptation et ça repousse facilement la litanie trop facile sur "la folie des hommes".
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Re: BeetleJuice et la Lybie
BHL, ce voluptueux superficiel à la tête montgolfière, n'est pas totalement étranger à la décision sarkozienne d'appuyer les "rebelles". Il y a un petit côté improvisation derrière tout ça, qui lui a sérieusement été reproché par le quai d'Orsay.Florence a écrit :A mon avis, ils se sont avisés, mais un peu tard, de la gaffe majeure qu'a été de laisser Khadaffi rejoindre la scène internationale comme s'il en était un acteur normal, et ont saisi l'occasion de se débarrasser d'un bien encombrant bouletBeetleJuice a écrit :A mon sens, ils ne sont pas là par calcul de longue date et plus par urgence pour éviter que la situation n'échappe totalement à leur contrôle. (d'où le caractère un peu désordonnée de l'action, qui n'a toujours pas de motif stratégique clairement affiché, ni de stratégie précise sur le terrain)
Jean-François
“Belief is the wound that knowledge heals.” (Ursula Le Guin, The Telling)
("La foi est la blessure que le savoir guérit", Le dit d'Aka)
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