Pardalis a écrit :Et c'est quoi la religion autre que se laisser dire quoi faire, par un parent imaginaire? J'ai écrit cela sur le coup de l'émotion, c'est décevant de voir tous ces sacrifices et ce courage pour rien, pour finalement se remettre sous le joug d'un autre dictateur, et non-existant celui-là en plus.
Ils n'ont pas non plus instauré un émirat islamique, il faudrait peut-être arrêter de penser le monde en noir et blanc, avec d'un coté les esclaves de Dieu et de l'autre les libres laïcs.
On peut très bien avoir un état où la religion a une place importante et quand même des libertés, tout dépend de comment on interprête cette place de l'Etat.
La Pologne est un pays encore très chrétien, ça n'en fait pas pour autant l'arrière cour du vatican. Cette christianisation amène d'ailleurs finalement une lassitude de la population vis à vis de la religion qui est en baisse d'influence dans ce pays. Son aura de lutte contre le communisme s'estompe face au rigorisme de l'Eglise que les Polonais n'acceptent plus autant. On peut espérer un schéma similaire en Tunisie où la pratique d'une certaine laïcité contrainte par le pouvoir laissera suffisamment de marque pour qu'un rigorisme trop important des partis religieux finissent par lasser les tunisiens.
La Tunisie se n'est pas non plus l'Arabie-saoudite, elle a été sous protectorat français et ensuite sous une dictature nationaliste arabe laïque. Donc elle a connu 75 ans de domination par une puissance occidentale puis 60 ans de règne de deux dictateurs laïc qui, même s'ils ont volé économiquement le pays, l'ont fortement modernisé (le prédécesseur de Ben Ali jouit encore d'un certain prestige) et ont imposé un mode de éloigné de l'influence de l'Islam.
Même s'il y a une réislamisation de la société, on ne balaie pas 130 ans d'influence occidentale et de nationalisme tunisien laïc d'un seul coup de Sharia, donc l'arrivée au pouvoir des Islamistes à quand même peu de chance de déclencher une république islamique à l'Iranienne et peu même amener une démocratie à dominance musulmane plus libre encore qu'elle ne l'est en Turquie où il faut l'influence de l'armée pour calmer les ardeur de l'AKP.
Donc jeter l'opprobre sur la Tunisie alors que la situation est loin d'être stabilisé et donc la révolution, loin d'être finie, c'est un peu prématuré.
Pour l'Egypte c'est différent, le pays était déjà islamique avant la chute du régime, pareil en Libye.
J'aurais espéré que ces pays rejoignent le reste du monde, mais c'est pas en confondant la religion et l'état qu'ils vont s'ouvrir, c'est plutôt le contraire, ça va plutôt empirer les choses
Vous n'en savez rien, vous ne savez pas comment la religion sera interprété et qu'elle place réelle on lui donnera. Sans parler du fait que ne pas s'ouvrir à l'occident, ça ne signifie pas ne pas s'ouvrir au monde. Le Qatar, pays rigoriste et islamique s'il en est, à une diplomatie très active. L'Iran, qui est une dictature déguisé, est une puissance régionale avec beaucoup de relation dans sa région et une diplomatie active et cela malgré les embargos US.
Donc l'ouverture ne dépend pas forcement de la religion du pays, mais avant tout de son type de régime (la Corée du Nord est un état non directement religieux, mais son régime l'enferme dans ces frontières. Idem, la Suisse est un pays laïc, mais peu d'ouverture au monde parce que neutre).
Un état islamique se tournera, c'est vrai, plus vers d'autres états islamiques et les sociétés communiqueront d'avantage entre elle qu'elle ne le feront avec l'occident.
Ca ne veut pas dire qu'elle se ferme, simplement qu'elle positionne leur ouverture en fonction de contingence particulière.
Les pays occidentaux ont des sociétés qui réprouvent totalement les dictatures au nom de l'Islam comme dans le golfe, donc se ferme à ces sociétés en les cataloguant de manière unanime comme "non fréquentable". Ca réduit drastiquement les contacts culturels entre, par exemple, la France et l'Arabie Saoudite. Pour autant, la fermeture vient autant du laïc que du religieux et n'est pas d'avantage à l'initiative de l'un ou de l'autre.
Je ne connais aucun exemple de pays qui a adopté la loi religieuse, surtout islamique, où ça a apporté quelque chose de bien.
Parce que vous connaissez imparfaitement ce qu'est la loi islamique. Les quelques exemples spectaculaires car misogynes ou barbares vous font cataloguer tout le corpus comme néfaste alors que le corpus de loi de l'Islam est assez vaste et ne contient pas que des lois liberticides et maléfiques.
Il y a des lois dans le corpus de l'Islam qui ont représenté un progrès à leur époque de rédaction et qui serait encore aujourd'hui vu comme des lois acceptables et même assez banale dans les corpus occidentaux, notamment certaines lois de successions issue du Coran, somme toute assez banales, mais qui représentait un progrès à leur époque de rédaction et aujourd'hui n'aurait rien de si hallucinants.
Le principal problème du corpus légilsatif de l'Islam, c'est son caractère prétendu immuable. Les courants rigoristes ont réussit à imposer dans le monde musulman l'idée que la Sharia était l'ultime interprétation du Coran et des hadiths en matière de droit et qu'elle était indépassable.
Du coup, tous les musulmans sont prisonniers de leur théologiens plus rigoristes que le reste de la population, qui, sous prétexte de sacré, refuse des réinterprétations plus moderne du texte et continue de prôner une lecture et une application de loi anachronique pour une partie du texte.
Cela dit, la référence à ce corpus n'empêche pas les réinterprétations de facto. L'Egypte était un pays islamique avant la chute du dictateur, qui se référait à la Sharia dans sa constitution. Ca n'empêchait pas l'autorité civile de faire à sa guise.
Tout est dans le degré de lecture.
On peut parfaitement ancrer un corpus législatif sur une base religieuse en lui donnant la légitimité de la religion.
Dans des pays où le droit n'a jamais été basé sur l'idée que l'autorité de l'Etat lui donnait sa substance et où la coutume continue parfois d'exister, basé le droit sur une base sacré unique est déjà un progrès pour lutter contre l’arbitraire de la coutume ou de l'Etat.
D'ailleurs c'était le but de Mahomet et des califes, rompre avec l'arbitraire des coutumes de tribus en basant un corpus unique sur le divin (Corpus évidement en très grande partie anachronique aujourd'hui)
Par exemple, l'établissement de la République Islamique d'Iran, à l'origine, à permis de lutter contre l'arbitraire de la dictature du Sha, en imposant une limite à ce que peut faire l'exécutif par la religion (le conseil des gardiens de la révolution servait, originellement, de conseil quasi constitutionnel, surveillant que le corpus de lois de l'Islam était respecté).
Bon, clairement, c'est très vite devenu une dictature islamiste avec une vision quasi théocratique de l'Islam, qui a fait des gardiens les réels chefs du pays. Je ne dis pas ça pour défendre cette dictature, mais simplement pour relativiser la portée de l'ancrage de la loi sur le divin. Tout dépend de ce qu'en fera l'Etat.
S'il considère que c'est l’équivalent d'une constitution et un élément de légitimité de l'Etat, c'est à dire ce qui fixe certaines limites à l'Etat et qu'on peut l'interpréter comme on veut dans ces limites, ça pose juste le problème de ces limites (qui peuvent être plus ou moins intégristes selon les populations.
Par exemple, l'ancrage divin des constitutions qui existe encore dans certain pays d'Europe n'influence que très très peu la vie politique.
L'Angleterre, par exemple à encore un ancrage dans la légitimité religieuse, puisque la reine est encore chef de l'Eglise, reine par la volonté divine et ne peut faire hérité un catholique du trône et tous les corps de l'Etat dépendent encore théoriquement de son bon vouloir.
Seulement, la pratique a fait que cet ancrage n'a plus qu'un rôle symbolique totalement anecdotique et si le parlement est théoriquement réunit par le bon vouloir de la reine, en réalité, il est l'organe central qui dit le droit.
S'il considère, comme en Arabie Saoudite, que ça n'est pas un ancrage, mais l'ensemble de la loi à respecter scrupuleusement (et encore, même ce pays ne le fait pas réellement en fait.) là, c'est évidement beaucoup plus problématique.
Ça finit toujours par opprimer les minorités et les femmes.
C'est un fait.
Moi je trouve cela inférieur à notre système, en effet, vous pas?
Pas forcement,non.
Le système de démocratie laïque opprime aussi des minorités, même si c'est d'autres minorités et que c'est moins violents. Je préfère clairement vivre dans cette configuration parce que je fais partie de la majorité qui la préfère et que c'est donc facile à vivre pour moi et j'en fais la promotion parce que je pense, un peu subjectivement, que c'est un bon système.
Mais la majorité de Tunisiens qui ont voté pour le parti islamique fait partie de la majorité qui vit selon l'islam et qui pense que c'est plus facile à vivre que de changer leur mode de vie pour une configuration plus laïc.
Et même si, moi, occidental laïc et agnostique, j'aurais préféré qu'ils deviennent laïcs et rejettent la religion, je ne peux pas non plus leur en vouloir de préférer conserver un mode de vie plutôt que d'en changer avec toute l'incertitude que ça pose.
C'est facile de les juger confortablement juché sur 2 siècles de lutte pour l'établissement d'un mode de vie laïc auquel on n'a pas participé, et de penser qu'ils sont inférieurs parce qu'ils ne font pas ce même combat, mais je ne suis pas sur que, si l'occasion se présentait, je prendrais moi même le fusil pour aller taper sur l'Imam ou le curé du coin, donc je relativise un peu la portée de mon jugement, même si je continue de trouver que la réislamisation est quelque chose de dommage et potentiellement néfaste, c'est clair.
Vous non...c'est votre droit, mais c'est quand même voir le monde en binaire, avec les gentils et courageux laïcs libre d'un coté et les méchants esclaves religieux de l'autre...
Et j'ose imaginer que les Lybiens sont assez intelligents et capables de comprendre que ce n'est pas la laïcité qui les a opprimé, mais un régime mafieux et criminel.
Le régime Libyen était Islamique, donc la question ne se pose pas.
Cela dit, c'est d'avantage une question de culture. La Laïcité, tout comme la démocratie, ne sont pas des éléments qu'on peut décréter (Atatürk l'a fait, résultat 90% des turcs sont musulmans pratiquant, l'Islam politique est au moins aussi rigoriste, peut-être même plus qu'il ne l'était sous l'empire musulman et l'AKP gagne les élections haut la main)
C'est un apprentissage qui demande une considérable évolution des sociétés et une redéfinition des philosophies. On ne peut pas demander à une population, surtout une population comme celle de Libye, qui ne c'est jamais construit comme nation et conserve des éléments tribaux très importants (et donc un conservatisme important, ce type de population privilégiant souvent la conservation d'un ordre établit à cause de la peur qu'une tribu puissent prendre l'ascendant sur les autres.), de devenir laïc du jour au lendemain.
Si on veut l'aider à le faire, plutôt que de la condamner, c'est un énorme travail de reconstruction du pays, de valorisation des éléments de cultures qui peuvent mener à une redéfinissions de l'identité Libyenne qu'il faut faire. Mais c'est pas en 6 mois que ça se règle, Facebook ou pas.
L'Irak est un bon exemple sur ce point là. Les USA ont chassé le dictateur et tenté d'imposer une démocratie représentative pluraliste, sans prendre en compte le fait que les minorités d'Irak et les éléments tribaux de la société ne sont pas dans une notion de vivre ensemble avec un consensus sur la définition minimal de l'identité Irakienne (comme peuvent l'être les Etat des USA qui sont tous plus ou moins d'accord sur la définition minimal du citoyen).
Résultat, ils ont provoqué une guerre civile, parce que le pays n'était pas prêt à un pluralisme politique, parce que chacun avait SA définition de la politique, de l'Irakien et de la nation telle qu'elle devait être.
Et même si sa se stabilise depuis quelques années, il a fallu presque 10 ans et la religion a prit une place considérable parce que c'est finalement le seul élément d'unité (et encore, l'Irak étant coupé entre Chiite et Sunnite) qui met d'accord les composantes de la société quand elles essaient de définir ce qu'est un Irakien.
C'est la même chose en Libye. La définition minimale de la libye comme nation, c'est une population de religion musulmane. C'est l'un des très rares éléments d'identité commune, donc ça n'est pas surprenant qu'il soit mis en avant dans l'optique d'une construction d'un Etat, pour mettre un minimum d'unité dans un pays Libyen sans réelle nation Libyenne.
Exactement, et le peuple fait fausse route s'il pense qu'il va avoir plus de liberté avec eux.
Déjà, "le peuple" ça n'existe pas.
C'est un élément qui n'est certainement pas homogène, pas plus qu'il n'est totalement unitaire.
Donc si les aspirations de certains sont plus de liberté, je doute que ça soit l'essentiel des aspirations. A mon avis, l'essentiel des aspirations des Tunisiens, Egyptiens, Libyens, c'est d'abord un Etat qui les protègent et qui leur donne de meilleures conditions économiques. La liberté, c'est relativement secondaire dans la mesure où ils font partie de la majorité qui vit avec la religion et donc qui ne verront pas leur mode de vie forcement changer si l'Etat devient un peu plus islamique.
Et là, les partis islamiques ont une longueur d'avance sur les partis laïcs, parce qu'ils ont occuper le terrain des services à la communauté avant et pendant la révolution, terrain qu'avait délaissé l'Etat.
Les frères musulmans, par exemple, se sont occupé d'hôpitaux et de solidarité aux pauvres en Egypte et bénéficie de cette aura de "solidarité" et aide à ceux qui sont en difficulté alors que les laïcs sont soit nouveau, soit des politiciens pur jus qu'on n'a jamais vu se retrousser les manches pour aider la communauté.
Je ne dis pas ça pour les accabler, mais ils partaient avec un handicap vis à vis de la crédibilité de leur projet pour la société, puisque l'on ne les avait jamais vu agir, alors que les islamistes, si.
Il ne faut pas confondre les aspirations à la liberté d'une minorité d'urbain, jeune et un peu plus cultivé et les aspirations de la population en entier, encore majoritairement peuplée de conservateurs ruraux qui attendent simplement de meilleure condition de vie et une vie "digne" (ce qui est souvent la porte ouverte à la religion qui prétend amener de la morale).
C'est très naïf de croire que la révolution, c'est le peuple, unitaire, qui détrône le tyran au nom de la liberté. Ca s'est la révision après coup et l'idéalisation qu'on en fait.
La réalité, c'est que les révolutions sont d'abord le fait d'évolution de la société qui sont bloqué par la structure politique, puis d'une minorité qui ose affronter ce blocage et finit par entrainer le reste de la population.
Ce sont des effets boules de neiges à répétition qui sont en fait assez délicat à obtenir et jamais totalement pareil selon les endroits où sa se produit.
Et surtout, une révolution, ça n'est pas une seule aspiration, c'est l'agglutination de revendications diverses et variées et des espérances de changements qui finit par renverser le blocage politique. Tous le monde entre en révolte pour une raison différente. Le paysan pauvre ne le fait pas pour la même raison et avec la même espérance que le riche urbain. L'un peut par exemple souhaiter que cesse la pression fiscale trop forte qu'impose la dictature quand l'autre veut que les verrous de la politique se débloque pour qu'il puisse y participer sans avoir à faire partie de la mafia au pouvoir.
L'après révolution décante ces aspirations et ils se trouvent qu'en Tunisie et Egypte, ce n'est pas la liberté tout azimut que prônait les révolutionnaire d'origine qui était les aspiration de la majorité.
Et aujourd'hui le monde devient global, cosmolpolite et multiculturel, c'est inévitable. Ce n'est pas le temps de se replier sur soi-même.
C'est une vision très naïve du monde, mais cela dit, je suis d'accord sur la nécessité de ne pas se replier sur soi. Après, tout dépend jusqu'où et avec qui on s'ouvre.
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)