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Message
par Brève de comptoir » 13 mars 2012, 01:02
... on dirait un sondage. Aucun intérêt à partir du moment où la question détermine la réponse et si ceux qui interprètent ne sont même pas d'accord si la question qui a été posée^.
Bon, pour conclure, on peut dire que posséder un stradivarius, c'est un peu comme se doper à l'homéopathique ? "Pas mal le violoniste" "ah oui mais il a un stradivarius !" "ah oui... c'est vrai que le violon avait quelque chose de plus".
Du flan donc. Qu'un stradi ait des spécificités ou, ce qui est "meilleur" est forcément subjectif. Et le subjectif, c'est 98% de la valeur en art. Un violoniste est jugé "bon" par un spectateur n'y connaissant strictement rien, et quand on met sur le tapis un mythe, quelque chose de respecter, hop on se fait happer par la hype, et tout à coup ce n'est plus le violoniste qui est "bon", c'est son instrument. En art, et je ne vois pas pourquoi la musique ne serait pas concerné, il n'y a zéro consensus. Quand il faut juger de quelque chose, on ne juge que sur des critères personnels, une humeur du moment, son intérêt personnel, l'image qu'on veut donner de soi, ses habitudes, etc. Il existe peu de valeurs universelles, et dès qu'il y en a, certains ont une réaction immédiate de refus de l'unanimité. Les musiciens sont des artistes comme les autres. Et les artistes sont sans doute les pires sujets au monde pour ce genre de test. Un artiste cherchera souvent à se démarquer, à ruser, s'amusera à mentir, ou croira comprendre le sens de ce qu'on lui demande et voudra pré-fabriquer une réponse pour qu'elle aille dans le sens de ce qu'il veut. La vérité et la science, l'artiste, il en a rien à faire. Au contraire, il est plus attiré par la chose mystérieuse, inexpliquée, ambigüe. J'ai fréquenté un certain nombre d'artistes et c'est une règle chez eux, il faut croire en des trucs complètement barrées, originales. La science, c'est le règne du consensus. Autant dire du fascisme pour un artiste. Donc un stradivarius, c'est un instrument de mythologie, de magie, qui fait son effet sur le public. Certains peuvent y croire, d'autres non. Certains peuvent s'en agacer, d'autres profiter de la situation parce qu'ils en ont un tout en sachant que ça ne vaut rien, sinon pour faire son effet, sa réputation, etc. C'est donc impossible d'avoir des réponses "honnêtes" d'artistes sur des tests de ce genre et donc de pouvoir en tirer des conclusions. D'ailleurs, ces conclusions, ils les interprèteront de toute manière à leur sauce. Quoi que "le science" en dise, ils ont leurs convictions et s'y tiendront (et ils auront raison vu qu'ils savent qu'ils ont complètement faussé le jeu depuis le début^). C'est comme dire que le Coca et le Pepsi ont un goût différent. Le producteur va dire que son produit est différent, la mère va dire que c'est pareil pour prendre le moins cher, le gosse va dire qu'il reconnait pour faire son intéressant... on juge en fonction de nos préjugés. Le goût est hypocrite. J'aime, j'aime pas ? Que dalle, dire "j'aime ou j'aime pas", c'est surtout affirmer son identité. Une personnalité, souvent, on se la construit, et c'est encore plus le cas chez les artistes chez qui la personnalité vaut parfois sans doute bien plus que le talent. L'intérêt, ce n'est pas que le stradivarius joue meilleur, mais que le public y croit. C'est de la magie : manipuler la perception du public. Si l'instrument est un avantage pour certains, ils iront dans son sens, s'il ne l'ont pas, ils iront contre. Un peu comme quand on se fait larguer et qu'on dit "pff de toute façon elle était moche". ^
Ce genre d'étude, ça prouve surtout une chose. Que quand il est question de statistiques, on peut toujours les retourner à son avantage. Le problème, c'est que n'importe quelle donnée brute, ensuite, il faut l'interpréter. Et là, ça ne dépend pas non plus de la nature ou de la valeur de l'instrument, mais de notre talent à la manipulation et à l'hypocrisie pour satisfaire à nos propres certitudes, valeurs, croyances (et quand on est artiste, on n'y échappe pas, être artiste, c'est prendre partie, s'affirmer). Ce qui compte, c'est moins de se convaincre soi-même par des études que de convaincre son public (stradivarius en main ou pas) qu'on n'a plus de "talent" que son voisin. C'est magique : la magicien ne croit pas une seconde que ce qu'il fait est magique, mais il faut que le public en ait l'impression. La seule différence, c'est au moins que le magicien est honnête : il y a un truc, il ne prétend pas être Harry Potter. Un poète, un comédien, un musicien, prétendra souvent, lui au contraire, dompter le monde de la magie. Il suffit de lire certaines intw obscures pour s'en rendre compte^.