Méthodologie des essais thérapeutiques :
http://www.arcat-sante.org/essais/annex ... logie.html
Par Gilles Bouvenot et Bernard Régnier
La différence est-elle imputable au traitement ?
Cependant, à supposer que la différence observée entre les deux groupes soit significative,
on ne pourra l'imputer aux effets du traitement que si la comparaison a porté sur deux groupes comparables à tous égards, c'est-à-dire ne différant que par la nature du traitement reçu. Or, la constitution de groupes comparables pour toutes les caractéristiques autres que le traitement reçu, en particulier les facteurs pronostiques, fait appel au tirage au sort (ou randomisation) de l'attribution des traitements et aux procédures d'aveugle.
En effet, outre l'imprévisibilité, l'affectation aléatoire des traitements assure, indépendamment de toute caractéristique des malades, la comparabilité initiale des groupes. Aucune autre méthode — témoins alternés (un malade sur deux reçoit le nouveau traitement, l'autre est témoin), choix de témoins d'une autre époque ou d'un autre hôpital, emploi de la première lettre du patronyme ou de l'année de naissance — n'est scientifiquement ni éthiquement défendable. Elle conduirait à constituer des groupes dont les différences en fin d'étude risqueraient à elles seules d'expliquer les différences finales observées entre les groupes après administration des traitements. Elle produirait des études inutiles, dont les conclusions ne seraient pas crédibles.
Les procédures d'aveugle (ou d'insu) permettent de maintenir la comparabilité des groupes en cours d'étude. Il est essentiel que non seulement le malade (simple aveugle) mais aussi l'équipe soignante (double aveugle) ignorent lequel des deux traitements est pris. En effet, la connaissance par le malade de la nature de son traitement peut modifier son comportement dans un sens différent selon le groupe auquel il appartient, retentir sur son mode de vie (régime...), sur l'observance du traitement, et fausser son propre jugement sur l'effet qu'il ressent : tel le malade qui, sachant qu'il appartient au groupe placebo, aura tendance à minimiser les résultats. De même, la connaissance par le médecin et l'équipe soignante du traitement pris par le malade peut influer sur le cours de la maladie, la qualité des soins, l'écoute et les conseils donnés, la surveillance des effets indésirables et l'évaluation des traitements. Ainsi le double aveugle assure-t-il la meilleure égalité possible du suivi, indépendamment de l'effet des traitements. Il permet également d'assurer que la comparabilité des deux groupes, obtenue grâce au tirage au sort, persiste tout au long du déroulement de l'essai. Par ailleurs, la lecture du critère de jugement, même si ce dernier est objectif, doit se faire à l'aveugle chaque fois que c'est possible, par une personne ignorant la nature des traitements reçus, afin d'assurer l'égalité des conditions de mesure ; et cela à plus forte raison lorsque, pour des motifs pratiques (par exemple de surveillance d'un effet biologique attendu, type anticoagulation ou de survenue d'un effet indésirable spécifique de l'un des deux traitements, type bradycardie), le double aveugle n'est pas réalisable ou sûrement réalisé.
Ainsi, dans le cadre d'un essai comparatif, l'observation d'une différence significative entre les résultats de deux traitements pourra-t-elle être raisonnablement imputée aux effets des traitements étudiés.
S'agissant de la nature comparative des essais, du tirage au sort de l'attribution des traitements et de la conduite des études en aveugle, l'investigateur se doit d'expliquer qu'il s'agit
d'exigences scientifiques incontournables, et
surtout qu'aucun des deux groupes constitués n'est, a priori, pénalisé ni désavantagé par rapport à l'autre. L'idée et la réalisation d'un essai suppose, en effet, l'existence d'une situation thérapeutique dite d'incertitude, c'est-à-dire " d'équivalence " entre les deux traitements ou les deux modalités thérapeutiques à comparer. Ce n'est guère qu'après l'essai que l'on pourra dire si un groupe a été privilégié et lequel.