Salut Miky,
Tu dis :
je ne te parle pas de
croyance mais de
savoir. N'est-ce pas toi et André qui ont insisté pour distinguer les deux ?

Eh bien je suis d'accord avec cette distinction. La croyance se base sur la théorie, le savoir sur l'expérience.
Je trouve que ton critère pour distinguer
croyance de
savoir ne vaut pas grand chose.
Il y a plein de
croyances fondées sur l'expérience (souvent une mauvaise expérience ou une expérience mal interprétée). Plein de croyances sont fondées sur une généralisation (expérimentale) hâtive. C'est le cas, par exemple, d'un gardien de but (au hockey ou au soccer) qui, après avoir connu une ou deux bonnes parties après avoir bu un Coke (et une ou deux mauvaises après avoir bu un Pepsi) croit que le premier lui porte chance et le second malchance. Sa croyance a une base expérimentale. L'ancienne croyance que la Terre est fixe est aussi fondée sur l'expérience quotidienne au premier degré.
À l'opposé, un
savoir peut fort bien être déduit
théoriquement de savoirs antécédents. Par exemple, il y aura (sauf méga cataclysme d'ici-là) une
éclipse de Soleil le 3 octobre 2005. C'est un
savoir qui s'appuie d'aplomb sur des considérations théoriques du type F = gM1M2/r².
Moi, je m'y prendrais autrement pour distinguer la croyance du savoir.
Selon moi, une
croyance, c'est simplement une conviction, une opinion forte. Cette opinion forte peut être plus ou moins justifiée. Si elle est justifiée, il s'agit d'un savoir. La méthode scientifique est alors une sorte de "coffre à outils" permettant de justifier correctement les opinions.
J'ajoute qu'une condition
nécessaire pour qu'une croyance soit un savoir est que la proposition en question soit
vraie. Selon moi, une proposition fausse ne peut en aucune circonstance être un savoir.
J'admets que, en pratique, mon critère distinctif est d'application totchée. Plein de croyances sont vraies sans qu'on le sache. Par exemple, je puis fort bien être pratiquement certain (i.e. croire) que ma chatte est dehors et être dans le vrai. Si j'ai des raisons suffisantes d'en être certain (par exemple, si je la vois sur le gazon), il s'agit d'un savoir. Si mes raisons sont moins "fool proof" (par exemple, si ma carte pivotante indique
"La Puce est dehors") il s'agit d'une simple croyance. Et même pas forte du tout. Misère!
Une croyance (même vraie) n'est pas un savoir si les raisons de croire ne sont pas suffisantes. D'ailleurs, j'ai dit que le critère
"la proposition est vraie" était
nécessaire pour qu'une croyance soit un savoir. Je n'ai pas dit que c'était une condition
suffisante. La condition suffisante est
"correctement démontré".
Évidemment, ce bout-là est passablement délicat. Qu'est-ce qu'une démonstration correcte? J'ai dit plein de fois qu'une démonstration est une suite d'arguments qui convainc celui qui écoute. S'il le sait déjà, on peut le lui démontrer sans rien faire. S'il le croit déjà (sans vraiment le savoir), on peut aussi le lui démontrer sans rien faire. Ça ne nous avance donc pas beaucoup mais je n'ai jamais prétendu qu'il était facile de distinguer une croyance d'un savoir. Faut pratiquement juger les choses au cas-par-cas. C'est comme la différence, en cour, entre
"doute raisonnable" et
"doute déraisonnable". Faute de critère net, il faut là aussi juger au cas-par-cas.
Miky a écrit :Si, dans un contexte théorique favorable, le seuil de significativité à utiliser pour démontrer expérimentalement le psi (et donc en faire éventuellement un savoir) est de 1%...
(...)
Pour moi, "mon voisin me dit qu'il a entendu à la radio..." n'est qu'un indice, pas une preuve que le pape serait mort ou aurait retrouvé ses 20 ans et tout claqué pour courir après les filles.
Tu y vas un peu fort avec ton
"critère de savoir" à 1%. Pour moi, c'est beaucoup plus un indice qu'une preuve. Disons, une grosse trottinette.
Mais faut voir ce qui tire de l'autre côté.
Admets tu, au moins, que
"ce qui tire de l'autre côté" tire moins fort dans le cas de
"le pape est mort" que dans le cas
"le pape vient de retrouver miraculeusement ses 20 ans et il a tout planté là pour aller courir les filles". Si tu ne le vois pas, achète toi des lunettes.
Miky a écrit :Parfois, pour admettre une hypothèse, on utilise un seuil de 1%, d'autres fois de 5%. Quelles que soient les raisons invoquées pour choisir un seuil plutôt qu'un autre, je pense qu'il est rationnel que ces raisons ne soient pas liés à la nature de l'hypothèse à tester et aux connaissances préalables...
Si, pour toi,
"admettre une hypothèse" signifie
"en faire un savoir", on a une grosse épine sur la suite. Moi, je pense que les connaissances préalables qu'on a sur l'affaire comptent pour beaucoup dans l'admission (ou pas) d'une hypothèse.
Bien sûr que deux expériences significatives à 5% sont des trottinettes
de même taille. Mais la conclusion (est-ce un savoir?) ne dépend pas que de ce qui tire d'un seul côté. Elle est fonction de toutes les forces en présence.
Par exemple, si Arthur et Bernard jouent 20 parties de ping-pong et que Arthur en gagne 15 (et en perd 5), je serai pas mal convaincu qu'Arthur est plus fort que Bernard au ping-pong (ou qu'il était en meilleure forme, moins saoul, par exemple). Le résultat expérimental (15/20) est significatif à 1.5%. Par contre si un type me dit que, à la
Mini-Loto, le numéro gagnant est plus souvent pair qu'impair, je ne le croirai pas du tout, même si, dans les 20 prochains tirages on a 15 nombres pairs (et 5 impairs).
Dans les deux exemples, les trottinettes sont à 1.5%. Pourtant, dans le premier cas (ping-pong) je suis pratiquement convaincu et dans l'autre (Mini-Loto), je reste pratiquement certain que c'est faux.
Est-ce pareil pour toi?
Si c'est pareil pour toi, tu devrais reformuler ton bout
« il est rationnel que (les raisons pour admettre une hypothèse) ne soient pas liés (...) aux connaissances préalables... »
Nous aurions ainsi une épine de moins...
Miky a écrit :Le problème c'est : les théories doivent-elles contraindre le niveau de preuve requis pour admettre un phénomène ?
André pense que oui et moi je pense que non...
Tu peux ajouter mon nom (et celui de Carl Sagan) à côté de celui d'André.

Denis
Les meilleures sorties de route sont celles qui font le moins de tonneaux.