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par Brève de comptoir » 21 sept. 2012, 17:00
Oui la spiritualité, c'est surtout un moyen quand on prétend en avoir de rabaisser ceux qui avoue ne pas en avoir, ne pas savoir ce que c'est, ou s'en foutre royalement. C'est le côté snob de certains zozos, en particulier en matière de religion. La spiritualité, c'est la force magique bienveillante et mielleuse qu'on voit nul part, qui pourtant existerait et qui animerait ceux qui disent en avoir face aux autres qui n'en ont pas. C'est le mot magique, ce qui reste quand on ne veut plus de religion. C'est comme se vanter d'apprécier le cinéma hongrois d'avant-garde, non pas parce que c'est intéressant mais parce que ça vous donne l'air meilleur que les autres.
"Oh tu ne connais pas encore le cinéma hongrois ? c'est que tu n'es pas encore assez avancé dans ta quête du cinéma qui a du sens. Si tu as vraiment du goût en matière artistique, tu y arriveras".
Voilà, c'est un manteau de fausse humanité dont se pare les snobs, qu'ils appellent ça "âme", "miséricorde", "humanité", "quête intérieure". Du bon sentiment, de l'abrutissement égocentrique et une volonté folle de se placer du côté des "élus" qui ont tout compris et qui connaissent la voie éclairée qui mène à un but. C'est se sentir différent et meilleur que celui qui n'en a pas (de vie spirituelle). "Moi je sais".
On retrouve la même autosatisfaction (de celui qui croit savoir quand les autres sont dans l'ignorance), chez les conspirationnistes. Eux sont un peu moins snobs : ils pensent encore convaincre le monde. Alors que les "hommes spirituels", ça fait 5 000 ans qu'ils ont compris qu'il suffisait de lever les yeux au ciel en expirant lascivement et en sortant des paroles mystérieuses que chaque croyant pourra traduire selon ses envies. C'est encore mieux de ne pas à avoir à convaincre, sinon en voulant convaincre par sa seule conviction. Alors on appellera ça "la Foi", parce que ça fait joli.
La spiritualité, c'est croire qu'il y en a une. C'est croire à un monde meilleur, pour "son âme" si on suit la voie du développement spirituel. C'est croire qu'en faisant le bien, on sera récompensé pour ses actions... Parce que la vie est injustice et qu'on accepte pas que la vie n'ait pas de sens.
La véritable bonté, humanité, dénuée de spiritualité, donc sans arrière pensée nombriliste, agit parfaitement gratuitement, ou parfois pour sa conscience, ses idées. Sans le bout du chemin tant espéré par les "bonnes âmes si pleines de spiritualités", il n'y a rien. La spiritualité, c'est l'attente du chien qui attend la récompense de son maître. "Wouaf ! j'ai été bon ?! suscucre ?"
Bref, la spiritualité, c'est trouver un sens, un plaisir dans une soumission au néant, à une quête de sens. Dieu est mort, il reste la spiritualité. Un chien sans maître qui continue de vivre selon les principes de son maître et qui croit, au fond, qu'il le regarde, et qu'il y a un autre monde, où il gagnera son suscucre parce qu'il s'est bien tenu.
Mais les hommes qui se vantent d'une supériorité spirituelle, il faut s'en méfier, parce que ça peut aussi mordre quand on les contrarie et qu'ils aperçoivent une autre réalité, plus crue, qu'ils ne veulent pas voir : celle d'un monde injuste, sans suscucre pour récompenser les hommes bons.
La civilisation des hommes est une réunion de morts de faim. Morale, spiritualité, religion, lois... tu peux y aller, on essaye tout pour prétendre qu'on est autre chose que des bêtes. On y arrive, jusqu'à ce qu'on montre les dents. L'homme spirituel rêve de se nourrir d'autre chose que des nourritures terrestres et refuse sa condition. Un homme est un animal, alors il faut lui inventer quelque chose qui le distingue des autres bêtes. Puisqu'il n'y a rien, alors inventons la spiritualité. Si Dieu est mort, si notre maître est mort, que dalle ! l'homme spirituel deviendra lui-même son propre dieu... l'idéal. Les dieux n'ont pas besoin des autres bêtes, n'ont pas besoin de la cruauté des autres bêtes pour vivre...
Alors, vive la spiritualité ! la sophistication de l'homme civilisé ! Oui, la spiritualité, c'est l'homme qui se met une feuille de vigne sur le sexe, c'est l'homme qui ne pète pas, ne chie pas, qui est parfaitement respectable, comme on respecte les représentations dignes et muettes des saints sur les murs des églises. Il ne ne mange que ce qui est nécessaire et qui ne fait pas de peine à cette arche de Noé qui forme la cour de l'humanité. Agenouillez-vous mes bêtes devant le roi miséricordieux qui vous a préservé de l'assiette !
Si Dieu est mort, si la religion veut trop diriger notre vie, reste la spiritualité : une bondieuserie à la carte où on est soi-même le dieu de son autosatisfaction, et où le paradis serait un bien-être sur terre bien méritée pour ceux qui le mérite vraiment. Le monde des hommes est injuste, mais il existe un autre lieu, où toute chose est juste, ou on est récompensé de ses bonnes actions passées. La spiritualité, c'est la monnaie dont l'autolâtre se sert pour se payer une bonne tête de premier communiant. Et chacun sait que le communiant, ce qui l'intéresse, ce sont les cadeaux. "N'oublie pas de sourire sur la photo."