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par Nathalie » 10 oct. 2013, 04:19
Jiddu Krishnamurti était un sage laïque. Voici des extraits de livres qu’il a écrits qui peut être lu dans une démarche de réflexion à propos de ce projet de la charte des valeurs québécoises proposées par le gouvernement Marois. La charte proposée veut interdire le port des signes religieux ostentatoires dans la fonction publique.
Extraits du livre « Se libérer du connu »
« Lorsque vous vous dites Indien, Musulman, Chrétien, Européen, ou autre chose, vous êtes violents. Savez-vous pourquoi? C’est parce que vous vous séparez du reste de l’humanité, et cette séparation due à vos croyances, à votre nationalité, à vos traditions, engendre la violence. Celui qui cherche à comprendre la violence n’appartient à aucun pays, à aucune religion, à aucun parti politique, à aucun système particulier. Ce qui lui importe c’est la compréhension totale de l’humanité »
« J’attire votre attention sur le fait qu’il est impossible de réellement voir la colère et la violence si on les condamne ou les justifie, et que si elles ne représentent pas un problème brulant, on ne peut pas s’en libérer. Commencez donc par apprendre. Apprenez à regarder la colère, à voir votre mari, votre femme, vos enfants ; à écouter les hommes politiques. Apprenez à voir pourquoi vous n’êtes pas objectifs, pourquoi vous condamnez ou justifiez »
« Tant que subsiste cette formation d’images, les rapports entre deux personnes ou entre de nombreux êtres humains n’existent pas, et ceux qui s’établissent ne peuvent évidemment jamais instaurer une paix, car ces images sont fictives ; or la vie dans l’abstrait est impossible »
« On peut très aisément s’affranchir d’un dogme en l’analysant, en le rejetant, mais le mobile de cette délivrance provient toujours d’une réaction particulière due, par exemple, au fait que ce dogme n’est plus à la mode ou qu’il ne convient plus. On peut se libérer du nationalisme parce que l’on croit à l’internationalisme ou parce que l’on pense que ce dogme stupide, avec ses drapeaux et ses valeurs de rebut, ne correspond pas aux nécessités économiques. S’en débarrasser devient facile. On peut aussi réagir contre tel chef spirituel ou politique qui aurait promis la liberté moyennant une discipline ou une révolte. Mais de telles conclusions logiques, de tels raisonnements ont-ils un rapport quelconque avec la liberté? » p.84
« La liberté est un état d’esprit, non le fait d’être affranchi de « quelque chose » ; c’est un sens de liberté ; c’est la liberté de douter, de remettre tout en question ». p.85
« Lorsqu’on est capable de voir sans préjugés une image, quelle qu’elle soit, alors seulement peut-on entrer en contact direct avec ce que présente la vie. Tous nos rapports sont imaginaires, en ce sens qu’ils s’établissent sur des images que forme la pensée. Si j’ai une image de ce que vous êtes et si vous en avec une de ce que je suis, il est évident que nous ne nous voyons pas tels que nous sommes. Ces images réciproques nous empêchent d’être en contact, et c’est pour cela que nos rapports s’altèrent .
Lorsque je dis que je vous connais, c’est de la personne telle qu’elle était hier dont je parle. En fait, en « ce moment même », je ne vous connais pas. Tout ce que je connais, c’est mon image de vous. »
Extraits du livre ‘De l’amour et de la solitude’.
Chapitre l’individu et la société.
« Le problème dont on nous harcèle le plus souvent est celui de savoir si l’individu est l’instrument ou la fin de la société. Vous et moi, en tant qu’individus, devons nous être utilisés, dirigés, instruits, contrôlés, façonnés par les gouvernements pour la société ; ou la société, l’État, est-elle au service de l’individu?
Comment allons-nous trouver la réponse à ces questions? Ce problème est grave, car si l’individu est l’instrument de la société, celle-ci est plus importante que lui. Si cela est vrai, il nous faut abandonner notre individualité et travailler pour la société ; tout notre système d’éducation doit se conformer à cette idée et l’individu doit être transformé en un instrument pour la société, laquelle, ensuite s’en débarrassera, le liquidera, le détruira. Mais si la société existe pour l’individu, sa fonction n’est pas de lui apprendre à se conformer à un modèle quel qu’il soit, mais de lui insuffler le sentiment, l’appel de la liberté. Il nous faut donc trouver lequel de ces deux points de vue est faux.
Où trouverons-nous cette réponse? Ce problème est vital, n’est-ce pas? Sa solution ne dépend ‘aucune idéologie, de droite ou de gauche, car si elle devait dépendre d’une idéologie, elle ne serait qu’une affaire d’opinion. Les idées sont toujours une source d’inimité, de confusion, de conflits. Si vous vous basez sur ce que disent la droite ou la gauche, ou sur des livres sacrés, vous êtes esclaves de l’opinion du Bouddha, du Christ, des capitalistes, des communistes ou d’autres personnes. Et ce sont là des idées, non des faits. Un fait ne peut jamais être nié. C’est l’opinion sur un fait qui est toujours discutable. Si nous pouvons découvrir la vérité concernant la question qui nous occupe, nous pourrons agir indépendamment de toute opinion. N’est-il donc pas nécessaire de rejeter tout ce que les autres ont dit à ce sujet? L’opinion de l’homme de gauche, de droite ou du centre est le produit de son conditionnement ; l’adopter n’est pas connaitre la vérité.
Comment découvrirons-nous cette vérité? Il est évident que pour être capable d’examiner ce problème indépendamment de toute opinion, il nous faut d’abord nous affranchir de toutes les propagandes. La première tâche de l’éducation doit être d’éveiller l’individu à cette liberté d’esprit. »
« La personne qui désire comprendre un problème doit non seulement pouvoir l’assimiler complètement, totalement, mais aussi le poursuivre avec une rapidité extrême, car un problème n’est jamais statique ; il est toujours neuf, qu’il s’agisse de famine, de psychologie ou d’autre chose. Toute crise est toujours neuve ; donc, pour la comprendre, l’esprit doit être constamment frais, clair, rapide dans sa poursuite. Je crois que la plupart d’entre nous admettent la nécessité urgente d’une révolution psychologique laquelle, seule, pourrait provoquer une transformation radicale du monde extérieur, de la société. Ce problème est celui qui m’occupe personnellement, ainsi que d’autres personnes dont les intentions sont sérieuses. Comment provoquer une transformation fondamentale, radicale de la société : voilà notre problème. Et cette transformation du monde extérieur ne peut avoir lieu sans une révolution intérieure. Comme la société est toujours statique, toute action, toute réforme qui se font sans cette révolution intérieure deviennent également statiques. Il n’y a aucun espoir en dehors de cette constante révolution intérieure, parce que si elle fait défaut l’action extérieure devient une répétition, une habitude. Les relations, en acte, entre vous et l’ »autre », entre vous et moi, « sont » la société ; et cette société devient statique, n’a aucune fécondité, tant qu’il n’y a pas cette constante révolution intérieure, cette transformation psychologique créatrice. Et c’est parce que cette révolution intérieure n’a pas lieu que la société est toujours statique, cristallisée, et que ses cadres doivent être si souvent brisés.
« Notre problème est de savoir s’il peut exister une société statique et en même temps un individu en qui cette perpétuelle révolution a lieu. La révolution doit commencer par une transformation intérieure, psychologique, de l’individu. De nombreuses personnes aspirent à une transformation radicale de la structure sociale. .. Pour instaurer une société qui ne soit pas dans l’état statique d’une répétition traditionnelle, d’une désintégration, ce bouleversement intérieur de l’individu est obligatoire ; la seule action extérieure a fort peu d’effet. Le propre de la société est de se cristalliser, de tendre toujours vers un état statique, donc de se désintégrer. Quelles que soient la force et la sagesse d’une législation, la société est perpétuellement en processus de décomposition, car il n’y a de vraie révolution qu’en l’homme »
Extraits du livre ‘La Première et Dernière Liberté’.
Chapitre ‘Qu’est-ce que la peur? ‘
« La peur trouve des évasions de formes différentes. La plus commune est l’identification, l’identification avec un pays, une société, une idée. N’avez-vous pas observé la façon dont vous réagissez lorsque vous assistez à un défilé militaire… ou lorsque votre pays est sous le coup d’une invasion? Vous vous identifiez à un pays, à un être, à une idéologie. …si je parle de « mon pays » je m’oublie pour un temps. Si je parle de Dieu, je m’oublie. … l’identification est donc une façon de fuir le moi, tout comme la vertu est une façon de le fuir. Je parle de l’homme qui poursuit la vertu : ilo s’évade du moi et son esprit étroit n’est pas un esprit vertueux, car la vertu ne peut être l’objet d’une poursuite.»
Extraits du livre ‘La Première et Dernière Liberté’.
Chapitre ‘de la connaissance de soi’.
« Être c’est être en relation : il n’y a pas de vie isolée. Ce sont les relations dont la base est erronée qui provoquent les conflits, les malheurs, les luttes. Si nous parvenons à transformer nos rapports dans notre monde, fût-il très étroit, cette action sera comme une vague qui ne cessera de s’étendre. Je pense qu’il est important de comprendre que notre monde est celui de nos relations, quelque limitées qu’elles soient, car si nous pouvons y provoquer une transformation, non superficielle, mais radicale, nous commencerons alors, activement, à transformer le monde. La vraie révolution n’est jamais conforme à un modèle donné, de gauche ou de droite, à une révolution dans les valeurs sensorielles et dans celles qui sont créées par les influences du milieu »
« Ainsi, se transformer soi-même c’est transformer le monde parce que le moi est à la fois le produit et une partie intégrante du processus total de l’existence humaine. Pour se transformer, la connaissance de soi est essentielle, car si vous ne vous connaissez pas, votre pensée n’a pas de base. L’on doit se connaitre tel que l’on est, et non tel que l’on désire être ; l’on ne peut transformer que ce qui « est », tandis que ce que l’on voudrait être n’est qu’un idéal, une fiction, une irréalité. Mais se connaitre tel que l’on est exige une extraordinaire rapidité de pensée, car ce qui « est » subit de perpétuels changements et si l’esprit veut adhérer à cette course il ne doit évidemment pas commencer par s’attacher, par se fixer à un dogme ou à une croyance.»
La science sans la spiritualité est boiteuse, la spiritualité sans la science est aveugle