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par Brève de comptoir » 29 mai 2013, 02:33
Pour revenir au sujet et de la possibilité d'une guerre liée à une crise des ressources (et provoquant un micmac tel que ça tournerait à une nouvelle guerre mondiale), il y avait un documentaire ce soir sur Arte concernant la "guerre du sable". Je doute pas que le doc ait été en lui-même assez partisan et assez peu objectif, toutefois, c'était assez flippant de voir à quel point une ressource qui paraît à première vue aussi disponible et inépuisable que le sable, puisse être au centre ainsi d'enjeux géopolitiques déjà très forts entre différents États.
D'abord, le doc rappelle qu'après l'eau, c'est la ressource la plus utilisée dans le monde. Le sable sert essentiellement dans la construction : les routes, les bâtiments puisqu'il constitue pour les trois quarts le volume du béton armé, le verre et autres composés électroniques dont la technologie est basée sur le silicium.
L'eau est renouvelable, et même si l'eau douce peut poser problème, reste l'eau de mer. Le sable, une fois piégé pour former du béton, c'est fini, il ne va plus retourner sous sa forme de sable.
L'un des problèmes, c'est que le sable est à la fois gratuit et facile à extraire. Une matière première comme le pétrole, plus il est compliqué de l'extraire, plus on peut imaginer que les coûts s'en trouvent d'autant augmenter. Alors que pour le sable, il suffit d'aller piocher sur une sable ou de racler les fonds marins.
La question du sable paraît idiote parce qu'on s'imagine qu'avec tous ces déserts, du sable, y a ce qu'il faut sur terre... Sauf que ce sable trop rond ne convient pas pour fabriquer du béton. Ils montraient l'exemple absurde des Émirats arabes unis qui importait son sable de construction depuis l'Australie... Et du sable, un tel pays en plein boom et en pleine crise de gigantisme, il lui en faut, d'autant qu'ils veulent empiéter sur la mer pour créer de nouveaux terrains.
Le sable utile, on ne le trouve donc pas partout. Sur les plages, les fonds marins ou le lit des rivières. Et c'est là que les problèmes commencent.
C'est d'abord une catastrophe écologique. Sur les fonds marins, il y a seulement une fine particule de sable qui a mis des millions d'années alimentés par les estuaires des rivières. Une vie sous-marine est alors détruit. Il faut voir ces énormes tankers labourer les sols marins. Ça fait pas dans le détail. En Indonésie par exemple, ces techniques ont massacré des km2 sous-marins. Résultat : les océans sont morts et les populations ne peuvent plus vivre de la pêche. Apparemment le gros consommateur de sable de la région, c'est Singapour qui à l'image de ce qui se passe au Moyen-Orient construit à la fois des bâtiments et cherche à gagner des terrains sur la mer.
C'est là que les problèmes géopolitiques commencent. Tous les pays riverains ont interdit à cause des retombées économiques (plus qu'écologique on rêve pas ; il faut toujours qu'une crise se fasse économique pour qu'on en vienne à considérer le problème écologique) le commerce du sable avec Singapour. Pourtant, malgré l'interdiction, le pays n'a aucun mal pour s'approvisionner. Grâce au marché noir. Parce que ces pays continuent d'être raclé aux gencives par des systèmes mafieux. Le principe est simple à comprendre : le sable étant facilement exploitable, gratuit, que les cargaisons ne sont probablement pas contrôlées (Singapour va pas contrôler l'origine de ces cargaisons alors que c'est elle qui est en forte demande), malgré l'interdiction, il est simple de continuer le massacre. Seulement les conditions sur l'environnement est considérable, et donc sur l'économie locale. On a un rapport de force qui s'installe qui est dangereux entre un petit pays un riche, et ses voisins qui voient leurs conditions s'aggraver...
Le doc montrait également le problème absurde du Maroc où des plages se font piller le sable dans le seul but d'alimenter illégalement la construction de riches villas vendus avec le rêve de belles plages. Sauf que les plages de sable n'existent plus, du coup... Et que ce sable, non lavé est souvent vendu tel quel et est donc improbable à la construction.
Exactement le même principe aux Maldives où pour faire face à l'affût de réfugier dans la capitale à cause de la disparition des terres grignotées par les vagues, on construit aussi à tout va... avec le sable locale. Or plus on prend du sable sur les rivages ou le littoral marin, plus on accentue l'érosion.
Alors, c'est pas les Maldives qui vont provoquer une guerre mondiale. Ils vont crever et les grandes puissances en auront rien à foutre. Mais le problème existe également notamment sur les littoraux américains. Pour rester sur son littoral, le sable a besoin d'espace, de dunes, et donc avoir un pied sur les hauteurs. Si les habitations sont trop proches, le sable ne peut pas remonter, donc il s'affaisse et plonge dans les fonds marins. En Floride, tout le tourisme est basé sur cette image des plages. Or les terres quand elles ne sont pas grignotées par la mer voient disparaître le sable et pour y remédier les villes n'ont rien trouvé de mieux qu'aller chercher le sable dans les océans et de charrier toujours plus de sable qui inévitablement retournement à la mer. Ils poussent l'absurdité jusqu'à construire des digues pour éviter le sable de partir chez le voisin.
Alors pour l'instant, il n'y a que quelques pays qui ont instauré une taxe sur le sable. Les autres laissent faire. Et pour cause, les plus gros consommateurs, ce sont toujours les États, qui en ont besoin pour construire les routes. Et parce que ça fait tourner le commerce. Seulement il y a toujours un moment où à force de tirer sur la corde écologique, c'est l'économie qui suit plus. On le voit en Indonésie. Alors quand les océans n'auront plus de poissons, on verra probablement toujours rien. Seulement ça risque de provoquer des conséquences écologiques inattendues qui à leur tour provoqueront des désastres économiques. Chacun voudra défendre ses intérêts et si ça s'accompagne d'une autre crise des ressources (pétrole, matériaux rares), ça pourrait bien péter entre les gros qui voudront garder leur style de vie et les autres qui pour suivre était obligé d'accepter un pillage de leurs ressources et une destruction de leur environnement, mais qui peuvent finir par se rebeller contre les "exploitants" ou "puissances économiques". La pression sera toujours plus grande pour maintenir ce niveau de vie et les moyens pour le maintenir seront de plus en plus dévastateur.
Et si le commerce du sable se tend, se raréfie, si certains veulent instaurer des règles, et d'autres continuer de profiter de l'absence de règles, ça risque de faire bobo. Le château de sable s'effrite lentement et on ne cesse de rajouter du sable pour colmater ; et puis arrive un moment où il s'écroule ou finit déchiqueté par les vagues. Y a un côté qui est bien irrationnel à en vouloir toujours plus sans penser aux conséquences.
On parle souvent du pétrole et de la crise économique qui s'en suivrait si les resserves venaient à s'épuiser. Seulement le pétrole, on peut encore trouver une alternative énergétique. Le sable, les alternatives sont rares et forcément coûteuses. Il est probable qu'il y ait un hiatus entre ceux souhaitant réguler les construction n'ayant eux-mêmes déjà plus grand-chose à construire et pouvant assumer un changement de méthode, et les ogres qui ne doivent leur croissance qu'à une fièvre de la construction. Quand les conséquences sont écologiques et concernent alors tout le monde, on peut comprendre les tensions qui peuvent se nouer deux milieux que tout oppose. Qu'est-ce que la Chine, Singapour, les USA, le moyens orient ou l'Europe, ont à faire des Maldives ? de l'Indonésie ? et des autres régions qui peu à peu, face à un désastre économique, comprendront qu'il est déjà pour se préoccuper des questions environnementales. Il suffit que les rapports de force change, qu'un gros devienne petit et qu'un plus petit en pleine croissance veille faire entendre la légitimité de sa prospérité comme d'autres avant lui, pour que les tensions se créé. La suite on la connaît.
C'est clair que si on est focalisé sur le pétrole on peut douter de la possibilité de l'accroissement des conflits. Le pétrole, on eut toujours s'en passer, même si ça ne se fait pas tout seul. Mais une histoire aussi conne que le sable, qu'on croit avoir à foison, et qui est pourtant une ressource sans laquelle plus rien ne serait possible, on a du mal à y croire. Le documentaire a à peine effleuré la question géopolitique, mais en voyant ça, j'ai de suite pensé à ce fil. Jusqu'à quel niveau trouve-t-on acceptable de détruire les plages, saccager les fonds marins pour maintenir un style de vie et la sacro-sainte croissance ? Et si la plage, ce n'est pas la nôtre mais celle du voisin ? Les États avaient eu du nez en interdisant l'exploitation des nouveaux territoires comme l’Antarctique ou la Lune. On a juste oublié de penser aux fonds marins. Ils n'apparaissent à personne mais quand on les exploite, ce n'est pas conséquence pour les populations qui vivent des produits de la mer. L'Antarctique, c'est pratique, y a rien. On peut se mettre d'accord pour ne rien exploiter quand (a priori) c'est trop loin et y a rien. Mais s'il faut se mettre d'accord pour ne pas exploiter l'élément de base du développement des villes, des plages, c'est tout un système qu'il faut repenser. Et les règles doivent être communes. La crise du voisin ne nous regarde pas ; il faut attendre que l'économie soit affecter pour prendre consciences des désastres écologiques. On cherchera toujours à protéger nos billes. Y a pas cinquante possibilités. Soit tous les pays se mettent d'accord pour limiter l'impact sur l'écosystème et donc à terme sur leurs propres développement, et cela ne peut se faire que par une forme de décroissance ou de croissance nulle. Soit, certains en voudront toujours plus pour combler leur retard par rapport à d'autres ou affirmer leur supériorité.
Ça pourrait bien être le petit grain de sable qui fasse dérailler la machine alors même qu'on attend ou craint des tensions liées au pétrole. Oui je commence à y croire^^. Non pas à la peur Nord-Coréene, au méchant Chinois, mais à la possibilité dans ce siècle que les enjeux et les désastres écologiques puissent provoquer des conflits majeurs. Et celui-ci paraît tellement anodin alors que le sable se révèle plus qu'indispensable que ce grand écart pourrait bien nous péter à la gueule. À force de crier au loup, de tirer la sonnette d'alarme sur les problèmes environnementaux, il y a un moment où ça va fini par péter.