Etienne Beauman a écrit :Aucune de tes objections généralistes ne sont pertinentes ici, car s'il est possible en théorie que + de 50% des consommateurs de x ne consommant pas Y vont dans la plupart des cas finir par consommer Y à cause de leur consommation première de x , sans que le rapport entre consommateur de X/Y ne change significativement et ce sur une longue période, cela nécessiterait des conditions très particulières qui ne collent pas avec la réalité.
Je ne te parle pas d'une loi générale concernant x et y, je te parle de cannabis et d'héroïne, et je suis persuadé qu'il n'y a pas d'explication statistique surprenante justifiant une causalité alors que le rapport de force depuis des décennies laissent à raison penser le contraire.
Je développe alors :
Un consommateur de cannabis n'en consomme pas éternellement - il commence à un certain age, et s’arrêtera au plus tard le jour de son décès. Appelons
\(D(c)\)la durée pendant lequel il en consomme, et
\(\bar{D(c)}\) la moyenne de cette durée. Considérons maintenant la proportion de consommateur de cannabis dans la population
\(P(c)\), et le risque pour une personne donnée de devenir consommateur de cannabis au cours de sa vie
\(R(c)\).
On voit clairement que si beaucoup de personnes prennent du cannabis au cours de leur vie, mais pendant une très courte période, on aura au final peu de consommateurs de cannabis dans la population à un instant t. En fait, si toutes les autres variables sont égales et constantes par ailleurs, on a la relation :
\(P(c)=R(c)\frac{\bar{D(c)}}{E}\), où E est l'espérance de vie.
En français, on ça veut dire que la proportion de consommateur de cannabis dans la population est proportionnel au risque de devenir consommateur et à la durée moyenne de consommation.
On a évidemment les mêmes relations pour l'héroïne :
\(P(h)=R(h)\frac{\bar{D(h)}}{E}\)
Évidemment, si les risques de devenir consommateur donnée évoluent dans le temps, ça complique encore les choses. Mais çà n'est pas mon propos.
Considérons maintenant la proportion d'héroïnomane parmi les fumeurs de cannabis
\(P(h|c)\), et le risque de devenir héroïnomane si on est fumeur de cannabis
\(R(h|c)\).
On sait que
\(P(h|c)=\frac{P(c|h) P(h)}{P(c)}\) et que
\(R(h|c)=\frac{R(c|h) R(h)}{R(c)}\)
On sait aussi que presque tous les héroïnomanes sont aussi des fumeurs de cannabis, soit
\(P(c|h)\sim 1\), et il est plus que raisonnable de supposer que presque tous ceux qui deviendront héroïnomanes deviendront aussi fumeurs de cannabis, soit
\(R(c|h)\sim 1\)
Il s'ensuit que
\(P(h|c)\sim\frac{P(h)}{P(c)}\)
\(R(h|c)\sim\frac{R(h)}{R(c)}\)
\(P(h|c)\sim\frac{R(h)\frac{\bar{D(h)}}{E}}{R(c)\frac{\bar{D(c)}}{E}}\)
\(P(h|c)\sim\frac{R(h)\bar{D(h)}}{R(c)\bar{D(c)}}\)
Soit
\(P(h|c)\sim R(h|c)\frac{\bar{D(h)}}{\bar{D(c)}}\)
et
\(R(h|c)\sim P(h|c)\frac{\bar{D(c)}}{\bar{D(h)}}\)
En français cela veut donne : Toutes choses égales par ailleurs, la proportion de fumeur de cannabis qui deviennent héroïnomanes est égale à la proportion d'héroïnomane parmi les fumeurs de cannabis multiplié par le rapport entre les durées moyennes de consommation d'héroïne et de cannabis
Ainsi, si les fumeurs de cannabis en fument en moyenne pendant 6 ans, et les héroïnomanes se piquent en moyenne pendant 2 ans, et que la proportion d'héroïnomanes parmi les fumeurs de cannabis est de 8%, alors la proportion de fumeurs de joints qui deviennent héroïnomanes est de 24%.
Il n'est pas déraisonnable de supposer que les fumeurs de joints fument en moyenne plus longtemps que les consommateurs d'héroïne, bien a contraire. Le junkie moyen se mettra au cannabis avant l'héro, il continuera à en fumer pendant toute la période où il se pique, et, même après son sevrage, il n’arrêtera pas toujours la fumette. Il y a d'autres facteurs qui influent dans le même sens, et notamment l'espérance de vie réduite des héroïnomanes.
Est-ce que ces facteurs sont suffisamment influents pour rendre crédible la théorie de l'escalade ? Je ne le crois pas, mais je n'en sais rien. Pour le voir, il faut regarder d'autres chiffres que ceux cités dans ce post.
Donc, d'une façon générale, comme dans le cas présent, on ne peut pas généraliser une statistique portant sur une population à un instant t à l'évolution des individus de cette population. C'est une erreur extrêmement fréquente, dans laquelle tout le monde tombe.
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Petit jeu ouvert à tous : Il y a une erreur énorme dans mes formules (mais elle ne change pas en substance le raisonnement). Trouvez-là ;-)
Pour les échantillons statistiques, comme dans d'autres domaines, il n'y a pas que la taille qui compte.
Raisonner a l'instinct sur des problemes de probabilites, c'est le desastre assuré. (Spin Up)
Une graphe sans échelle, c'est bon pour la poubelle