l'appel a l'émotion face à la connaissance

[unptitgab]

J'ai trouvé que cet article de Rue89 avait sa place dans la rubrique scepticisme, où en résumé il est écrit que la fièvre mémorielle actuelle concernant la guerre 14/18 faisant plus appel à l'émotion, et aux valeurs patriotiques, ne permettait pas aux écoliers d'avoir une approche réelle et objective des causes et conséquences de cette guerre.
Finalement ce n'est qu'un exemple qui permet de montrer que l'affect peut nuire au savoir et il est possible d'étendre cet aspect à tous les sujets.

[Christian]

J'ai trouvé que cet article de Rue89 avait sa place dans la rubrique scepticisme, où en résumé il est écrit que la fièvre mémorielle actuelle concernant la guerre 14/18 faisant plus appel à l'émotion, et aux valeurs patriotiques, ne permettait pas aux écoliers d'avoir une approche réelle et objective des causes et conséquences de cette guerre.
Finalement ce n'est qu'un exemple qui permet de montrer que l'affect peut nuire au savoir et il est possible d'étendre cet aspect à tous les sujets.

Ouach! Horrible. Jean Jaurès doit se retourner dans sa tombe...

On a connu une situation comme ça au Canada avec les commémorations de la Guerre de 1812 que le gouvernement conservateur a essayé de nous enfoncer dans la gorge...

Christian

[BeetleJuice]

J'ai trouvé que cet article de Rue89 avait sa place dans la rubrique scepticisme

Mouais.
Sur le fond, il a raison, la commérationite aiguë est une instrumentalisation de l'Histoire et c'est dommage que l'école, encore une fois, se prête au jeu de la propagande (alors que paradoxalement, elle y était plus réticente qu'on ne le croit avant la PGM, malgré la pression de l'Etat pour embrigader la population dans l'idée qu'il était juste de faire la guerre à l'Allemagne.).

Par contre, son discours n'est pas neutre politiquement et au fond, il a l'air de moins dénoncer le fait que la propagande existe que le fait qu'elle ne soit pas de son bord politique, notamment en regrettant qu'on ne dise pas aux enfants qu'il y avait plus d'ouvriers et de paysans dans les tranchés ou en mettant un doute sur l'idée d'une culture de guerre, qui pourtant existe, on en a des traces*, mais qui contrevient au discours largement relayé par la gauche d'après guerre, d'une guerre qui n'aurait été qu'une souffrance imposée à la population par le haut et dont le poilu est la victime symbolique, le brave gars de la campagne ou de l'usine qu'on envoie à la mort par millions et qui n'avait rien demandé.

Evidement, ça n'est pas complètement faux, mais c'est encore regarder l'Histoire du haut de son préjugé idéologique. Ce qu'on vécu ces gens, au final, on s'en fout, tant qu'on peut prétendre combattre en leur nom.

*on a notamment des lettres de soldats qui expliquent à leur famille qu'ils sont non seulement fier de ce qu'ils font, mais qu'ils s'y habituent. Ca serait évidement exagéré de dire que tout le monde était content d'être là, mais il faut savoir relativiser la vision d'une guerre de tranchée qui n'aurait été qu'une longue descente aux enfers pour des soldats qui ne le voulaient pas.

[86lw]

De toute façon, cet exercice implique la propagande, surtout à propos de 14-18.
Il faut une solide culture historique ne serait-ce que pour appréhender la diversité des vécus individuels, les changements de mentalité et bien d'autres aspects du bouleversement qu'a été cette période...

De même que par exemple la victoire de 45 est dans l'imaginaire collectif une sorte de victoire du Bien sur le Mal, qu'on a exonéré, du moins à une époque, le régime stalinien de ses crimes, et que les Occidentaux n'ont pas eu à rendre compte de leurs propres crimes de guerre. Il a fallu longtemps oublier que le "roman national" français était assez loin de la réalité de la France à cette époque.

Quand les politiques commencent à mettre leurs grosses pattes dans le mémoriel, c'est rarement avec le souci de la vérité historique (si tant est qu'il y en est une...)

[BeetleJuice]

Quand les politiques commencent à mettre leurs grosses pattes dans le mémoriel, c'est rarement avec le souci de la vérité historique (si tant est qu'il y en est une...)

Pour y échapper, il faudrait sans doute reposer la question de l'utilité sociale de l'Histoire et de son rôle dans la citoyenneté, mais c'est une question que personne ne veut vraiment aborder. Pas les historiens ou les enseignants, qui craignent qu'on ne remette en question leur place, ni les politiques qui s'arrangent bien de pouvoir faire de l'Histoire ce qu'ils veulent.

A ce compte là, je trouve les spécialistes et les enseignants hypocrites de râler contre l'intervention des pouvoirs publics dans les débats historiques sans se poser la question de l'utilité de l'Histoire, alors même que c'est cette recherche permanente de caution historique que mettent en exergue les politiciens qui donnent à l'Histoire sa place parmi les enseignements et la recherche.

[86lw]

Pour y échapper, il faudrait sans doute reposer la question de l'utilité sociale de l'Histoire et de son rôle dans la citoyenneté, mais c'est une question que personne ne veut vraiment aborder.

Mais qui donc voudrait de citoyens réellement informés et conscients?

Un autre domaine des sciences humaines, la philo, est enseignée (en France du moins), jusqu'au bac, parce que certains humanistes ont considéré, il y a longtemps, qu'un citoyen se devait de raisonner "proprement". Quand on voit le résultat...on comprend qu'elle soit toujours enseignée (Ce qui est àmha une bonne chose d'ailleurs...)

L'histoire pourrait être elle aussi une remise en cause assez radicale d'idées et de pratiques bien confortables et bien utiles: plus d'arguments pour le racisme, pas de définition pour le "peuple", plus de légitimité pour aucun régime...

Sauf dans certains cas assez lointains (préhistoire, civilisation(s) celtique(s),etc....), le récit historique se doit d'être relativement consensuel et enseigné tel que.

Qui se soucie vraiment de la vérité historique, si tant est qu'il y en ait une?
(je viens de m'apercevoir de ma faute, et je me tape encore la tête contre les murs. A plus tard peut-être... )

[BeetleJuice]

Mais qui donc voudrait de citoyens réellement informés et conscients?

Ca je ne sais pas, mais à l'heure où l'on promeut la créativité dans l'économie et l'entrepreneuriat par opposition à l'économie à la chaine, c'est quand même surprenant que personne ne se pose la question de l'autonomie intellectuelle des citoyens. Que les partis politiques ne le fassent pas, c'est cohérent, ils sont hiérarchiques et oligarchiques, ils auraient tout à perdre en terme de légitimité de leurs membres éminents.

Mais l'on voit bien que l'extension des moyens de communications modifie les rapports qu'ont les gens à la politique et ça devient dramatique que des citoyens pourtant de plus en plus critiques, qui donnent de plus en plus leur avis et de moins en moins sensible à la sacralité des institutions, aient une formation bêtifiante et lénifiante de la citoyenneté, de l'histoire du pays, des institutions, sans perspective, comme si le pays était destiné à être ce qu'il est et que le citoyen ne pouvait être que ce qu'il est.

Un autre domaine des sciences humaines, la philo, est enseignée (en France du moins), jusqu'au bac, parce que certains humanistes ont considéré, il y a longtemps, qu'un citoyen se devait de raisonner "proprement". Quand on voit le résultat...on comprend qu'elle soit toujours enseignée (Ce qui est àmha une bonne chose d'ailleurs...)

Je ne suis pas sûr que la philosophie telle qu'elle est enseignée soit une bonne chose. De ce que je m'en souviens, on passe finalement pas mal de temps à s'en remettre à des philosophes du passé. Connaître Socrate ou Platon ne me semble pas forcément indispensable à l'autonomie intellectuelle, par contre, connaître les principes du scepticisme, des biais cognitifs, quelques notions de sociologies et de psychologies pour mieux comprendre comment fonctionne la foule et les réactions instinctives que l'on peut avoir quand on est face à nos propres erreurs, me semble plus utile.
La philosophie pour la philosophie ne sert à rien, il faudrait l'inclure dans un cadre plus vaste visant une meilleure autonomie intellectuelle.

Qui se soucie vraiment de la vérité historique, si tant est qu'il y en ait une?

La vérité, c'est comme en science, la recherche historique s'en moque, ce sont les faits et les théories qui les expliquent qui comptent. Je doute qu'aucun historien sérieux puisse dire qu'il connait "la vérité" historique.

[86lw]

Pour la philo, nous n'avons pas dû avoir les mêmes profs...je me rappelle notamment d'un vrai pédagogue qui, au-delà d'un cours d'histoire de la philo, enrichissait ses interventions de socio, psycho, histoire et même physique parfois...et nous laissait nous dépatouiller de sujets d'actualité qui ne nous avaient pas à priori semblé si importants et significatifs. Mais j'ai aussi eu de nombreux témoignages de cours rasoir au possible...

"Je doute qu'aucun historien sérieux puisse dire qu'il connait "la vérité" historique."

Les historiens sont en général assez lucides là-dessus. Ce qui n'est pas toujours le cas d'autres qui ont vendu des fables comme le caricatural "nos ancêtres les Gaulois", Napoléon héro national successeur du psychopathe Robespierre, sans tenir compte du nombre de morts dont ils sont respectivement responsables, Montcornet haut fait d'arme de la geste gaullienne...et bien entendu les commémorations dont on parlait en début de sujet.

Bon, quand un ex-président français parlait de "l'homme africain" insuffisamment entré dans l'histoire à des auditeurs "indigènes" dont beaucoup devaient être largement plus diplômés que lui, c'était un peu too much.
Mais pour un cuistre qui se fait repérer, combien de bêtises avale-t-on?

[unptitgab]

Le problème de cette acculturation historique, qui finalement au nom de la "mémoire" de démontre plus et ne présente plus vraiment les faits, permet à un Lorànt Deutsch de produire des pseudo livres d'histoires, qui sont plus un empilement de mythes ou d'anecdotes, ou pire aujourd'hui de se retrouver avec un Zemmour en tête des ventes.
Quand ce manque de discernement de nombre de mes compatriotes face à l'histoire, parce que même si l'intitulé des cours est bien sciences humaines, la démarche permettant de montrer en quoi l'histoire justement est une science est quasi inexistante, finalement la majorité des cours consistent à raconter l'histoire, permet de transmettre des opinions en déformant les faits, opinions pour le moins nuisibles dans le cas de Zemmour.

[BeetleJuice]

finalement la majorité des cours consistent à raconter l'histoire, permet de transmettre des opinions en déformant les faits, opinions pour le moins nuisibles dans le cas de Zemmour.

C'est ce que je disais plus haut.
L'un des principaux reproche qu'on peut faire aux cours d'Histoire, mais aussi au bouquin de vulgarisation, c'est qu'ils abordent l'Histoire comme si elle était linéaire, comme si elle allait de soit, comme s'il y avait une sorte de rail de l'Histoire sur lequel se déplaçait les gens et que le présent non seulement est une conséquence du passé, mais une sorte de destin.
Alors qu'en fait, l'histoire est plus proche de la paléontologie, on cherche à rassembler les éléments éparses pour reconstituer le puzzles du passé en cherchant les éléments qui font lien entre les pièces déjà posées, sans se soucier de la vue d'ensemble qu'on laisse à la philosophie. D'ailleurs, la paléontologie a le même problème de vulgarisation, on raconte l'histoire de l'évolution de manière linéaire, comme si le présent était destiné à être.

L'Histoire telle qu'on l'enseigne est conçue pour faire un focus sur les éléments qui constitue une brique de plus vers l'image fantasmée qu'on se fait du présent, en mettant sur le bas coté ce qui parait relevé de l'accident de l'Histoire. C'est comme ça qu'en classe, du moins en France, on continue de faire en primaire un apprentissage de la frise chronologique du pays avec la figure de quelques "grands rois" qui nourrissent l'imaginaire que la France d'aujourd'hui était destiné à apparaitre grâce à la volonté de ses rois, comme s'ils avaient eu en tête une sorte de plan d'ensemble qui menait d’Hugues Capet à Louis XIV, puis à Napoléon et qu'il allait de soi de voir le lien entre eux.

Et au collège, on continue, par exemple, d'insister sur la confrontation entre romains et gaulois au Ier siècle, comme si c'était un élément important de l'Histoire de France et qu'il allait de soi qu'il y a un lien entre ce passé et le présent.

Evidement, il y a un lien, mais c'est justement ce lien qu'il faut interroger, car il ne va pas de lui même. A aucun moment on ne fait s'interroger l'élève sur le pourquoi de l'importance d'un fait ou sur le lien qu'il peut y avoir avec le présent, on se contente de faire comme si ça allait de soi que c'est important, alors que le découpage est souvent arbitraire (par exemple, pourquoi étudier plus les gaulois au collège que les francs, alors même que la France contemporaine a plus gardé des francs que des gaulois. Simplement parce qu'on par du principe que la France devait finir par être ce qu'elle est et donc qu'il faut étudier ce qui s'est passé dans son territoire d'aujourd'hui, comme si de tout temps, le territoire était destiné à devenir la France).

[unptitgab]

En plus cela donnerait des cours beaucoup moins rébarbatifs, si au lieu de ne faire travailler que la mémoire des élèves leur capacité d'analyse était également mise à contribution.
Heureusement tout de même que les profs gardent une certaine indépendance pour la construction de leurs cours et que j'espère beaucoup ont eu la chance de tomber sur un enseignant leur transmettant un peu plus que ce qui est dans le programme, mais cette volonté de demander au même prof d'enseigner l'histoire et la géographie est dommageable pour au moins une des deux matière.

[BeetleJuice]

si au lieu de ne faire travailler que la mémoire des élèves leur capacité d'analyse était également mise à contribution.

Les cours ne se résume quand même pas à une série de date, se serait exagéré de dire qu'on ne demande aucun effort d'analyse, si minime soit-il aux élèves, mais c'est moins leur capacité d'analyse que leur capacité à se poser des question, même sur ce qu'il semble évident, qu'il faudrait développer.

Pour donner un exemple, j'ai fait il y a 2 ans un stage dans un collège, où j'ai fait plusieurs cours sur la république romaine (vu que c'est ma spécialité, j'avais demandé à la prof de faire ça et un peu de géo, vu que c'est là où je me débrouille le moins). Et bien j'ai tenté de pousser les élèves à réfléchir sur la manière dont fonctionnait la Res publica et pas seulement à connaître bêtement ses institutions et j'ai même pousser le vice à les faire réfléchir un peu sur les liens entre cette république et la notre (notamment sur le fait que la rep romaine est un affaire de riches, ce qui a conduit, quand les riches ont été suffisamment puissants, à son écroulement à cause de leurs rivalités pour le pouvoir).

A l'époque, le maître de stage me l'a reproché, m'expliquant qu'il ne fallait pas trop mettre à contribution les élèves, pour ne pas les embrouiller et dans le cadre du programme hyper chargé de la sixième (qui aborde un nombre hallucinant de thématiques ), elle avait raison, mais ça m'avait choqué à l'époque de voir que les programmes envisageaient encore l'histoire comme une somme de connaissances fixées à transmettre doctement du maître à l'élève, alors même que s'il y a bien un domaine où la réflexion, l'initiative, le questionnement des élèves devrait être le centre, c'est bien les disciplines qui enrichissent sa culture générale et le prépare à être un citoyen informé et non un futur acteur économique.

La citoyenneté, à mon humble avis, ne s'exerce pas sans réflexion individuelle et débat, donc sans une capacité à se poser des questions correctement et à y répondre correctement et c'est justement à ça que devrait servir l'Histoire, la Géographie et la Philosophie, servir à la fois d'ouverture au monde via une connaissance du temps, du lieu et de la pensée, mais aussi d'apprentissage au rôle du citoyen, qui doit pouvoir définir sa place dans le demos.

[lefauve]

Si on commémore toute les batailles et les guerres. C'est quand on travaille?

Guerre de cent ans, la conquêtes, Waterloo, etc..

Il n'y a pas un jour où il n'y a pas eu de bataille "importante"