Je cite ci-dessous ce passage présentant les idées de Lucrèce:
bac philo a écrit :[Analyser un évènement en terme finaliste] est contre-nature car cela renverse la chronologie des évènements : la notion de fin utilisée dans ses explications est en réalité l'idée de l'effet qu'elle place avant la cause, pour l'engendrer...Le finalisme met ainsi à l'origine de l'organisation matérielle du monde des objets qui ne le sont pas : il attribue aux idées, qui sont immatérielles et invisibles, le pouvoir d'organiser le visible.
Manifestement, Lucrèce ne croit pas que la cause puisse précéder l'effet...
... et pourtant:
- d'une part les recherches sur le cerveau ont montré que le moment où la décision consciente est prise de réaliser une action est postérieur au moment où l'impulsion nerveuse exécutant l'ordre décidé par la conscience est transmise aux muscles.
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- d'autre part, dans notre vision anthropocentrique actuelle, nous considérons implicitement le second principe de la thermo et le principe de causalité qui lui est associé comme une sorte de loi objective, indépendante de l'observateur et de l'acte d'observation. Cette hypothèse implicite entre en conflit avec le caractère thermodynamique statistique du second principe de la thermo. Peu à peu l'interprétation de l'écoulement irréversible du temps comme une émergence statistique, dépendant donc de l'échelle d'observation et du choix d'une entropie (propre à une classe d'observateurs) gagne du terrain. Voir par exemple l'hypothèse du temps thermique proposée par C. Rovelli:
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- Enfin, l'interprétation time symmetric de la mesure quantique et ses succès en termes de mesure faible
- Y. Aharonov, S. Popescu, J. Tollaksen, A time-symmetric formulation of quantum mechanics, Phys. Today 63 (Oct 2010), 27–32, http://jamesowenweatherall.com/SCPPRG/A ... eSymQM.pdf)
- O. Hosten and P.G. Kwiat, Observation of the spin hall effect of light via weak measurement, Science Vol. 319 no. 5864 pp. 787-790 (2008), http://www.sciencemag.org/content/319/5864/787
- P.B. Dixon, D.J. Starling, A.N. Jordan, J.C. Howell, Ultrasensitive beam deflection measurement via interferometric weak value amplification, Physical Review Letters 2009; 102 (17): 173601 (2009) http://arxiv.org/abs/0906.4828 .
donne du crédit à l'interprétation rétrocausale de la mesure quantique. Voir par exemple Y. Aharonov, E. Cohen, D. Grossman, A.C. Elitzur, Can a future choice affect a past measurement’s outcome? International Conference on New Frontiers in Physics", Crete, June 2012 http://arxiv.org/abs/1206.6224
On a un peu de mal à comprendre comment le simple principe de sélection naturelle aurait pu conduire, en "si peu de temps", par un simple principe d'essai-erreur basé sur la sélection naturelle à la complexification observée, et ce, avec une telle efficacité (voir par exemple dieu des fourmis, dieu des étoiles de Rémi Chauvin). Quelques milliards d'années ça semble peu pour aboutir, par hasard, à une sorte "d'ordinateur à pattes" en secouant et en chauffant violemment de la matière et en espérant voir ainsi émerger cette machine du seul principe de sélection naturelle (ou encore, voir des générations successives de singes tapant des lettres au hasard sur une machine à écrire pendant quelques milliards d'années finir par écrire le rouge et le noir de Stendhal au milieu d'un fatras de lettres assemblées sans signification).
Envisager que l'enchainement cause-effet puisse se dérouler dans le sens normal mais aussi, à notre insu, dans le sens rétrocausal me semble donner un début de piste pour comprendre pourquoi les événements naturels semblent être conditionnés à l'atteinte d'un objectif et parviennent à l'atteindre avec une telle efficacité (eu égard à la pauvreté de l'explication disponible). Les essais-erreurs se produisent peut-être dans le sens normal d'écoulement du temps, puis à rebrousse temps et ainsi de suite, jusqu'à ce que "ça finisse par marcher".
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les 14 milliards d'année de l'univers correspondent à une façon de mesurer le temps basée sur le "tic-tac" de nos horloges macroscopiques, c'est à dire l'enregistrement d'évènements irréversibles (au sens de la création d'entropie de Boltzmann par exemple). Quand on remonte vers le big-bang supposé, il fait de plus en plus chaud. Quand il fait suffisamment chaud, dans quelles structures peut bien être enregistré l'écoulement irréversible du temps ? Plus rien ne tient le coup.
On peut dès lors comprendre le zéro temporel comme, à nouveau, une vision anthropocentrique de l'écoulement du temps tel que nous le percevons à notre échelle, et ce au sens de l'entropie associée à notre mode d'interaction avec l'univers qui nous entoure. Pendant le bigbang, le temps ne s'écoule plus au sens où nous le définissons parce qu'il fait trop chaud pour enregistrer son écoulement. On peut imaginer, dès lors que, sous une forme ou sous une autre (pas forcément connue par notre toute jeune science), bien plus de "temps" que celui correspondant à notre façon de le définir ait été disponible pour structurer l'information (éventuellement immatérielle et invisible pour nos instruments actuels d'observation) conduisant à l'émergence de la vie et de la conscience.