aurore a écrit :car l'homéopathie a TOUJOURS avancé que, grâce à la dilution par l'eau (censée ne retenir que les bienfaits de la substance en éliminant ses effets toxiques), même les granules à base d'arsenic NE PEUVENT être toxiques. Au contraire, leurs effets sont bénéfiques.
Non, c'est faux selon la doctrine homéopathique; en fait partiellement faux. Le médicament homéopathique ne peut effectivement faire que du bien, lorsqu'il est prescrit selon les règles, au patient répondant à un profil psychologique précis, souffrant du malaise visé par le médicament. Par contre, le médicament (en hautes dilutions), pris par une personne en santé,
va provoquer les symptômes qu'il est sensé soigner. C'est ce qu'on appelle la "
loi de similitude", un des piliers de la doctrine homéopathique.
Prenez, par exemple, Lac caninum (du lait de chienne) puisque vous en parliez. Ce "médicament", prescrit à des doses variant de 7 à 30 CH (la dose varie d'un homéopathe à l'autre pour un même patient) est sensé guérir le rhume, la diphtérie, la mastite, les névralgies, le rhumatisme, la sciatalgie et, en prime, il favoriserait la sécrétion de lait chez la nourrice et soulagerait les seins enflés et douloureux avant les règles. Lac caninum est le médicament tout désigné lorsque les symptômes passent alternativement d'un côté du corps à l'autre, migraines un jour d'un côté, un jour de l'autre, narines qui se bouchent alternativement d'un côté puis de l'autre, mal de gorge passant rapidement d'un côté à l'autre (je ne savais pas que ça existait !!!). Lac caninum est également indiqué pour les femmes souffrant de règles en avance, abondantes, s'écoulant en jet (sang rouge clair, visqueux et filant, précise-t-on) surtout si le tout s'accompagne de mal de gorge et que ces femmes sont excitées sexuellement en position assise ou en marchant (si, si, je vous jure!). Mais attention, pour que Lac caninum soit efficace, le patient doit présenter un profil psychologique bien précis. Lac caninum s'adresse aux personnes habituellement tristes, qui craignent d'être seules, de mourir, de tomber malade, de tomber en descendant un escalier, aux personnes découragées et désespérées, qui croient leur mal incurable et pleurent à chaque instant. Le patient type de Lac caninum est aussi oublieux, il a des absences, fait des achats ou des promenades dont il ne se souvient pas, il omet la lettre finale ou des lettres dans un mot. Il souffre aussi d'hallucinations, il croit être entouré de serpents ou rêve à des serpents, il se réveille la nuit croyant avoir un serpent dans son lit et s'imagine qu'il porte quelqu'un sur son nez (sic). En marchant, il lui semble être soulevé du sol. Couché, il lui semble qu'il ne touche pas le lit.
Tout ça semble ridicule (on parle après tout de banal lait dilué à raison d'une goutte dans des milliards de fois le volume de tous les océans de la planète), mais rien n'est plus sérieux. Je tire ces informations d'un traité reconnu en homéopathie : Léon Vannier,
Précis de matière médicale homéopathique, 7e édition revue, corrigée et augmentée, éditions G. Doin, Paris, 1958, pp. 290-291
D'autres traités d'homéopathie prescrivent Lac caninum pour faire disparaître l'acné chez les adolescents. On précise alors que l’adolescent est hésitant, il a le trac, il a peur de l’échec, il bégaie quand il parle vite, il a des troubles de mémoire. Ce sont des sujets oublieux, déprimés, qui ne persévèrent en rien. Ce remède correspond en fait à des gens qui se sentent écrasés soumis à un phénomène de double contrainte psychologique : "si je parle, j’ai tort, si je me tais, j’ai tort". Il existe une réaction d’agressivité paradoxale, aboutissant à la prise de conscience que "je ne vaux rien ", "je suis nul", "chienne de vie". Le patient de type Lac caninum a de plus le sentiment qu’il est laid, ce qui aggrave l’autodépréciation de soi.
Comment pensez-vous qu'on en est arrivé à préciser ainsi les effets de Lac caninum et le genre de personne à qui ce médicament s'adresse? Par de longues années d'expérimentation sur des milliers de patients présentant ce profil psychologique et souffrant de ces symptômes particuliers ? Non, pas du tout; quand on sait le nombre incroyable de médicaments utilisés en homéopathie, deux siècles n'auraient pas suffi. On a déterminé l'effet de Lac caninum de la même façon que celle utilisée pour la plupart des autres médicaments (il y en pas des centaines, sinon des milliers): on a donné le médicament (aux dilutions de 30 CH tel que recommandé par Hanneman dans son Organon, la bible de l'homéopathie) à des personnes en santé et on leur a demandé de noter, parfois pendant des mois, même des années, tous les symptômes qu'elles ressentaient pas la suite. C'est ce qu'on appelle la
pathogénésie du remède. Aux États-Unis, par exemple, un certain Wolf prit un seul comprimé de Thuya à 30 CH et nota tous les symptômes qu'il ressentit pendant les deux années qui suivirent la prise de cette unique dose ! C'est ainsi qu'on a déterminé les vertues thérapeutiques de la plupart des médicaments utilisés en homéopathie.
Les propriétés de Lac caninum sont donc déduites des impressions de quelques personnes en santé qui ont absorbé du Lac caninum à 30 CH (une goutte de lait dans des milliards de milliards de fois le voulume de tous les océans de la planète) pendant quelque temps. Évidemment, plus les cobayes ont de l'imagination, plus le médicament a d'effets !
Donc, selon la doctrine homéopathique, en vertue du principe d'où la plupart des médicaments tirent leurs propriétés, l'absorption du médicament par une personne saine peut avoir des effets parfois même dangereux. Si vous ne ressentez rien de particulier en prenant un comprimé alors que vous êtes en santé, ceci démontre plutôt que l'homéopathie n'a pas de fondements.