Jean-François a écrit :Et d'extrême-oriental, et de moyen-oriental, et d'africain, etc. À mon avis, toute personne qui préfère vivre dans le confort moderne plutôt que dans le (très relatif) confort médiéval comprendra en quoi l'interprétation rétrograde du Coran est anachronique.
Là encore, c'est une perception d'occidental, parce qu'on a tendance à considérer, les USA les premier, puisque c'est eux qui ont développé ce discours pendant la guerre froide, que la modernité est une sorte d'évidence et que le progrès technique va de pair avec une société libérale et une économie libérale promouvant l'ascension sociale par la richesse. Ce discours a, en partie, été repris par le socialisme qui a tenu le discours inverse en considérant que le progrès, c'était l'émancipation du travailleur qui reprendrait les moyens de productions pour produire lui même son confort en commun.
Du coup, on a tendance à penser qu'un groupe qui prône un très fort conservatisme social et refuse totalement la démocratie est un groupe qui refuse aussi le progrès technique et rêve de vivre dans le passé.
Or ça n'est pas si simple et c'est sous-estimer la force et l'attractivité d'idéologie très conservatrice auprès de population qui espère moins un progrès que d'avoir l'impression d'avoir une prise sur leur quotidien.
Pour paraphraser un personnage de Terry Pratchett* qui illustre pas mal: les Hommes, au fond, ne veulent pas que les lendemains soit meilleurs, ils veulent surtout que les lendemains ressemblent à aujourd'hui et ne soit pas pire.
Ils sont contre la modernité
Oui, mais être contre la modernité, ça n'est pas forcément être anachronique.
On est anachronique quand on ne répond pas aux aspirations de son temps, or ça n'est pas ce que font les jihadistes.
La modernité, l'idée de progrès, sont des idéologies et ne sont pas inéluctables contrairement à ce qu'on pense. Elle nécessite justement de croire à ce progrès et de croire que ce progrès va dans notre sens.
Or cette idée du progrès est une idée qui a toujours été controversé. Soit parce qu'on lui donnait des sens différents, soit parce qu'on la refusait au nom d'une peur qu'elle ne réduise l'humanité à quelque chose qu'on ne voudrait pas. Quand dans les années 60, Andy Warhol peignait des boites de soupes pour singer la société de consommation, on était déjà dans ce discours d'une certaine forme de refus de la modernité tel qu'on nous la présente, avec la peur d'une déshumanisation de l'humain.
C'est un discours qu'on retrouve aussi parmi les altermondialismes, les partisans d'un retour à la terre, dans le new age...
Les extrémistes de l'islam ne sortent pas de nulle part, la vision qu'ils proposent est que la modernité est justement une corruption occidentale qui empêche les musulmans de revenir à leurs vraies valeurs. Ils ne sont pas contre la technique, mais ils prônent que la solution sur le plan social et politique, c'est l'islam (évidement, ça crée une contradiction car la technique est tributaire de la politique et du social pour créer les conditions de son évolution, mais aucune idéologie n'est jamais totalement cohérente).
Et ça marche parce que la société mondiale d'aujourd'hui à l'impression, dans beaucoup d'endroit du monde, d'avoir justement été abandonné et trahit par la modernité, soit parce que la mondialisation a fragilisé le tissus d'emplois locaux, soit parce qu'elle a transformé la société au point que certaines populations ont l'impression de n'avoir aucune prise ou aucune voix sur la réalité présente. S'y ajoute pour le cas des jihadites, les problème lié à l'islam en tant que religion et à la difficulté qu'elle a à se reconstruire dans le monde post guerre froide.
Donc, non, ils ne sont pas anachroniques, ils répondent à une aspiration de certaines franges de la population de revenir à un monde qu'elles ont l'espoir de maîtriser et où elles auraient moins l'impression d'être humilié. Evidement, dans les deux cas, il y a une grande naïveté à croire ça, car l'âge d'or passé qui leur sert souvent de référence n'a jamais existé et ne pourra pas être construit. Mais dans le cas de Daesh, le fanatisme religieux et certaines caractéristiques de l'Islam suffisent à éteindre la lucidité pour le moment.
Je comprends qu'on doit leur mentir à fond mais comment ne peuvent-elles pas sentir que ce qui les attend c'est une forme d'esclavage, de soumission à l'homme?
Je dirais que ça doit dépendre. Certaines personnes cherchent ce genre de situation, ça leur parait moins terrifiant que d'avoir leur vie en main. C'est toujours le problème que j'évoque, à savoir l'envie irrationnelle d'un monde simple. Les religions font leur beurre là dessus et l'humain est capable d'accepter bien des compromissions pas conviction religieuse.
Quand on donne le choix à certains entre la certitude d'une vie pleine de règles contraignantes et l'incertitude d'une vie libre, mais pleine de responsabilité, certain choisissent la certitude, même si c'est la certitude d'une absence de liberté.
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)