La consommation des animaux de compagnie dépend principalement sur :D’après madame Gaëlle Faure des Bibliothèques nationales de France, la zoothérapie est un concept qui peut aussi bien « désigner le fait de posséder un animal à la maison que des séances de thérapie institutionnalisées et encadrées par un professionnel de la santé ou un intervenant quelconque. L’appellation “zoothérapie” est donc un terme générique désignant non seulement l’impact positif des animaux sur les humains (1) », mais aussi l’impact des humains sur les animaux, car il est unanimement convenu que la zoothérapie est aussi bénéfique pour les animaux que pour les humains.
1- Les bienfaits des humains sur le bien-être des animaux.
2- Les bienfaits des animaux sur la santé des humains.
Or, nous avons vu dans un billet précédent, Brigitte Bardot et compagnie ne sont pas crédibles. L’arroseur arrosé, que les effets de la zoothérapie sur les animaux sont absolument catastrophiques.
Voyons maintenant ce qui en est des bienfaits allégués des animaux sur la santé des humains :
La zoothérapie stimulerait la bonne conduite des enfants en développant leur sens de l’empathie et des responsabilités, induirait à un plus grand respect de la nature, contribuerait à la bonne forme physique, contribuerait au développement des enfants autistes, faciliterait les interactions sociales, adoucirait la solitude, guérirait la dépression, aiderait à la guérison des enfants sous chimiothérapie, ramènerait sur le droit chemin les délinquants, tout en favorisant le bien-être des animaux.
Mais où sont les preuves?
En science, il y a essentiellement deux types d’études:
I. Celles qui formulent des hypothèses
Les études qui s’appuient exclusivement sur des opinions d’experts ou des faits anecdotiques, voire des témoignages sont extrêmement utiles pour ouvrir des portes, identifier des phénomènes nouveaux et formuler des hypothèses. Mais, ce type d’étude démontre rarement la valeur d’un traitement ou l’existence d’un rapport de cause à effet. Cent, voire mille témoignages ne font pas une vérité.
II. Celles qui mettent les hypothèses à l’épreuve
Les phénomènes nouvellement découverts sont mis à l’épreuve avec des études expérimentales. En science, il n’est pas suffisant de « savoir » intuitivement qu’une observation, un témoignage, une opinion ou une hypothèse est « vraie »; on doit prouver qu’elle est vraie en utilisant une sorte de « lampe de poche » pour nous aider à voir clair dans l’obscurité des perceptions. Les apparences étant souvent trompeuses, l’humanité a inventé la démarche scientifique précisément pour éliminer les biais multiples qui peuvent influencer les conclusions d’un chercheur, d’un témoin ou d’un observateur et l’induire en erreur (2).
Mais il faut être prudent, car une étude de type II peut être aussi biaisée qu’une étude de type I. Les déficiences et les mécanismes mentaux de son utilisateur étant le talon d’Achille principal de la science, avant de crier eurêka!, il faut absolument prendre en compte non seulement la source de financement de l’étude, mais la qualité du protocole expérimental utilisé, de même que l’affiliation des chercheurs (3)(4)(5)(6).
Le financement
La recherche dans ce domaine est presque exclusivement financée par l’industrie des animaux de compagnie, notamment par les fabricants d’aliments pour animaux. Les enjeux financiers sont gigantesques: aux É. U., par exemple, cette industrie est le huitième secteur en importance du commerce de détail, plus gros que celui des jouets, de la quincaillerie et de la bijouterie; en 2013, son chiffre d’affaires était de 55 milliards de dollars américains (7). En France, selon une enquête de la FACCO/SOFFRES (2008), cette industrie a au bas mot un chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros divisés comme suit : aliments, 2,5 milliards (ce secteur est le plus prometteur de l’industrie agroalimentaire), accessoires, 569 millions, hygiène et soins, 394 millions (8). En comparaison, la même année, la grande distribution de vins, qui représente les deux tiers des ventes de vin dans l'Hexagone, était de 3,32 milliards (9).
À défaut de communauté scientifique, de structures et de crédits publics correspondants, ce sont les industries de produits pharmaceutiques et alimentaires pour animaux qui financent le gros de la recherche dans le domaine de la zoothérapie. Les soutiens financiers sont accordés en priorité aux études sur l’alimentation des animaux (qui peuvent se traduire par une diversification des produits offerts à la vente), sur l’attachement des maîtres à leurs animaux, sur les bienfaits des animaux sur la santé des humains (dont dépend principalement la consommation) et sur le bien-être animal qui se traduira positivement en terme d’image et de revenus (10).
Problèmes méthodologiques
Évidemment, le financement par l’industrie ne serait nullement un handicap si les problèmes méthodologiques associés à cette recherche n’étaient pas si importants et persistants.
En 1984, soit trente ans après les premières recherches du psychiatre, Boris Levinson, l'instigateur de la zoothérapie moderne, dans un article qui a fait beaucoup de bruit à l’époque, et qui fait école, les scientifiques américains, A. M. Beck et A. H. Katcher ont fait une analyse fort éloquente des failles méthodologiques couramment identifiées dans ce domaine de recherche (11). Ces scientifiques ont par ailleurs complètement démenti les thèses prétentions de la zoothérapie, au point de se demander pourquoi ce type de recherche continue avec une telle intensité, et toujours avec les mêmes rapportées par Beck et Katcher (12).
En 1997, soit cinquante ans après les premières recherches du psychiatre, Boris Levinson, le Dr David T. Allen, un épidémiologiste américain, écrivait ceci:
Un constat corroboré par plusieurs scientifiques (14)(15)(16)(17)(18)(19)(20)(21), notamment Scott O. Lilienfeld et Hal Arkowitz dans un article publié dans la livraison du 9 juin 2008 du magazine, Scientific American (22).Ayant passé en revue plus de 1000 études, je n’ai pas trouvé une seule étude [étude de type II] qui décrit les gains en comparaison des pertes sur l’état de santé général de la société, en relation avec l’interaction entre les humains et les animaux. En d’autres mots, je n’ai pas trouvé un seul article [étude de type II] qui compare la magnitude des effets des cas cités avec un groupe témoin ou avec le public en général. Sur l’échelle des critères de validité scientifique, ces études [études de type I] sont à ranger sur l’échelon le plus bas. Les rapports qui vantent les mérites de la relation des êtres humains avec les animaux sont fondés sur des études descriptives et sur l’opinion des experts, et les études de ce genre [études de type I] sont les moins valides de toutes. (13)
En 2014, soit soixante-cinq ans après les premières recherches du psychiatre, Boris Levinson, le scientifique, Harold Herzog, persiste et signe:
L’affiliation des chercheursEn raison d’une couverture médiatique inédite, il est désormais admis que les animaux de compagnie améliorent la santé physique de leurs propriétaires tout en augmentant leurs sentiments de bien-être psychologique et leur longévité. Mais si certains chercheurs ont attribué à cette relation un effet positif, d’autres ont montré que la santé et le bien-être des propriétaires d’animaux ne sont pas meilleurs, mais pires dans certains cas, que ceux des personnes qui n’en ont pas. […] L’existence d’un « effet animal » positif sur la société n’est pas un fait, mais une simple hypothèse. (23)
Les théoriciens et les promoteurs les plus en vue de ce champ d’études, comme le psychiatre, Boris Levinson, le père de la zoothérapie moderne, appartiennent presque tous au domaine de la psychologie. Ce qui soulève un sérieux problème de crédibilité et de compétence, car la psychologie en général ne suit pas les critères de scientificité (24)(25)(26)(27). Selon Jacques Forget, vice-doyen à la recherche en sciences sociales à l’Université du Québec à Montréal:
Ainsi, peu d’efforts sont déployés pour réfuter les bienfaits imputés à la zoothérapie comme il est coutume en science. Le public est placé, sans aucune preuve concrète, devant un fait accompli qui ne demande plus à être remis en question tellement les preuves semblent solides, dans l’esprit de cette citation d’Aldous Huxley: « soixante-quatre mille répétitions font la vérité. »Une psychologie qui se prétend scientifique devrait utiliser une méthode de recherche scientifique. Toutefois, dans bien des cas, on préfère s’appuyer sur l’autorité. (…) De plus, en psychologie professionnelle, c'est la recherche qualitative qui est souvent privilégiée; (…) Pourtant, et en dépit de son intérêt, l'estimation qualitative ne peut remplacer la recherche quantitative, basée sur des données probantes et reposant sur de nombreuses expériences ou études. (28)
À force de se faire dire que nous aimons les animaux, qu’ils sont aussi bien traités que nos propres enfants sinon mieux, qu’ils ont en soi des vertus thérapeutiques dont on ne saurait se passer, par effet d’entraînement, passé un seuil critique, comme par magie, tout le monde s’est soudainement mis à y croire avec la ferveur propre aux nouveaux adeptes d’une religion.
Références
1. Gaëlle Faure (2004). La représentation de l’animal de compagnie dans la vie psychoaffective de l’Homme adulte. Rapport de recherche bibliographique. École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques: 47.
2. C. C. Wilson et S. B. Barker (2003). Challenges in Designing Human-Animal Interaction Research. American Behaviour Scientist; 47 (1), 16-23 : 2000-2002.
3. David Michaels (2008). Doubt is Their Product. How Industry’s Assault on Science Threatens your Health. Oxford University Press.
4. Bruce Patsy (2006). Recent Trials in Hypertension: Compelling Science or Commercial Speech? Journal of the American Medical Association.
5. J. P. A. Ioannidis (2005). Why most published research findings are false. PLoS Medicine, 2, 696–701.
6. D. H. Freedman (2010). Lies, damned lies, and medical science. The Atlantic; 306(4) : 76-84.
7. Pet Industry Market Size & Ownership (2013). American Pet Products Association.
8. Association française d’information et de recherche sur l’animal de compagnie (AFIRAC). [En ligne] Chambre syndicale des Fabricants d’aliments préparés pour chiens, chats, oiseaux et autres animaux familiers (FACCO). [Enligne]
9. Éric de la Chesnais (25/05/2009). Sévère chute de la consommation de vin en France. Le Figaro.
10. Jean-Pierre Digard (2005). Les Français et leurs animaux: Ethnologie d’un phénomène de société. Paris: Hachette littératures, Pluriel: ethnologie : 41.
11. A. M. Beck et A. H. Katcher (1984). A New Look at Pet-Facilitated Therapy. Journal of the American veterinary Association (JAVMA); 184 (4) : 15.
12. Hal Herzog (2014). Does Animal-Assisted Therapy Really Work? What clinical trials reveal about the effectiveness of four-legged therapists. Animals and Us. Psychology Today.
13. David T. Allen (1997). Effects of Dogs on Human Health. JAVMA; 210 (7).
14. A. Chur-Hansen, C. Stern et H. Winefield (2010). Commentary: Gaps in the evidence about companion animals and human health: Some suggestions for progress. International Journal of Evidence-Based Healthcare; 8(3) : 140-146.
15. L. S. Palley, P. P. O'Rourke et S. M. Niemi (2010). Mainstreaming animal-assisted therapy. ILAR Journal; 51(3) : 199-207.
16. D. L. Wells (2009a). The effects of animals on human health and Well-Being. Journal of Social Issues; 65(3) : 523-543.
17. A. E. Kazdin (2011). Establishing the effectiveness of animalassisted therapies: Methodological standards, issues and strategies. In P. McCardle, McCune, S., J. A. Griffin & V. 18. Maholmes (Eds.), How animals affect us: Examining the influence of humananimal interactions on child development and human health (pp. 3551). Washington, DC: American Psychological Association.
19. L. Marino (2012). Construct validity of Animal-Assisted-therapy and activities: How important is the animal in AAT? Anthrozoös; 25 (Supplement 1) : 139-151.
20. H. Kamioka, S. Okada, K. Tsutani, H. Park, H. Okuizumi, S. Handa, T. Oshio, S. Park, J. Kitayuguchi, T. Abe, T. Honda et Y. Mutoh (2014). Effectiveness of animal-assisted therapy: A systematic review of randomized controlled trials. Complementary Therapies in Medicine; 22(2) : 371-390.
21. K. A. Kruger et J. A. Serpell (2006). Animal-Assisted Interventions in Mental Health: Definitions and Theoretical Foundations. In: Fine, A.H. (Ed.) Handbook on Animal Assisted Therapy: Theoretical Foundations and Guidelines for Practice, 2nd Edition. Academic Press: 21-38.
22. Scott O. Lilienfeld et Hal Arkowitz (2008). Is Animal-Assisted-Therapy Really the Cat's Meow? The jury's out on whether animals can initiate longlasting improvements in mental health. Scientific American.
23. Harold Herzog (2011). The Impact of Pets on Human Health and Psychological WellBeing: Fact, Fiction, or Hypothesis? Current Directions in Psychological Science; 20(4) : 236-239.
24. J. Ioannidis, M. R. Munafò, P. FusarPoli, B. A. Nosek et S. P. David (2014). Publication and other reporting biases in cognitive sciences: Detection, prevalence, and prevention. Trends in Cognitive Sciences; 18(5) : 235-241.
25. D. Fanelli (2010). “Positive” results increase down the hierarchy of the sciences. PloS One, 5(4); e10068.
26. C. J. Ferguson (2009). An effect size primer: A guide for clinicians and researchers. Professional Psychology: Research and Practice; 40(5) : 532.
27. A. Franco, N. Malhotra et G. Simonovits (2014). Publication bias in the social sciences: Unlocking the file drawer. Science; 345(6203) : 1502-1505.
28. Jacques Forget (2009). La psychologie est-elle une vraie science? Conférence présentée aux sceptiques du Québec.